Depuis l’accession au pouvoir du hartl Skilf Oluf’ar, la paix règne et la commanderie du Solkstrand prospère.
Lorsqu’on lui refuse le passage d’un pont parce qu’il ne peut s’acquitter du péage, Kelt prédit l’effondrement de la construction. Ainsi sont les diseurs de mots : ils possèdent de drôles de dons, jamais ils ne mentent et, affirme-t-on, leurs vérités ensorcellent.
Arrêté et livré aux geôles du seigneur local, Kelt doit démontrer son innocence lors d’une ordalie. Hòggni, un mercenaire en mal de contrats, accepte de le représenter puis remporte le duel. Toutefois, vexé de sa défaite, le seigneur les missionne alors au Heldmark, où le culte d’un dieu unique se répand plus vite que la peste…
Un immense merci à Cathy des éditions Critic pour ce partenariat.
Pourquoi ce livre ? Cela fait un certain temps maintenant que je suis avec attention les parutions de cette maison d’édition vieille de dix ans cette année. S’ils arrivent à obtenir des couvertures magnifiques, le contenu est aussi palpitant, envoûtant. Ça n’a pas manqué avec le premier tome de ce diptyque.
Comme l’indique si bien le résumé, ce premier tome sera l’affaire de politiques et de religions. Toute communauté, civilisée et bien ancrée dans ses coutumes, doit faire face à l'avènement d’une nouvelle religion, un Dieu Unique, dans une région jugée barbare, inférieure, sans réelle menace.
Tout se déroule dans une tension latente. Avant tout, l’auteur pose son intrigue et ses personnages : Kelt, le fameux diseur de mots, mais aussi Hoggni, le mercenaire, le hartl Skilf, la danseuse Varka, l’ennemi Slegur, Æsa, et j’en passe. Tous se croisent, se mêlent, complexifient la chose pour faire aboutir le récit dans une maturité savoureuse. Tension latente, je disais, cela se poursuit une bonne partie du récit. Mais quand tout bascule, cela prend aux tripes. Si le livre compte presque quatre cents pages, les dernières sont particulièrement savoureuses, le déclic résonne dans notre tête et on découvre les conséquences des divers rouages.
Par ailleurs, les différents noms, les syllabes qui les composent, sonnent exotiques sous la langue. Si j’ai eu du mal à déterminer qui est qui dans l’histoire, chacun possédant plusieurs appellations différentes utilisées à divers moments, on finit par apprécier les caractères, les capacités de chacun, etc.
Ne vous leurrez pas, entre l’intrigue qui alterne les rythmes et les personnages aux sonorités étrangères, cette lecture, bien que savoureuse, est particulièrement éprouvante : une fois dedans, on a envie de la lire d’une traite. Et pourtant elle requiert énormément de concentration, davantage que devant une high fantasy bas de gamme (je n’ose pas donner de titres, là n’est pas l’intention). Non, Diseur de Mots se place dès ce premier tome dans l’élite du genre.
Je suis également heureuse de voir que les personnages féminins jouent un rôle important dans l’avancée de cette intrigue. Entre Varka la danseuse ou Élyhora l’épouse, elles apparaissent dans des rangs et des castes sociales opposées, mais leurs talents permettent de les repérer, de les situer rapidement, preuve qu’elles marquent énormément. Cela me rappelle aisément Martyrs d’Olivier Peru, où les femmes ont également la part belle - autrement dit, étant donné mon amour pour cette saga, je vous laisse imaginer le niveau de La Lyre et la glaive !
Il est temps d’en venir à la fin du livre. Le rythme gagne en intensité. Je l’ai déjà dit, il devient alors difficile de le lâcher, si bien que, une veille de soutenance, j’étais encore dessus à une heure du matin, incapable de lâcher le bouquin ! Les événements basculent, cela nous surprend car tout s’oppose au rythme tranquille du début d’ouvrage. Le souffle est coupé, on espère et on se frustre de voir l’auteur se jouer de nous, en alternant les points de vue pour faire grimper plus encore le suspens. Non, vraiment, j’ai adoré cette sensation de m’en remettre totalement entre les mains de ce récit, avec cette envie de toujours en avoir plus.
Les personnages sont foule, une impression amplifiée par les multiples noms que possède chacun d’entre eux.
Si on commence par Kelt, le diseur de mots, je pourrais résumer par j’adore son pouvoir. En vérité, ça n’en est pas un. Vécu comme une semi malédiction, l’homme est contraint de ne dire la vérité, dans le risque de changer cette dernière, sans pouvoir anticiper ces conséquences. Si cette fameuse Vérité me rappelle, sans que je mette le doigt sur le titre en particulier, une autre forme de magie dans une fantasy lue par le passé, son usage ici, sa légèreté dans le propos mais la puissance dans les actes, m’a comblée. Kelt se pose ainsi comme le jouet du destin, et je suis amusée de voir que c’est lui qu’on envoie pour contrecarrer les plans d’un dieu. Cela frôle l’ironie.
Kelt, comme on le voit sur la couverture, est entouré par quelques héros inattendus. Entraîné dans un combat pour défendre son honneur et son témoignage, c’est finalement Hoggni, un mercenaire sans contrat, qui placera sa lame sous sa Vérité. Sans qu’on appréhende ce dernier comme un surhomme, son agilité et son savoir quant aux armes le placent dans une sécurité trompeuse. On le croit puissant, on ne craint plus tellement pour sa vie, et l’auteur nous détrompe en rappelant que tout homme est mortel - encore que… Et la belle Varka va également rejoindre Kelt, embellissant les veillées de ses danses connotées, l’occasion parfaite d’ajouter un peu de poésie et de beauté dans un monde en perpétuel conflit.
J’apprécie énormément qu’il n’y ait pas de véritables méchants. Chacun oeuvre pour son profit personnel, le pouvoir, la puissance, la richesse, l’honneur. Pourtant, les actes de chacun pour parvenir à ses fins induisent une part de violence, une part de ruse, une part de belles paroles, tant de choses qui permettent l’attachement ou le dédain selon nos goûts.
La plume est magique. Je ne saurais comment la décrire sans craindre de ne pas être assez élogieuse… Le style dégage cette poésie que je n’ai retrouvée que peu de fois dans mes lectures. Il vous entraîne et vous attire toujours plus loin dans cette aventure lente mais ô combien savoureuse, avec ses sonorités tantôt chantantes, tantôt tranchantes. L’auteur a une voix unique pour exprimer ses idées. Plus que le contenu, c’est encore elle qui me retenais jusqu’au bout de la nuit. Et je ne déforme pas la Vérité en l’affirmant haut et fort !
Quant à la couverture, il est dit dans le livre que c’est la première oeuvre de Jean-Baptiste Hostache, professeur de design et de game art, réalisée pour une couverture. Le trait est fin, l’illustration est extrêmement détaillée et les couleurs sont divinement harmonieuses. Je n’aime pas le rose… non, je déteste le rose. Pourtant, la couverture accroche le regard avec une facilité déconcertante. Et j’apprécie énormément les détails qui permettent une immersion totale dans ces décors !
La Lyre et le glaive, tome 1 - Diseur de mots fut un petit coup de cœur ! Petit, parce les mots ou non aux sonorités étrangères étaient nombreux et étaient donc difficiles à retenir. Coup de cœur, pour la beauté des mots qui s'enchaînent, pour leur saveur particulière sur la langue. Je me suis régalée du début à la fin dans cette fantasy puissante, travaillée, maîtrisée. C'est lent à se mettre en place mais un simple fil titille notre attention, notre curiosité. Les personnages, masculins comme féminins, sont ni trop blancs ni trop noirs, dans cette neutralité que l’on retrouve seulement dans les textes des plus grands. Succulent, "aussi bon que la couverture", comme j'ai pu le glisser à Ratkiller. J'ai déjà pris rendez-vous pour la suite et fin de ce diptyque.
P.S : Quand tu prends conscience que ce livre est le premier coup de cœur de 2019 alors que l'année est déjà bien entamée, tu as envie de sortir le champagne !
19/20
Belle chronique !! Tu nous fais toujours découvrir de chouettes titres, celui-ci n'échappant pas à la règle :D Merciii
RépondreSupprimerDe rien, c'est un plaisir =) Et ce premier opus est génial, fonce !
Supprimer