29 avr. 2021

Le Roman de Jeanne




Anéantie par les excès de l'humanité et des guerres interminables, la Terre n'est plus que cendres et désolation. Seuls les plus riches survivent, forcés de s'adapter à des conditions apocalyptiques. Leurs corps se sont transformés, albinos, stériles, les survivants se voient désormais contraints de mourir le jour de leurs cinquante ans. Tous vivent dans la peur, sous le joug du sanguinaire Jean de Men. Christine Pizan a quarante-neuf ans. La date fatidique approche . Rebelle, artiste, elle adule le souvenir d'une héroïne, Jeanne, prétendument morte sur le bûcher. Jeanne serait la dernière à avoir osé s'opposer au tyran. En bravant les interdits et en racontant l'histoire de Jeanne, Christine parviendra-t-elle à faire sonner l'heure de la rébellion ?



Pourquoi ce livre ? Pour une fois que ma professeure en Master (spécifiquement elle) eût une bonne idée… Présenter un coup de cœur de la dernière rentrée littéraire. C’est un ami, fan de littérature de l’imaginaire, qui a présenté en quelques mots ce roman méconnu. Des mots convaincants. Deux ans plus tard, je me souvenais encore du titre, le livre est enfin lu.

Le Roman de Jeanne commence fort, très fort. Par la voix de Christine, par son don des griphes, on découvre un futur dégueulasse où l’humanité vit dans le CIEL, une station en orbite, et a connu une nette évolution : adieu les appareils génitaux, adieu la peau beige, bonjour aux couches de peaux grisâtres et sans âme, couvertes de marques comme autant d’histoires à balancer. C’est avant tout pour ses fameuses griphes, ce don de tatouer la peau comme un devoir de mémoire, que mon intérêt était titillé.

Mais pas que ! Christine et Trinculo ont une relation tellement sulfureuse, en synergie constante, avec des affronts et de l’impulsion… j’ai accroché tout de suite à leurs bravades, à leur parler cru, à tout ce qui finalement rend une personne vive et vivante. Bien sûr, cette relation et les messages qu’elle véhicule sont loin de plaire à tous, notamment à Jean de Men (qui m’a rappelé une figure politique française par son nom et son comportement, désolée), leader du CIEL. De là débute une révolte où seules quelques têtes osent élever la voix.

Comme je l’écrivais plus haut, ça frappe très fort par les échanges sulfureux et la présentation de l’art, mais j’accuse tout de même une baisse de régime vers la moitié du livre. L’envie de lire était toujours présente mais les nombreux retours dans le passé pour découvrir un troisième personnage d’importance m’ont donné le sentiment de ne plus avancer. Heureusement c’est très vite passé, car la vie de cette fameuse Jeanne est tristement intéressante, pour le symbole et l’espoir qui émanent d’elle, et le sort réservé à Trinculo me faisait craindre le pire, accroissant mon débit de lecture.
La fin est quant à elle suffocante, la parole ne s’arrête jamais, la violence est omniprésente et je n’arrivais vraiment pas à prédire comment tout ceci pourrait bien se terminer. Ce fut une bonne fin, qui clôt à la perfection ce one shot.

J’ai adoré tous les personnages que l’on croise, sauf Jean de Me, évidemment. Tous, ils portent une voix, une émotion pure qui les détache du conformisme silencieux des autres. Jeanne a cette difformité qui collerait presque à de la magie, on a vraiment le sentiment que l’enfant devenue femme a traversé l’innocence et la maturité sans jamais avoir peur, toujours à accepter son sort. Sans être un modèle dans les personnages littéraires, je me souviendrai d’elle longtemps pour sa tranquille assurance et toute la souffrance endurée, encaissée sans jamais se plaindre.
Bien entendu, j’ai adoré le “couple” Christine Trinculo, tout simplement magique par leur force de caractère, surtout Trinculo qui m’a rappelé Parleur d’une autre œuvre de SF majeure méconnue, Chroniques d’un rêve enclavé d’Ayerdhal.
Finalement, le personnage qui m’aura donné le plus de mal est sûrement le méchant lui-même, Jean de Men. Je reconnais que c’est sûrement souhaité de la part de l’autrice, je regrette tout de même que la cruauté qui émane de lui soit poussée à tant d’extrémités.

J’évoquais Ayerdhal ci-dessus, je vais revenir sur son nom et sur celui d’un autre auteur, l’un des plus publiés dans la science-fiction française. En effet, j’ai trouvé que le style, la façon de faire claquer les mots comme autant de gifles, ressemblait fortement à celui d’Ayerdhal, qui reste un de mes auteurs préférés par excellence, tout genre confondu. Les mots résonnent, font mal. Dans le contenu, Alain Damasio aurait pu l’écrire. Comme je l’insinuais auparavant, c’est de la science-fiction sociale où l’émotion gouverne l’ensemble. Je ne dis pas que ce fut aussi puissant que Les Furtifs, le dernier paru, il n’empêche que Le Roman de Jeanne est marquant pour cette raison. Bref, mélanger les idées d’un Damasio au style incisif d’un Ayerdhal, Lidia Yuknavitch ne pouvait pas taper, gronder plus fort...



En ouvrant ce roman, il ne faut vraiment pas s’attendre à de la science-fiction poussée, rythmée par une enquête ou une intrigue trépidante. Tout se passe dans l’esprit, la découverte de cette civilisation future si différente, dans cette révolte soufflée par trois voix, peut-être quatre. Les péripéties finalement peu nombreuses laissent le champ libre à la violence crue et aux personnalités, aux objectifs de chacun. De la science-fiction sociale, en quelque sorte.
J’ai adoré et s’il ne m’avait pas manqué un petit quelque chose dans l’intrigue, peut-être dans son rythme, j’aurais sûrement éprouvé un gros coup de cœur. En attendant ce roman restera gravé dans ma mémoire pour un bout de temps (et pas besoin de griphe pour cela !).



20/20





2 commentaires:

  1. tout d'abord, permet moi de te dire que j'adore l'image de ta bannière. Elle est magnifique. Je ne suis pas trop SF, mais il a l'air quand même intéressant

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci. Je regrette de ne pas avoir noté le nom de l'artiste sur la bannière, pour la paternité...
      Je pense que le roman peut tout à fait convenir à quelqu'un qui ne lit pas de SF !

      Supprimer