"- Ellana, la voie des marchombres ne t'apportera
ni richesse ni consécration,
elle t'offrira en revanche un trésor que
les hommes
ont oublié : ta liberté.
Si tu le désires, je peux accompagner tes premiers
pas.
- Que voulez-vous dire ? "
Mon
avis :
Toujours dans le cadre d’une
relecture avec mon homme adoré (comment ça j’en fais trop ?), je
sautillais d’envie à l’idée de découvrir à nouveau Le Pacte des Marchombres, qui met cette fois-ci en avant Ellana,
personnage culte des sagas sur Ewilan. Ellana. Ellana… Que demande le peuple ?
Encore plus d’Ellana, pardi !
Rédiger un avis sur ce tome, voire
sur la saga toute entière, est pourtant un exercice périlleux. La crainte de
dénaturer l’œuvre, sa philosophie, le style de l’auteur, de vouloir donner
envie de le lire mais en faire trop au point que les futurs lecteurs seront
déçus, tout cela me fait redouter cette chronique. Mais bon, faut bien se lancer
un jour…
Il est très rare que je perde mon
temps à lire une préface, même si j’ai conscience qu’elle permet d’étayer le
point de vue d’un auteur ou d’un éditeur, qu’elle permet d’approfondir un sujet
à peine effleurer dans le texte, de mettre en bouche pour la suite, ou que
sais-je ?
Pour Ellana,
il me paraissait inconcevable de ne pas lire cette fameuse préface, qui réunit
les trois idées énumérées plus haut, qui permet de comprendre pourquoi Pierre
Bottero s’est dirigé vers la rédaction de cette nouvelle saga. La préface fait
trois pages, tiendrait sur seulement deux, mais elle suffit amplement pour
faire naître des émotions contraires chez le lecteur : le sourire, les
larmes. Dire que nous ne sommes même pas encore dans le vif du sujet…
Les premiers chapitres sont tout simplement sublimes.
Ils nous plongent dans l’univers de Gwendalavir, empire que nous connaissons
déjà si bien. Pourtant, nous voyageons dans une province assez méconnue, au
nord d’Al-Far, dans les régions les plus sauvages et par conséquent les moins
habitées de l’empire alavirien. Sublime par la simplicité des mots et les émotions
fortes qui émanent d’eux, par l’innocence de cette enfant de cinq ans que nous
rencontrons enfin, par les promesses d’une suite splendide, par la brutalité et
la cruauté. Les pages se tournent sans que l’on perçoive les mouvements, avides
que nous sommes à vouloir connaître la suite sans attendre.
L’enfance de cette fillette construit progressivement
sa personnalité, et la voie du marchombre, avant même qu’elle n’apprenne la
signification de ce terme, était toute tracée pour elle. J’en viens même à me
demander, en écrivant cette chronique, ce qui se serait passée pour elle si
elle n’avait rencontré ces différents personnages qui la conduisirent vers cet
avenir prometteur. Mais bon, mes pensées divergent…
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, Ellana n’a
eu pas une enfance facile, même si certains personnages, pour étonnants qu’ils
soient, ont contribué à adoucir la brutalité de certains événements dans sa
jeune vie. Là encore, Pierre Bottero manie les émotions de ces personnages et
de son lectorat avec tant de maîtrise et de facilité, on se laisse couler dans
ces mots apaisants et marquants.
Pourtant, je redoutais à certains moments que quelques
passages soient longs, dû à l’apprentissage d’Ellana sur la voie. Mais là
encore, l’auteur nous surprend en distillant conseils et magie progressivement,
sans brutalité et au moment le plus adapté pour un meilleur impact, ou une
meilleure gifle. Une chose est sûre, on ne peut rester indifférent à tant de légèreté,
de sagesse et d’émotions.
De nombreux événements liés à la voie du marchombre
nous sont révélés ici, certes progressivement, d’une manière à la fois douce et
brutale. On découvre en même temps qu’Ellana un monde nouveau, alléchant, qu’est
la guilde. Difficile de ne pas évoquer plus en détails cette dernière, mais
elle appartient au groupe de choses qu’il faut découvrir par soi-même.
En revanche, il m’est interdit de
parler de la voie du marchombre sans un petit paragraphe sur leur poésie. Inspirée
des haïkus, la poésie marchombre se veut libre de toutes contraintes (étonnant,
n’est-ce pas ?) ; les seules normes sont qu’elle s’étale sur trois
vers, qu’elle se lit intérieurement et non à haute voix afin qu’elle soit plus
marquante dans l’âme, et doit dégager une émotion, ou une sorte de vérité,
quelque chose qui ne laisse pas indifférent. Peu importe que certains ne
comprennent pas, c’est une poésie intime qui se fait seulement comprendre par
les concernés. Et les différents poèmes qui jonchent le livre sont
indescriptibles de beauté et de simplicité. Je me permets juste d’en glisser un
ici, qui me parle énormément :
Limites sans
cesse repoussée
Plaisir
infini
Ecriture
C’est dans cet univers qu’Ellana
progresse, sous l’aide de son maître Jilano Alhuïn. Franche et piquante, imprévisible
et impertinente, elle possède toutes les qualités pour être attachante aux yeux
du lecteur. Une certaine grâce et un voile de mystère l’entourent, elle qui
rebute à l’idée de se livrer, même par moment à son maître.
Mon seul regret concerne la facilité
avec laquelle elle arpente la voie mais finalement cela lui correspond bien.
Elle a grandi ainsi, a toujours évolué en toute liberté dans un monde dénué de
normes, elle était destinée à devenir marchombre.
Est-ce vraiment une nécessite que je
parle encore du style de l’auteur ? Une nécessité, je ne pense pas. Mais
une obligation, c’est une autre paire de manches…
Léger, subtil, marquant, je le dis
et le répète, ce sont les adjectifs qui caractérisent le mieux le style de
Pierre Bottero. Mais ici, dans une œuvre aussi simple et complexe, aussi belle
et marquante, le style d’écriture prend tout son sens, conduit vers une seule
embouchure : la quête des limites et de la liberté, facile et perpétuelle.
Ce style invite tout en douceur le lecteur à arpenter la voie aux côtés d’Ellana.
Ne reste plus qu’à lâcher prise et à se laisser guider.
Je ne sais si Pierre Bottero a voulu
glisser une petite morale dans une œuvre pareille, même si je pense que si. Mais
c’est le genre de livre où chacun interprète différemment sa portée, ainsi je
ne me permettrais pas de parler au nom de la majorité.
Personnellement, j’en retiendrais qu’il ne faut pas
prostituer sa personnalité dans la société comme la nôtre, et tenter de garder
à l’esprit notre unicité et notre goût pour la liberté, de se battre pour les
valeurs auxquelles on croit, même si c’est contre l’avis de la majorité. En
clair, il lutte contre le conformisme ! (Ohlala, je vais loin dans mon
délire, quand même…)
Il faut savoir que pendant que je rédigeais cette
chronique, le livre se tenait à mes côtés, à me narguer pour que je le reprenne
en main. Je l’ai fini il y a moins d’une semaine, et déjà l’envie se fait
sentir de me plonger dedans, à la quête de saveurs, d’émotions, de découvertes.
De liberté. Pourquoi résister ? (« Il y a deux réponses à cette question,
comme à toutes les questions : celle du savant et celle du poète… ».)
En
conclusion, une œuvre majestueuse par sa beauté, sa simplicité, son contenu
marquant. Le lecteur vogue et arpente la voie du marchombre au même titre qu’Ellana,
personnage clé des Ewilan dont on
apprend enfin les secrets, du moins ceux qu’elle accepte de livrer. Un bijou de
la littérature fantasy jeunesse, qui remporte un grand coup de coeur.
Il faut le lire, enfant comme adulte, c’est aussi
simple que ça.
« La vie
est une question.
La voie du
marchombre est tout à la fois
La réponse du
savant et celle du poète. »
Ellundril
Chariakin
Les autres titres de la saga :
1. Ellana
2. L'Envol
3. La Prophétie
- Saga terminée -