19 févr. 2019

Utopiales 2018




Le corps est un monde à parcourir, le sien, celui des autres, celui qu'on ne connaît pas. Le corps est changeant, mouvant, trompeur, révélateur, mensonge et vérité. Il se forme, se déforme et disparaît. Il peut être physique ou virtuel. Il est nous mais pas entièrement...
Tous les auteurs de cette anthologie des Utopiales l'explore dans tous les sens, dans toutes les directions. Un continent à découvrir.



Pourquoi ce livre ? Parce que mon copain et moi sommes fan du festival des Utopiales, on y reste le plus longtemps possible, soit quatre jours l’an passé. Si je n’ai pas fait d’articles à part entière sur le sujet comme j’en ai l’habitude chaque année depuis que j’y vais. Cela ne veut pas dire que je n’ai pas aimé, seulement j’ai diversifié mes activités sur place et je ne ressens pas le besoin de m’étendre sur le sujet. En tous les cas, mon copain est passé sur le stand ActuSF pour acquérir leur recueil - et je suis la première à inaugurer cet achat !

Dans l’ensemble, ce cru fut bien meilleur que celui de l’année précédente ! Je ne suis pas une connaisseuse des recueils des Utopiales, ce n’est que mon deuxième sur l’ensemble des parutions. Toutefois celui-ci m’a bien plu émue par sa richesse d’émotions vives, brûlantes.Ca nous touche, ça nous enivre, ça nous entraîne jusqu’au bout. en savourant une nouvelle par jour, j’y ai vraiment trouvé mon compte et je conseille à tout le monde d’apprécier cette lecture en douceur.

Je vais à présent évoquer les nouvelles une par une (vu que j’en ai eu le courage ^^) !

Anamnèse de la chair - Olivier Cotte
Histoire d’un homme qui attend son départ pour Odyssée, un immense serveur qui stocke les données humaines (mind uploading, comme l’explique très bien la revue Anticipation sur le transhumanisme). L’Homme sent sa femme enregistrée changer, s’éloigner et se détacher de toute humanité. Il ne comprend pas pourquoi on ne le laisse pas rejoindre cette Odyssée, pas rejoindre sa femme.
La fin révèle qu’il est tout le monde, qu’il est contraint de rester sur Terre pour être le garant de la mémoire humaine.

Très bonne nouvelle qui fait réfléchir sur le corps mécanique et le corps de chair, du statut de la conscience et de la mémoire.

Monade Incarnate - Li Cam
Des pèlerins renient leur société et s’exilent sur cette colonie religieuse, régie par un Kapla (enfant né d’une humaine dont la chair se gorge de lumière pour décupler son énergie).
De nombreux sujets intéressants sont soulevés : la différence entre corps croyant et corps divin, corps normal et corps surhumain, mais également l’esprit en tant que corps et tout ce qu’un corps est capable de créer. La nouvelle se termine par le mot oasis, or un corps contient 70 % d’eau… Un signe ?

Avec un style hâché qui ne gêne pas notre lecture, j’ai eu l’impression de lire du Bottero pour adulte.

Conatus - Laurent Genefort
Les humains et les aliens se côtoient. Une espèce, les Enatis, créent des bourgons, des enveloppes qui permettent à un être humain de vivre plus longtemps que prévu.
Cette nouvelle rapporte l’éternel rappel de la guerre entre religion et sciences. La première se veut parfaite et se vend comme l’origine du monde. L’arrivée de la seconde la révulse car elle perd contrôle sur l’esprit des gens.
La fin, malgré sa cruauté, m’a beaucoup fait sourire ! La femme arrive en mode “coucou”, je viens te sauver !”, n’hésitant pas à damner son âme selon ses croyances dans l’espoir de sauver celle du protagoniste. J’ai l’impression qu’à elle seule, la femme présentait la raison et la passion, deux termes antithétiques qui caractérisent les sciences et la religion.

Le cerveau du président a disparu - John Scalzi
Il est étonnant de découvrir que cette nouvelle fut écrite en 2011 dans sa version originale (2018 pour la traduction) parce qu’elle est tellement d’actualité… On a kidnappé le cerveau du président américain ! Kidnappé, vraiment ? Dans le fond, n’est-il juste pas idiot au point de donner l’impression de manquer de matière grise ?
Je me suis régalée ! Le tout ne manque pas d’humour, la plume est légère. J’ai un Scalzi à lire cette année avec le premier tome des Enfermés, j’ai à présent hâte de m’y plonger !

Deliance - Sabrina Calvo
Nouvelle très poétique où on visualise sans mettre des noms. Une évolution est nettement perceptible, même si je peine a dire en quoi. Je fus touchée par cette lecture, qui est indéniablement la construction de l'identité voulue. Belle plume pour une belle histoire.

Ascension - Patrick K. Dewdney
Deux marcheurs grimpent le long d'une montagne, sans qu'on en sache la raison. Silence morne, solitude grandissante. Si j’ai aimé l'ambiance et le style rude qui transmettait la vie champêtre, qui ne s'embarrasse pas de confort, je n'ai pas compris l'intérêt de cette nouvelle vis-à-vis du corps, thème du recueil.

La Première Pierre - Ursula K. Le Guin
Une histoire de révolte comme j’ai rarement lu. Ca part de loin, un peuple qui aime ce qu’il fait, en ayant conscience de son asservissement. Et une pierre va tout changer, cette première pierre de l’édifice de révolution. En quelques pages, comme si c’était finalement simple, on va voir tout un peuple changer. Se libérer. C’est beau, c’est intriguant, c’est d’actualité. Le thème central de la couleur (de la pierre) me semble également important, et le message qu’il divulgue est clair : chaque couleur a sa signification, sa beauté, sa raison d’être.
Si j’ai eu du mal avec L’Effet Churten qui m’a paru lourd à lire et à comprendre, ce texte de douze pages m’oblige à poursuivre ma découverte de l’oeuvre de Le Guin.

Très bonne nouvelle qui fait réfléchir sur le corps mécanique et le corps de chair, du statut de la conscience et de la mémoire.

Le Garçon du goutteur - Ben H. Winters
Si le style d’écriture est fluide et entraînant, permettant une bonne adhérence au récit, j’avoue ne pas avoir compris le sens du propos. Tout semble complexe, implicite, de sorte que j’ai eu l’impression que son idée s’adapterait mieux en roman qu’en nouvelle. (Et ayant justement acheté le dernier roman de cet auteur à mon copain à l’occasion des Utopiales, ce sera l’occasion de me faire une meilleure idée de son travail !)

Le Syndrome de Pan - Morgane Caussarieu
Cette nouvelle, la plus longue du recueil avec cinquante pages, revisite le conte de Peter Pan en effaçant toute trace de codes jeunesses. Tout ce qui définit le conte est là, que ce soit la poussière, les enfants perdus, le crochet… Et pourtant on flotte dans une semi-réalité qui déstabilise, incapables que nous sommes à déterminer si nous sommes ancrés dans la réalité ou si nous flottons dans l’imaginaire. La fin se révèle sombre, affreuse, délicieuse de surprises. Moi qui n’aime pas Peter Pan, j’ai franchement adoré !

Magie des Renards - Kij Johnson
L’histoire est belle, très poétique. Toutes les dimensions du corps sont évoquées ici, à différents stades. La plume est envoûtante et colle bien avec le contenu. Pourtant, je n’ai pas bien compris la portée du message, si ce n’est que les filtres amoureux ne sont pas la solution pour que l’être souhaité succombe à nos charmes (mmh). En résumé, j’ai apprécié la poésie sans comprendre son message !

L’Amour au Temps des chimères - Elisabeth Vonarburg
Je crois que je peux juste vous renvoyer à la nouvelle au-dessus, car c’est semblable en tout point.

La Pluie - Alex Evans
Ce qui est ”marrant” avec cette nouvelle, c’est qu’elle fait l’effet d’une douche froide, et son triste est donc parfaitement trouvé.
Plus sérieusement, La pluie est un texte post-apcalyptique qui me fit grincer des dents. L’horreur est là, la question du corps est au centre de tout : manger ou être mangé ? Vivre ou survivre, en sachant qu’à la fin nous ne serons plus rien… Voilà qui soulève des questions anthropologiques intéressantes, avec à la pointe une horreur glaçante.

Morts à crédits - Jehanne Rousseau
J’ai adoré ! La question du corps est au centre de tout : est-ce qu’un pixel peut être un corps, avec une pensée, des sentiments ? Moi qui ai une âme de gamer, je me suis sentie dans mon élément, avec la sensation de voguer dans un Toy Story littéraire. Le style est très direct, on sent que l’autrice est à son premier essai, mais ça passe crème pour autant. Juste génial comme idée, ça la propulse dans les meilleures nouvelles du recueil !



Si on oublie les deux-trois nouvelles qui m’ont laissé de marbre, ce recueil est vraiment excellent. Le thème n’était pas simple par son aspect vaste, les auteurs sont tous partis dans des directions différentes, mais la plupart ont su transmettre une vague d’émotions et de sentiments enivrants. Je suis ressortie différente, avec de nouvelles réflexions sur des thèmes divers. Bref, j’ai adoré et je vous le recommande !



18/20




2 commentaires:

  1. Je ne suis pas trop "nouvelle", ce n'est pas un format que j'apprécie particulièrement mais parfois ça permet de faire de belles découvertes ! ^^

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