L'homme-Afrique s'éveille, l'heure du carnage a sonné !
Ils sont trois. Trois épaves échouées dans un des nombreux parcs animaliers de cette Afrique en fin de course. Trois gardes dont le rôle se limite à mesurer la déchéance des animaux qu'ils sont censés protéger, sauvegarder. Il y a Bongo, qui pue comme une charogne recuite par le soleil, qui ne parle pas, ou si peu, mais qui sourit, ça oui. Il y a Lhar, l'Allemand, imbibé du matin au soir, une outre d'alcool qui, bien que titubante, parvient encore à bander... Et il y a Dunkey, l'homme trouble au passé chirurgical. Un passé lancé à ses trousses, dont il mesure l'inexorable progression.
Et voici qu'arrive l'homme-Afrique, le tueur d'assassins qui, au loin, devine sa prochaine destination : cette Europe grise des blancs propres. Il est l'homme-rhinocéros, tout auréolé de cette étrange lueur bleutée que Bongo appelle la lumière des morts.
Préparez-vous...
Il approche.
Pourquoi ce livre ? C'est au terme du Mois de l'Imaginaire 2019 et une rencontre organisée par la Librairie Critic que j'ai acheté ce livre de façon compulsive. Pendant une heure j'ai écouté l'auteur discourir sur sa vision du monde, avec une souffrance (de sa part) évidente.
En attaquant cette oeuvre, j'avais envie de sortir des sentiers battus et de la fantasy rose ou de la science-fiction d'anticipation pour quelque chose de plus violent. La Lumière des morts ne m'a pas déçu. Dans une moiteur ambiante, on découvre une Afrique à bout de souffle. Les animaux se meurent, la végétation souffre autant que l'homme et ses derniers se dessèchent, oubliés de la société, dans une douleur que cet exil et cette décadence ne peuvent qu'exacerbée.
C'est violent, et ça ne s'adresse pas à n'importe qui. Il y a des corps, du sexe sans amour, vraiment c'est une lecture où l'humanité bestiale s'abandonne totalement et embrasse la sauvagerie. J'ai eu mal, plus pour les animaux que pour les hommes, qui nous paraissent tous antipathiques.
Dans l'ensemble, j'ai bien aimé. Thierry Di Rollo se fait la voix d'une nature oubliée, d'une Afrique qui peine à montrer sa puissance (il faut prendre en compte que le texte date et qu'à l'époque, nous n'avions pas les mêmes considérations).
Je fus déçue en revanche car je n'ai pas réussi à interpréter la symbolique du rhinocéros. Je pense qu'il voit au-delà de la personnification de l'Afrique, mais je n'ai pas su mettre les mots sur les idées de l'auteur, un grand regret. Bien sûr, j'ai fait le rapprochement avec Rhinocéros d'Eugène Ionesco, cette pièce de théâtre qui évoque la perte de toute communication dans une société conformiste... Mais là encore, je ne suis pas certaine que l'auteur faisait un parallèle avec cette pièce, ou du moins qu'il s'arrêtait à cela.
Les personnages ne sont pas foule car là n'est pas le propos. En Afrique, on suit les aventures de deux européens et d'un aborigène. En Europe, nous côtoyons une femme et une poignée d'autres personnages. C'est la femme que j'ai préféré car elle se rapproche le plus de la normalité, si tant est que ca veuille dire quelque chose. J'entends par là que la folie ne la consume pas, ni l'alcoolisme, elle fait simplement son travail et trouve le moyen de se venger au passage. Sa douleur est néanmoins tangible et on le partage à chaque réveil.
La plume sied parfaitement à l'état d'esprit. Accessible et efficace, elle délivre son intrigue à coups de baffes, pour en faire un récit marquant. En refermant l'ouvrage, j'ai d'ailleurs pensé à Ayerdhal, ils sont finalement assez proches même si j'ai préféré les œuvres de Yal.
Ma note est basse et ne rend pas hommage à l'ouvrage, elle rend simplement compte de ma déconvenue face à l'interprétation du rhinocéros qui m'a échappée. Les personnages sont poignants par certains aspects, fichés dans une douleur qui transpire la souffrance du monde entier. J'ai aimé les deux parties, avec une préférence pour l'Europe, pour ce personnage libéré de sa haine et de son désespoir. Une lecture intéressante compte tenu des mouvements actuels, mais pas accessible aux mineurs pour les violences décrites.
13/20
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