28 févr. 2019

Bohen, tome 1 - Les Seigneurs de Bohen




Je vais vous raconter comment l'Empire est mort.
L'Empire de Bohen, le plus puissant jamais connu, qui tirait sa richesse du lirium, ce métal aux reflets d'étoile, que les nomades de ma steppe appellent le sang blanc du monde. Un Empire fort de dix siècles d'existence, qui dans son aveuglement se croyait éternel.
J'évoquerai pour vous les héros qui provoquèrent sa chute. Vous ne trouverez parmi eux ni grands seigneurs, ni sages conseillers, ni splendides princesses, ni nobles chevaliers... Non, je vais vous narrer les hauts faits de Sainte-Étoile, l'escrimeur errant au passé trouble, persuadé de porter un monstre dans son crâne. De Maëve la morguenne, la sorcière des ports des Havres, qui voulait libérer les océans. De Wens, le clerc de notaire, condamné à l'enfer des mines et qui dans les ténèbres découvrit une nouvelle voie... Et de tant d'autres encore, de ceux dont le monde n'attendait rien, mais qui malgré cela y laissèrent leur empreinte.
Et le vent emportera mes mots sur la steppe. Le vent, au-delà, les murmurera dans Bohen. Avec un peu de chance, le monde se souviendra.



Pourquoi ce livre ? De mémoire, c’est un des premiers romans que je suis allée chercher, du temps où j’étais encore mineure, peu de temps après sa sortie. A l’époque, je n’avais pas encore lu d’Estelle Faye mais j’étais conquise par le résumé et sa couverture. Entre deux, j’ai eu le temps de découvrir l’autrice au travers d’Un éclat de givre et La Voie des Oracles, deux excellentes lectures dans des domaines différents qui avaient tous les deux obtenu le 17/20. Bohen serait-il l’occasion de dépasser cette note ? Affaire à suivre !

Les seigneurs de Bohen commence fort, très fort. Pour une couverture présentant un océan agité, ce sont les flammes qui ouvrent le bal, avec un bâtiment religieux qui brûle et un personnage qui fuit au hasard des troncs. Réfugié dans la forêt, il finit par poser le pied là où il ne faut pas, et va subir le pire… Et on s’arrête alors même que l’horreur s’amène, interrompant ma curiosité, mon envie salace de savoir.

Par la suite, les premiers chapitres gagnent en légèreté. Plusieurs chapitres consécutifs se concentrent sur un des personnages principaux afin de comprendre son enjeu, percevoir sa personnalité et ses envies. Le récit se pigmente de quelques interludes, qui permettent de percevoir quelques intrigues secrètes, en recul, sur des choses que l’on ne comprend pas encore. Par ailleurs, ces interludes est l’occasion de changer son focus : on découvre un autre personnage, son background, etc. Cette manière douce de présenter les personnages me paraît la meilleure car je n’ai jamais été perdue dans les noms ou les métiers de cette foule de personnages, ce qui est un bon point en soi.

Une fois les personnages dans la peau, la suite découle toute seule, dans un rythme et des rebondissements qui gagnent en rythme. Les chapitres se raccourcissent par moment, preuve que l’intrigue se développe à une vitesse délicieuse. Je n’ai ressenti aucune longueur, je voulais simplement en savoir plus, tout le temps, entraîné par les événements qui défilent. Amour, promesses, trahison, protection, surprise familiales, toutes les relations sont mises à mal, au service d’une seule volonté : démontrer que les choses peuvent changer, qu’un système peut s’effondre, qu’il suffit de s’allier pour faire basculer le monde établi.

Et finalement, la fin ne me convainc pas. Enfin si, elle est bien dans le sens où l’autrice choisit de passer sous silence bon nombre d’événements, comme si les personnages prenaient le relais des fils qui les maintiennent et qu’ils se libéraient de toute entrave : lesdits fils comme le système politique. Je viens de m’en rendre compte. J’adore !
Néanmoins, la fin manquait encore de tension. Certes, tout s’accélère… Pourtant je n’ai jamais craint pour la vie des personnages car les morts sont tombés avant et la fin nécessite des survivants pour reconstruire. C’est la seule chose qui m’a déçue dans ma lecture, et je regrette que cela tombe sur la fin.

Les paysages sont extrêmement bien décrits. J’avais déjà remarqué que la force des intrigues d’Estelle Faye repose sur cette plume, car ses descriptions sont très immersives, on s’y voit et on s’y croit. J’ai adoré évolué dans ces paysages fort différents : sur les côtes, sur des fleuves, dans des forêts, en ville… Mon esprit s’est empli de mille images et j’ai adoré !

Les personnages, comme dit rapidement auparavant, fourmillent. S’il n’est pas difficile de les situer dans le bon contexte, il faut tout de même un petit temps d’adaptation entre les transitions. Sainte-Étoile dégage au tout début un petit mystère : pourquoi ce surnom ? A-t-il un lien avec ce qui fut lu dans les premières pages ? Sa quête semble vouée à l’échec et le “monstre” qu’il abrite promet des horreurs sans nom. Et pourtant, on va apprendre à côtoyer ces deux-là, à les apprécier à leur juste valeur. Au final, je me suis prise d’empathie pour l’une comme l’autre de ces entités, Mordred étant un nuisible avec du répondant. Et sa petite touche d’émotion, quand il le faut. Les épreuves qu’ils sont amenés à traverser forcent l’attachement et le respect. C’est un personnage que j’ai adoré suivre, et j’aimerais tellement que la suite nous remette dans ses pas.
Je pensais évoquer Maëve, mais je me rends compte que ce n’est pas rendre honneur à l’autre parti de Sainte-Étoile, ce double sans qui il ne serait rien… Sorenz, ce mercenaire à l’aplomb assuré, avec des couches et des couches de mystères. Je suis d’emblée tombée amoureuse. C’est le parfait bad boy, avec en dessous de la crasse et du sang une humanité innocente, naïve, une solitude qu’il peine à assumer. C’est le genre de personnages qu’on a envie de prendre dans nos bras mais qu’il faut savoir caresser dans le sens du poil si on ne veut pas finir avec une griffe - ou un poignard, dans l’aine.
Maëve à présent ; elle le mérite. Fille d’armateur sans promesse d’avenir en raison de sa condition de morguenne (ou magicienne dans notre langage) qui est mal vue dans la plupart des régions du royaume, elle n’a d’autre choix que de se porter au devant du danger en allant frapper à la porte de la seule sauveuse possible : l’Impératrice elle-même. Pourquoi ? Comment ? Je vous laisserai le découvrir par vous-même en lisant ce livre. Maëve fait preuve d’un grand courage, d’une témérité sans borne. Pourtant je n’ai pas réussi à m’attacher… Si elle ne voit son avenir que par sa mission, elle est incapable d’aimer réellement : Lantane, Nasha, tant d’oubli et de promesses ténues que ça devient presque écœurant. La rencontre avec Sigalit, dont la force m’a une fois de plus impressionnée, bouleverse son tempérament, mais pour moi ce fut trop tard. Ainsi est-ce un personnage en demi-teinte à mes yeux…
Wens est également un personnage qui m’a laissé de marbre, comme sa soeur Sélène et Janosh. Je conçois qu’ils aient leur importance dans l’intrigue, toutefois les quelques passages qui leur sont dédiés m’ont totalement laissée froide.
J’ai beaucoup apprécié la figure de l’Empereur, qui change du tout au tout là où on s’y attend le moins. Il m’a véritablement surprise et, si ce n’est pas sur le plan que j’imaginais, ce fut agréable de le voir agir ainsi. Quant à son épouse, il est impensable de la juger, au regard de ce qu’elle a vécu depuis tout ce temps…

J’ai déjà évoqué la plume de l’autrice, alors je refermerai cette chronique sur la beauté de la couverture. Pensée par le grand Marc Simonetti, elle représente les fameux Vaisseaux Noirs, à l’origine du voyage de Maëve, et Lantane, sa première amante qui combat cette menace avec sa magie. Ces nuances de bleu-vert… tout simplement magique !



Ce n’est pas encore avec ce tome qu’Estelle Faye dépassera le 17… Ceci dit, pour trois lectures dans des domaines et sur des sujets différents, pour un public différent, obtenir un 17 à chaque fois est plutôt une bonne chose, n’est-ce pas ?
Bref ! Ce premier opus, qui se conçoit parfaitement comme un one shot si l’aventure d’un deuxième ne vous tentait pas, est un mélange de tout ce que j’aime, entre intrigues politiques, révoltes, trahisons, sentiments mesurés et audaces passionnées. J’ai adoré la plupart des grands personnages et certains me manquent déjà, notamment Sorenz et Saint-Étoile. La fin est ouverte, avec ce qu’il faut d’ellipse pour ne pas brider l’imagination du lecteur. J’ai adoré, tout simplement, et j’en redemande encore et encore ! Une chose est sûre, l’autrice devient pour moi une référence en matière d’efficacité, de légèretés, de belle plume dans des genres que j’affectionne. Son oeuvre est idéale pour s’initier à l’imaginaire ou pour chercher quelque chose de léger.



17/20




Les autres titres de la saga :
1. Les Seigneurs de Bohen
2. Les Révoltés de Bohen
- saga terminée -


2 commentaires:

  1. Je suis d'accord avec toi sur la fin, tombe un peu comme ça, sans tension.

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    1. Ca me rassure de voir que tu ressens la même chose car pas mal d'amis ont trouvé mon jugement dur.

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