7 nov. 2025

Visqueuse




La capture d'une étrange sirène des marécages, aussi fascinante que monstrueuse, fait basculer la vie d'Arsène. Séquestrée dans une cave, la créature va devoir survivre hors de l'eau, dans le monde impitoyable des hommes. Elle sera l'objet de toutes les convoitises, jusqu'à attirer l'attention d'une nonne-naturaliste.



Pourquoi ce livre ? Cela fait trois ans (déjà !) que j’ai découvert Morgane Caussarieu. J’avais apprécié son univers décalé et son imaginaire étonnant. Alors en découvrant ce titre nominé au Prix Livraddict, catégorie Horreur, j’ai succombé à ma curiosité – d’autant plus que ma médiathèque l’avait dans son catalogue.

Visqueuse est un roman qui s’insinue jusque dans les tripes et qui provoque troubles, malaises, fascination dégueulasse. C’est un roman qui va nous plonger loin dans ce qu’il y a de plus vil en chacun de nous, interrogeant sur la nature de la véritable monstruosité.

C’est l’histoire d’une vouivre, pêchée par un homme au milieu d’un lac, et de son parcours dans notre civilisation. Elle va connaître la douleur, sous bon nombre de formes, l’amitié, la trahison, l’égoïsme, l’amour etc. J’ai vécu ce roman comme un pêle-mêle foutraque de pas mal d’éléments et d’événements qui forment, au bout du chemin, la vie.

Le début a été très violent. Et quand je dis début, je pense que cela s’étend sur une bonne moitié. L’autrice n’y va pas par quatre chemins pour personnaliser ses personnages, leur créer une histoire et approfondir le caractère. Ainsi je mets en garde sur le fait qu’il faut avoir les épaules carrées et l’estomac bien trempé pour aborder cette lecture car beaucoup de thèmes durs sont évoqués. Les sévices physiques et sexuelles se multiplient, et pas forcément qu’avec les personnages que l’on croit. Certaines scènes ont été très choquantes et j’ai eu la nausée à quelques reprises. C’est d’autant plus violent que Morgane Caussarieu ne s’embarrasse pas de censure : dans ce style qui la caractérise si bien, elle dévoile les choses crument, sans détour ou faux semblant. C’est un choix que j’apprécie particulièrement, même si cela fait de cette lecture un moment éprouvant.

La vouivre incarne le monstre physique de cette histoire. Pourtant, j’ai ressenti énormément de peine pour elle, à lire et découvrir toutes les épreuves qu’elle a traversées, anticipant la brutalité de la fin. Je n’ai d’ailleurs pas apprécié celle-ci, trop rapide et soudaine dans sa résolution, là où l’autrice avait pris le soin et le temps de tout développer auparavant, surtout les scènes les plus… explicites.

Morgane Caussarieu a frappé fort avec ses personnages. Entre la vouivre, cette créature à moitié femme à moitié être aquatique, Huguette et la nonne, les femmes sont au cœur du récit et occupent différentes places de premier plan. La victime, l’amie, la bienfaitrice, elles renvoient avant tout l’image d’un sexe salvateur, empli de bons sentiments comme la compassion. A l’inverse, les hommes portent sur eux l’aigreur, le profit, la lubricité, tant de comportements négatifs. C’est très manichéen, sauf dans la fin où la vie de chacun se nuance. Il paraît qu’en vieillissant, les défauts sont davantage mis en lumière. Ca semble se confirmer dans ce récit.
J’ai bien entendu été touchée et bouleversée par ce que traverse la vouivre. On ne peut pas dire qu’elle aura eu une vie bien tranquille, elle qui fuyait déjà quelque chose de sordide. La jeune Huguette aura également su me toucher par ce qu’elle subit, notamment le regard des autres. J’ai été triste de lire les derniers passages à son sujet. Les deux femmes trouvent un écho certain en moi… Quant à la nonne, je ne me suis pas forcément attachée à elle mais je reconnais avoir été admirative devant son parcours et son culot.
Mention spéciale aux personnages rencontrés au cirque. J’aurais tellement voulu les revoir avant la fin ! J’ai eu le sentiment qu’ils n’étaient qu’un élément perturbateur, par une intrigue en elle-même. C’est si frustrant…

Le style est vivace. Franchement, Morgane Caussarieu est très douée pour rendre son récit percutant par une plume vivante, sans tomber dans l’oralité ou le familier. Là encore, les mots ne sont pas retenus et peuvent être vulgaires, dans un contexte qui le permet. Je serai incapable de ne lire que des styles d’écriture de ce type. Pour Visqueuse, il n’aurait pas fallu autre chose.



Encore une fois avec ce roman, l’autrice interroge les limites de l’humanité et de l’animal. Qui est le vrai monstre ? C’est ce qu’elle s’efforce de soupeser au fil des rencontres et des décisions des uns et des autres. Les thèmes sont fondamentaux, les personnages forts, le style fluide et vivace. Ce fut un moment de lecture malaisant, violent, marquant et fascinant. Pas de doute sur le fait qu’il m’en restera un souvenir pendant des années !


16/20

Visqueuse de Morgane Caussarieu, Au Diable Vauvert, 404 p.
Couverture par Morgane Caussarieu


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