" Il m'a fallu du temps pour
comprendre, mais c'est allé plus vite une fois que j'ai surmonté ce blocage
mental. Marche ou crève, c'est la morale de cette histoire. Pas plus compliqué.
Ce n'est pas une question de force physique, et c'est là que je me suis trompé
en m'engageant. Si c'était ça, nous aurions tous une bonne chance. "
Ainsi Mc Vries définit-il l'horrible marathon auquel
il participe ; marcher le plus longtemps possible, sans jamais s'arrêter, en
respectant des cadences. Fautes de quoi, les concurrents de cette longue
"longue marche" sont abattus d'une balle dans la tête.
Des cent concurrents au départ, il ne restera qu'un
seul à l'arrivée qui aura, pour prix de son exploit, la possibilité de posséder
tout ce qu'il désire. S'il désire encore quelque chose...
Mon
avis :
Par les mauvaises expériences que j’ai
pu avoir avec deux nouvelles de Stephen King (Plein gaz co-écrit avec son fils et La Ballade de la balle élastique), j’avais envie de découvrir le
style de l’auteur par un roman, afin de déterminer si c’est le style de l’auteur
qui n’intéresse pas ou seulement les nouvelles.
J’en ressors plus dubitative encore
qu’avant d’avoir ouvert Marche ou crève
(et ce n’est pas peu dire !).
Pas le temps de larmoyer en ce début
d’œuvre. Si les mères pleurent avant de quitter leur enfant, le lecteur, lui,
ne sait pas encore ce que les jeunes hommes vont endurer et ne peut donc pas partager
la douleur maternelle. Pourtant, le cauchemar va très vite basculer et l’horreur
de la situation va nous sauter aux yeux.
Car c’est bien de l’horreur dont il
est question ici. Par orgueil ou ignorance, les adolescents se sont lancés à la
fois consciemment et inconsciemment dans une sorte de course contre la mort, où
s’arrêter de marcher à bonne allure vaut un avertissement, où trois avertissements
valent un ticket. Un ticket pour quelle destination ? Votre tombe, bien
sûr ! Ce système n’est sans rappeler les jeux de dépassement de soi que l’on
peut voir à la télé (même si ces derniers sont néanmoins surveillés pour
justement éviter tout risque de mort).
J’ai eu beaucoup de mal à apprécier
et à m’accrocher à l’intrigue. Le début est lent, les personnages apprennent à
se connaître tout en sachant très bien que cela ne leur réussira pas de se
faire des connaissances voire des amis. C’est lent, long et ennuyeux. Toutes
les pensées sont tournées vers la marche, l’économie de l’énergie et le
rationnement des vivres. Au fil des chapitres, le rythme gagne en intensité,
les participants sont éliminés un par un, et la cruauté des uns n’est pas sans
rappeler le proverbe « les malheurs des uns font le bonheur des autres ».
Si je ne me suis pas sentie
concernée au départ par cette marche cruelle, le style direct de Stephen King
et sa manière de rapporter le moindre détail, même le plus macabre, si bien que
l’on se sent happé par cette force réaliste. Dans les faits, j’ai commencé à « ressentir »
la douleur des participants, au travers de leurs doutes et de leurs craintes.
La fin est à la fois prévisible et
poignante. Depuis le début on devine qui va remporter cette Longue-Marche, même
si le doute survint encore à certains moments selon les péripéties qui ont
lieu. Or, quand le dernier jeune homme tombe et que nous apprenons enfin le nom
du vainqueur, celui-ci a un comportement tout à fait étonnant pour ne pas dire inexplicable
(je crois qu’on peut dire que je n’ai pas compris cette fin, honte à moi).
Cependant l’horreur de la situation ne se consacre pas
dans le jeu en lui-même, mais bien dans le fait qu’il est observé et soutenu
par la population. En effet, les habitants des bourgades traversées se postent
tout au long de l’œuvre le long de la route, et plus le nombre des jeunes
participants s’amenuise, plus les badauds se multiplient.
L’ironie de la situation, c’est
également que le lecteur fait parti de ces badauds. En effet, en tenant le
livre entre les mains jusque la fin, tenu en haleine pour obtenir le fin mot de
cette longue épreuve, nous ne valons finalement pas mieux que ces spectateurs
curieux ou encourageants dans le récit. Et dans cette prise de conscience, je n’ai
pu que sourire, d’un sourire crispé.
Les personnages sont multitudes dans ce livre,
il est bien sûr impossible de connaître l’identité des cents participants. Si
la plupart ne sont pas attachants, il faut reconnaître que certains marquent
par leur force de caractère ou même par leur discrétion. Je pense là à Olson ou
encore à McVries, dont la fin m’a réellement bouleversée.
Le ballet des jours se voit et s’analyse
par les pensées de Garraty, le favori de cette Longue-Marche. Si cela a permis
d’en apprendre davantage sur les états d’esprit des participants, j’ai trouvé
regrettable de ne pas avoir une perception interne du jeu, avec les pensées
rapportées dans un discours direct, ce qui aurait été plus percutant vis-à-vis
du lecteur. En effet, avec une perception externe subsiste encore une certaine
distance, un gouffre entre l’horreur de cette « mascarade » et celui
qui tient le livre. C’est rare que je demande après un récit à la premier
personne, mais ici cela aurait été bénéfique (après, c’est peut-être cruel de
ma part de réclamer un truc pareil dans un tel récit…).
Comme j’ai pu le glisser en évoquant
l’intrigue, le style de l’auteur est direct, révélateur du moindre détail
scabreux. Stephen King ne cherche pas à nous épargner, et il ne nous épargne pas
en effet. La plume manquait peut-être de fluidité dans le long terme, car il y
a quand même certains passages où j’ai du m’accrocher pour avancer dans la
lecture, ce qui est bien dommage… Mais passez un certain stade où on ne revient
plus en arrière, on ne peut qu’avancer aux côtés des jeunes marcheurs.
Je l'ai lu jeune, et c'est sans aucun doute le livre de l'auteur qui m'a le plus marquée.
RépondreSupprimerOui, je comprends en quoi il peut marquer les esprits.
SupprimerJ'espère seulement ne pas être déçue par les autres romans de Stephen king, après avoir lu celui-là..
Je suis en train de lire "Misery" du même auteur et franchement, j'admire beaucoup son style d'écriture !
RépondreSupprimerJ'espère pouvoir lire d'autres livres de lui très bientôt :)
Je lisais Misery y'a peu de temps mais j'ai abandonné, par manque d'entrain à l'ouvrir...
SupprimerMarche ou crève est plus marquant, déjà dans son départ puis dans ses idées, aussi. C'est la cruauté humaine que King dénonce, un peu comme dans tous ses livres, mais ici c'est... poignant. Faut le lire un jour, c'est sûr.