On ne bâtit rien
sur le désespoir, fors la haine, mais avec la colère et l'usure des souffrances
qui se répètent, avec la faim et la peur du lendemain, avec nos seuls coudes
serrés pour nous tenir chaud, et nos larmes en écho, et nos rires enfuis, un
jour, avec juste ça, entre hommes et femmes, nous n'aurons plus besoin que d'un
rêve pour nous éveiller."
Ce rêve, c'est Parleur, marcheur venu de nulle part, qui va l'apporter aux gueux et aux roturiers de la Colline, une année où l'hiver, la dîme et la disette se conjuguent pour les condamner à choisir entre la mort et la révolte.
Ce rêve, c'est Parleur, marcheur venu de nulle part, qui va l'apporter aux gueux et aux roturiers de la Colline, une année où l'hiver, la dîme et la disette se conjuguent pour les condamner à choisir entre la mort et la révolte.
Histoire d'une utopie impossible, rêve d'une autarcie
fouriériste où se reconstruirait un monde préservé, humain et libre, ce roman
inclassable et brillant utilise le merveilleux pour mieux mettre en question le
réel. Ayerdhal, avec son goût pour la subversion des modèles, a réussi là un
magnifique récit d'aventure et de révolte qui détourne les éléments du roman de
quête pour leur donner une profondeur nouvelle. Dans un nouveau format, une
réédition qui lui rend justice.
Mon avis :
L’intrigue de ce roman est divisée en deux étapes bien
distinctes : le premier nous décrit les difficultés des Collinards (habitants
de la Colline surplombant la ville de Macil) à survivre face à la disette d’un
hiver long et stérile ; le deuxième consiste à relater la rébellion de ces
mêmes Collinards face à un pouvoir qui recherche toujours plus de pouvoir et
de profit, appauvrissant ainsi le peuple sans se soucier de ce dernier.
C’est alors qu’est mis en avant le don de Parleur,
ancien guerrier ayant délaissé ses armes et individus étranger à la Colline
mais qui a su s’y faire une place par le pouvoir des mots. Grâce à lui, les
Collinards survivront à l’Hiver qui a énormément tué dans les autres villes
mais il les fera également prendre conscience de leur faiblesse et les amènera,
d’un commun accord, à se révolter face au pouvoir et ainsi à s’enclaver du
reste de Macil.
Que le livre soit divisé en deux sujets différents
amène de la diversité et le lecteur ne s’ennuie donc jamais puisqu’il y a
toujours des nouveautés au fil des pages.
De plus, Ayerdhal glisse des préceptes dans son roman,
à travers la parole de Karel, ami épistolaire de Parleur et qui a appris à ce
dernier à utiliser la force des mots. Ainsi, on retrouve des phrases,
dérangeantes mais tellement vraies, de Karel prononcées avant sa mort, telles
que « Si les choses ne te plaisent pas, change-les ». Sortie de son
contexte, malheureusement, ces dictons perdent tous leurs sens mais insérées
dans la lecture, ce sont des véritables gifles que l’auteur nous transmet.
En parlant de gifle, une d’elle est glissée à la fin,
non plus dans les dictons, mais dans l’intrigue elle-même. En effet, on
espérait une autre fin pour ses représentants de la Révolution, mais cette
dernière sera plus que tragique et amènera le lecteur à se demander si se
révolter sert réellement à quelque chose de concret, à part se mettre à dos le
pouvoir. Ainsi, je trouve cela dommage d’écrire sur une révolte et de casser
cela à la fin, comme si aucun espoir n’était permis – même si la survie d’un
personnage bien précis laisse un mince filet d’espoir pour la suite.
Ayerdhal immisce toujours autant d’humour dans ses
romans, notamment ici dans une relation amoureuse où une femme « traque »
Parleur pour en faire son amant, et où ce dernier la repousse car il a peur d’elle.
Le lecteur est alors plongé dans une situation paradoxale où Parleur, qui
montre toute sa puissance et sa force de caractère au travers des mots, nous apparaît comme un enfant peureux devant une femme. Cette situation cocasse
contribue également à atténuer la violence de certains passages, mais si d’autres
restent très brutaux satiriquement parlant.
Malgré tous ces points positifs, le lecteur peut
parfois être perdu au niveau des échanges épistolaires (entre le Vénérable
Grand Maître de la Ghilde et le Premier Maître de la Loge Macilienne) glissés
entre chaque veillée (onze en tout), car il y est décrit les intentions de ces
deux personnages mais d’une manière très détournée et sous-entendue.
Dans la même idée, et comme la plupart de livres de
cet auteur, il faut relire plusieurs fois l’œuvre (sans que ce soit des
lectures consécutives, on peut alterner avec d’autres romans) pour comprendre l’entière
portée de l’œuvre.
En
conclusion, toujours un excellent
moment de lecture où se mêlent diversité, humour et révolte.
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