Si Kélia n’a pas hérité du don de son père, diseur de mots, elle se découvre très tôt un autre talent : elle sera danseuse de corde. Or, défier les lois de l’équilibre peut se révéler plus risqué qu’on le croie. Tout dépend où aboutit la corde sur laquelle on marche, et de la notion qu’on a de l’équilibre, quand tout se révèle instable.
C’est ainsi que Kélia sera amenée à jouer un rôle décisif dans la bataille qui oppose les adeptes des anciens dieux aux partisans de l’Unique. Pourtant, elle ne demandait rien d’autre qu’un peu de bonheur auprès de la personne dont elle s’est éprise, comme toutes les jeunes filles de son âge. Mais il est vrai que toutes ne choisissent pas pour amant un dieu de l’Axe-divin...
Pourquoi ce livre ? J’avais lu le premier tome dans le cadre d’un service presse avec les éditions Critic et j’avais adoré, il me tardait d’avoir la suite et fin si bien que je me suis ruée en librairie pour l’acquérir et le dévorer. Il n’aura pas traîné longtemps en PAL
Danseuse de corde est dans, avec ambivalence, l’exacte continuité. On y découvre la naissance et l’évolution de la fille de Kelt, le Diseur de mots. L’enfant, Kélia, n’a jamais vu son père mais se forge une idée tout à fait sensée de lui par le biais des récits d’Hoggni et de Varka, Fille-farouche. Tant de noms qui m’avaient manqués et que j’étais heureuse de retrouver !
L’univers est lui aussi identique - encore heureux ! Les noms exotiques nous dépaysent mais l’ambiance guerre de religions, qui n’est pas sans rappeler les grandes croisades médiévales, et l’oscillation entre moyen-âge et renaissance font de cet univers quelque chose de très politique, avec un ton sérieux. J’y vois là une belle opposition entre le fond, dur et violent, et la forme, douce et poétique.
Car la plume de Christian Léourier n’a pas changé d’un iota entre les deux volumes. D’abord sur la défensive face aux fameux noms exotiques qui m’ont perdue dans les cent premières pages, j’ai réussi à trouver un équilibre et je me suis finalement laissée porter sur cette vague de douceur et d'élégance. Les mots sont choisis avec soin et j’aurais pu noter quelques citations magnifiques, surtout vers la fin.
La magie a légèrement moins marché en revanche, puisque ce ne fut pas un coup de coeur. La raison est évidente pour qui me connaît. J’aime les beaux parleurs, ceux qui savent jouer avec les mots leur donner une profondeur, un sens caché. A l’image de Varka, Kelt à la langue pendue m’avait charmée dans le premier opus et je fus triste de ne pas retrouver sa présence ou son héritage ici - même si Hoggni se prête bien aux jeux des récits et mythes, pour donner le change.
En dehors de cette déconvenue, les personnages ont une force, parfois religieuse, parfois guerrière, parfois juste une voix, surprenante, chacun à leur manière. La façon dont les choses s’agencent entre eux donne le sentiment qu’ils sont dépassés par les événements et s’en remettent entièrement au hasard, ou au destin. J’ai beaucoup aimé cela, je trouvais que cela collait bien aux guerres religieuses qui ne sont pas sans rappeler, comme je le disais plutôt, à la christianisation du monde.
J’ai été surprise de voir Oddi dans une telle position, je dois dire que je ne me souvenais plus de ce qu’il est devenu à la fin du premier opus. Il se rapproche néanmoins de ce qu’il était dans le dernier volume, pour mon plus grand plaisir.
J’ai ressenti beaucoup d’émotions lors de cette lecture, que ce soit les petites joies de l’enfant mais aussi les craintes des uns et la peine des autres, même lorsque les morts sont du côté des puissants, comme quoi c’est un récit d’âme.
Un deuxième regret, moindre mais qui persiste quand même quand j’ouvre le livre… La couverture. Jean-Baptiste Hostache avait fait un excellent travail dans la description de l’univers, où on oscille entre consonances scandinaves et caractères nippons. Dans les mêmes tons, cette couverture d’Eric Scala n’est pas moche, mais on perd le trait original du premier illustrateur et je regrette que les éditions Critic, pour une raison ou une autre (sûrement valable, je ne remets rien en cause) n’aient pas poursuivi leurs collaboration avec lui.
Encore une très belle performance pour une lecture marquante ! Si la science-fiction signée Christian Léourier ne m’a pas encore convaincue avec Helstrid, je ne fais que me régaler avec sa fantasy à la limite du dark. Univers maîtrisé, enjeux politique et religieux, des personnages ballottés par des événements qui les dépassent et une plume si belle, si poétique, si élégante, je ne pouvais être que charmée. En revanche, ce n’est pas une lecture évidente pour tous et je ne la recommande aucunement pour un jeune public ni pour quelqu’un qui n’est pas habitué au genre.
18/20
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