31 janv. 2020

Qui a peur de la mort ?




Afrique, après l’apocalypse. Le monde a changé de bien des façons, mais il est une région où les génocides intertribaux continuent d’ensanglanter la terre.
Une femme survit à l’anéantissement de son village et au viol commis par un général ennemi. Elle erre dans le désert dans l’espoir d’y mourir, mais donne naissance à une petite fille dont la peau et les cheveux ont la couleur du sable. Persuadée que son enfant est différente, extraordinaire, elle la nomme « Onyesonwu », ce qui signifie, dans une langue ancienne : « Qui a peur de la mort ? »
À mesure qu’Onye grandit, elle comprend peu à peu qu’elle porte les stigmates physiques et sociaux de sa violente conception. Des pouvoirs magiques aussi insolites que remarquables commencent à se manifester chez elle alors qu’elle est encore enfant. Sa destinée mystique et sa nature rebelle la poussent à quitter son foyer pour se lancer dans un voyage qui la forcera à affronter sa nature, la tradition, l’histoire, l’amour, les mystères spirituels de sa culture, et à apprendre enfin pourquoi elle a reçu le nom qu’elle porte.



Un grand merci aux éditions ActuSF pour ce partenariat.

Pourquoi ce livre ? Ce titre a beaucoup fait parler de lui sur les blogs que je suis à sa sortie et j'ai toujours été curieuse de le découvrir à mon tour. J'ai donc saisi l'occasion d'une offre de partenariat pour m'en faire un avis. Et je n'ai pas eu de regret.

Qui a peur de la mort ? Quel titre étrange. Et pourtant c'est celui qui correspond le mieux à cet esprit de violence, de vengeance, d'assouvissement, de colère pure. C'est aussi le nom du protagoniste, Onyesonwu dans sa langue, qui va nous faire traverser tout un panel d'émotions brutes. Elle va nous apprendre à vivre, à apprécier notre confort, à ressentir les émotions.
Quête initiatique, ce n'est pas un chemin aisé. La violence citée ci-dessus, l'horreur de la fin et le fait de connaître d'avance la mort de certains personnages nous plonge dans un univers sombre, que quelques moments de partage et de rire parviennent à égayer.
Loin d'être une corvée, chaque plongée dans ce roman fut un plaisir évident, pour la découverte des mythes et les caractères variés et humains qu'il contient.

Dans les seuls bémols relevaient, la construction temporelle du début est assez étrange, on avance dans un présent bien ancré mais l'autrice fait des rappels brutaux du passé et évoque même parfois l'avenir. Ce dernier point n'est pas gênant en soi, mais le mélange passé-présent m'a perturbé pour un temps.
J'ai ressenti également une légère longueur quand l'héroïne quitte son village, bien entourée. Si la quête intime reste en ligne de mire, je trouve qu'on perd la solennité de l'acte par des enfantillages, qui restent malgré tout crédibles par rapport à l'enfance d'Onye et au caractère de ses accompagnateurs.
La fin est un peu trop rapide à mon goût, il n'empêche que l'émotion et la surprise sont là. Si on y est préparé tout au long de la lecture, l'autrice parvient à ajouter un détail qui marque la différence. De plus, elle propose une alternative plus douce à cette fin violente, comme si nous lisions nous-mêmes un Grand Livre avec les versions et les interprétations de chacun. J'ai bien aimé l'astuce, et préfère évidemment la seconde fin.

J'ajouterai que l'aspect post-apocalyptique présenté dans le résumé reste sommairement discret. Oui il plante le décor dans le désert et les personnages n'ont jamais vu de vert, mais je considère que l'ambiance s'arrête là et ceux qui n'apprécient pas la science-fiction sauront trouver leur compte dans cette oeuvre.

Les personnages sont émouvants. Onye fut pour moi comme une soeur, touchante par sa sincérité et sa colère. Elle n'a pas eu une vie facile, cela a commencé dès sa procréation, et pourtant jusqu'au bout elle a sacrifié sa vie pour rendre celle des autres meilleure. Je suis admirative de son comportement, en dépit des crises de colère qui mettaient tout le monde en danger.
J'ai franchement adoré Mwita. J'ai eu peur que l'ascension d'Onyesonwu dans son apprentissage pousse sa jalousie au point de la rejeter. Mais l'amour est pur et malgré les conflits, ils seront beaux jusqu'à la fin. De plus la protection qu'il lui apporte ne l'étouffe pas, ce qui m'a plu.
Quant aux trois amies, je m'attendais à détester Luyu en raison de sa superficialité mais c'est finalement celle que j'ai préférée, pour sa fidélité sans faille.
Le méchant général de l'histoire est assez discret. Cela ne gêne pas car on sait qu'ils ne se situent pas dans la même zone géographique, de plus Onye a souvent été protégée et ne se confronte à lui que par le biais de son don. Mais j'aurai souhaité que l'opposition finale dure un peu plus longtemps.

Le style est très accessible et paraît aussi vivant que l'univers et ses personnages. Certains enchaînements dans les propositions (comme une succession de et et et dans la même phrase) éloigné le livre de la narration occidentale et la présence de lexique africain (ou inventé ?) nous plongent aisément dans l'ambiance.

Le mot fin de mon ressenti porte sur la magie liée à la mythologie. Celle-ci est partout et y'a ceux qui la respectent et ceux qui la trouvent dépassée. Mais tous ont été façonnés par elle et je trouve l'univers particulièrement réussi grâce aux divinités et à l'apprentissage d'Onyesonwu. La force est si puissante que ça m'a même donné envie d'en apprendre plus sur les mythes africains.



Le livre échappe de peu au coup de cœur, pour des petits défauts qui seront vite oubliés. Qui a peur de la mort ? dégage une telle puissance, par le mot, les idées, qu'on est comme happé du début à la fin. J'ai dévoré ce livre et je ne suis pas encore rassasiée, je veux en savoir plus sur les origines de cette quête initiatique, je veux apprendre sur les mythes africains. Et les personnages sont beaux, violents, mais tellement attachants pour la confiance qu'ils dégagent. Non vraiment, une lecture marquante que beaucoup devraient lire pour le message d'espoir et la force qu'il véhicule. À mettre entre toutes les mains d'adultes.



17/20





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