29 janv. 2020

Utopiales 2019




Coder, décoder : un processus essentiel à la vie, à nos relations sociales, à nos organisations, à notre biologie, à notre technologie, à nos relations aux autres. Mais si le code est parfois clair, précis, facile à comprendre, il peut aussi contraindre, enfermer, limiter, dissimuler... parfois même à notre insu ou dans notre inconscient collectif.
Les 14 nouvelles de cette anthologie annuelle des Utopiales explorent les codes dans toutes leurs déclinaisons : informatiques, biologiques, sociétaux, politiques, juridiques... et aussi le besoin essentiel de décoder, de percevoir les limites des structures qui nous unissent.
14 nouvelles de science-fiction qui nous éclairent sur notre monde.



Pourquoi ce livre ? Cette parution annuelle à l'occasion du festival est devenue un indispensable du salon. Passage obligé sur le stand ActuSF, à l'entrée de la librairie, on se fait toujours une joie avec Mister d'acheter ce bouquin.

Là encore, l'affiche et couverture du livre est magnifique. Réalisation de Mathieu Bablet, je ne peux que confirmer mon amour pour son univers et sa patte graphique. Les nouvelles sont-elles à la hauteur de cette illustration ? Affaire à suivre !

Et on peut dire que la mise en bouche, plus couramment appelée préface, est excellente ! Sur le ton de l'humour, Ugo Bellagamba retrace l'histoire du code et ses différents sens. D'évolutions en évolutions, l'auteur nous démontre que la fantasy et science-fiction d'aujourd'hui n'ont pas fini de se diversifier pour toujours chercher l'originalité, toujours plus riche. Une idée que j'ai reçue avec beaucoup d'espoir !

La nouvelle de Christian Léourier, Une faute de goût, m'a beaucoup plu. Coder et décoder, on est pile dedans avec cette recherche linguistique, ou gustative, qui dessert la diplomatie. L'idée qu'une langue, dans le sens dialecte, s'enrichit au travers des saveurs pimentant un plat est excellente, originale. De plus, la fin m'a bouleversée sans que je m'y attende. C'est donc une faute de goût pour l'espèce extraterrestre mais un petit plaisir pour moi !

Neurostar de Jacques Barbéri m’a en revanche laissée sur le carreau. Si le style n’est pas désagréable, j’ai trouvé la nouvelle très simple. L’intrigue est sympathique mais je pense qu’il aurait fallu davantage de développement, et donc plus un format roman, pour que la chute ait un réel impact.

Impulsions naturelles d'Olivier Paquet m'a dans un sens fait penser à la nouvelle de Christian Leourier, qui ouvre le recueil. En dehors de cela, bien que court, j'ai bien aimé, même si j'aurais évidemment voulu plus pour bien comprendre la fin.

Les disparus de Valoria de Sylvie Denis traite de la dépendance d'internet et de ses autres dangers par un bien détourné que j'ai franchement apprécié ! La fin manque un peu de clarté, mais cette longue nouvelle m'a emportée facilement.

Je suis totalement passée à côté de Sublimation de Mel Andoryss. Le style d'écriture est agréable et ça se lit bien, mais les mots scientifiques, s'ils marquent la crédibilité de l'ensemble, m'ont perdu à plusieurs reprises et mon cerveau n'a jamais réussi à adhérer totalement au récit à cause de cela. J'ai donc abandonné cette nouvelle, dix pages avant la fin.

Bicycle Girl de Tade Thompson m'a plu dans sa façon d'être rencontrée. Je ne pense pas avoir tout compris mais j'ai apprécié la mise en parallèle du présent et passé. De plus, le thème Coder/décoder ne se cantonne pas qu'à la technologie ici (enfin !), donnant un nouveau souffle à ce recueil très porté sur les sciences.

La grande course au noyau-mémoire d'Ophélie Bruneau fut sympathique avec une fin qui m'a beaucoup fait rire en dépit des circonstances. Par le biais d'une course stellaire, l'autrice tend une critique constructive du comportement des terriens. Action, embûche et satire, la vingtaine de pages que compte la nouvelle est parfaite, nous amenant, nous lecteur, à nous propulser à la place du protagoniste.

Je craignais la nouvelle de Jo Walton, en raison de ma déconvenue autour de Morwenna, son premier roman. La Pièce du Panda, si je ne l'ai pas abandonné, ne m'a fait aucun effet. Enfin si, j'ai beaucoup aimé l'aura favorable qui entoure cette pièce et le bonheur, le soutien, qu'elle apporte à ses multiples détenteurs. Cependant, la nouvelle est restée bien pâle à mon sens et, si je vois la technologie et le thème, j'ai trouvé que c'était bien trop discret pour figurer dans ce recueil. Quoi qu'il en soit, cela ne me donne pas envie de découvrir davantage l'univers de cette autrice.

Avaler la terre de Michael Roch rejoint le camp des nouvelles marquantes. Déjà parce que le thème est issu à double sens : le peuple de basse extraction a perdu l'art de la parole tel qu'on le conçoit aujourd'hui, de sorte que seuls les traducteurs et les gens de pouvoir savent communiquer. Puis nous avons le vocabulaire de l'auteur, différent, avec des mots inventés et d'autres modifiés, de sorte que le lecteur lui-même est contraint de décoder ce nouveau langage. Je me suis prise au jeu, et j'ai aimé ça. Enfin, cette mise en scène défend l'environnement, avec un début qui me fit penser à ce qui se passe actuellement en Australie (et ce qui se reproduira souvent à l'avenir), et les entreprises qui se développent aux dépens de cet environnement et des habitants. Une nouvelle marquante, conseillée à tous.

Le Cruciverbiste de Nicolas Martin m’a apporté une franche surprise, et un joli sourire confus par cette dernière ! Je ne savais pas à quoi m’attendre de la part du journaliste et la mise en forme de la nouvelle me dérangeait à cause de ses blancs. Nouvelle sur la démence, les aléas du chômage, je n’avais pas forcément envie de m’apitoyer… Et puis la fin, sans tomber comme un cheveu sur la soupe, frappe par son erreur. La référence est belle et violente. Amusée, j’ai pris plus de plaisir à penser à la préparation qui précède cette ultime révélation. Bonne nouvelle que je relirai avec plaisir.

Je connais déjà Silène Edgar, pour ces travaux d’écriture en collaboration avec Paul Beorn notamment. Inconnue à cette adresse est une nouvelle réécrite, la version originale étant de Kreyssman Taylor. Encore une fois, je ne savais à quoi m’attendre et je dois dire que le début m’enchantait peu… Et puis toute l’erreur de l’évolution du nouveau parti m’a frappé malgré le caractère très intime de cet échange épistolaire. On perçoit le pouvoir de la censure et de la propagande, manipulation violente qui ne préserve pas forcément le peuple. La dernière lettre m’a mise mal à l’aise car je ne savais comment se placer le frère du protagoniste : un héros qui a sauvé ce qui était possible ou un outil du parti, qui va jusqu’à débusquer le “mal” dans ses amis ? J’ai beaucoup aimé parce qu’on perçoit clairement, en si peu de pages, l’évolution dans la communauté française et le pouvoir des médias qui passent par l’HoloInfo. Réussite pour cette nouvelle, qui me donne envie de lire la version originale.

J’avais beaucoup d’attente quant à la nouvelle de Jean-Laurent Del Socorro, qui ne m’a jamais déçu jusqu’à maintenant, que ce soit ses romans ou les nouvelles qui composent son univers. Les Femmes du Congrès dansent aussi m’a enchantée dans son titre, pour l’humanité des nouvelles représentantes élues. Seulement ma conviction s’arrête là. Portée par la plume, je n’ai pas forcément été captivée par le récit en lui-même : déjà il me rappelle une nouvelle qui ouvrait le recueil de 2017 (de mémoire). Ensuite, si le message d’espoir est sympathique, tout y est prévisible, relevant peu l’intérêt. Cela dit, je note la série documentaire sortie sur Netflix sur ces femmes américaines qui ont candidaté pour entrer au Congrès. Par ailleurs, le thème de coder et décoder apparaît une fois de plus au travers des médias,si bien que cela m’a fait penser à la nouvelle qui la précède...

Un anneau gris ajouté à l’emblème olympique d’Ada Palmer fut une nouvelle courte mais géniale. Je ne savais à quoi m’attendre, surtout en quatre pages. Et finalement, l’autrice parvient à pointer du doigt les limites d’une compétition internationale tout en ouvrant son univers à de nouvelles entités politiques et communautaires. Coder et décoder la couleur, y avez-vous déjà pensé ? Moi j’ai essayé (le jaune est la perfidie, le rouge la passion !) mais jamais aussi bien qu’ici.

La promesse du monstre de Claude Ecken fut un abandon pur et simple au bout d’une vingtaine de pages. C’est bien écrit et, dans un sens, l’intérêt est suffisamment là pour donner envie de poursuivre sur la suite. Seulement le personnage central m’a paru d’emblée antipathique et j’avais juste envie de le secouer. Pour avoir lu quelques lignes de la fin, je devine qu’il connaît une belle évolution, cependant qui rien ne me donne envie de reprendre la lecture. Je finirai donc ce recueil sur une note négative.



Un recueil avec ses hauts et ses bas. Dans l’ensemble, j’ai aimé une bonne moitié des nouvelles, avec des propos réfléchis, une interprétation alléchante et personnelle du thème. L’autre moitié m’a moins marquée, par le contexte ou l’interprétation classiques qui en découlent. En réalité, le recueil aurait gagné en intensité en mélangeant un peu plus les nouvelles : j’ai trouvé que celles concernant la technologie étaient rassemblées, idem pour celle sur la politique et le contrôle des médias, le tout ponctué de quelques récits plus originaux. Je me suis régalée mais je reste néanmoins sur ma faim.



13/20


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