11 juin 2016

La Ménagerie de Papier




« Elle plaque la feuille sur la table, face vierge exposée, et la plie. Intrigué, j’arrête de pleurer pour l’observer. Ma mère retourne le papier et le plie de nouveau, avant de le border, de le plisser, de le rouler et de le tordre jusqu’à ce qu’il disparaisse entre ses mains en coupe. Puis elle porte ce petit paquet à sa bouche et y souffle comme dans un ballon. “Kan, dit-elle. Laohu.” Elle pose les mains sur la table, puis elle les écarte. Un tigre se dresse là, gros comme deux poings réunis. Son pelage arbore le motif du papier, sucres d’orge rouges et sapins de Noël sur fond blanc. J’effleure ce qu’a créé Maman. Sa queue bat et il se jette, joueur, sur mon doigt… »

Le présent recueil, élaboré au sein d’un corpus considérable, et sans équivalant en langue anglaise, consacre l’éclosion du plus brillant des talents, protéiforme et singulier — l’avènement d’un phénomène.



En temps normal, je ne suis pas du tout recueil de nouvelles, même dans les genres que j’affectionne. Mais ce livre circulait sur la blogosphère depuis quelques temps, je n’ai donc pas résisté à l’emprunter quand je l’ai croisé au détour d’une étagère à la bibliothèque municipale.
Je me suis demandée comment j’allais bien pouvoir me débrouiller pour « pondre » cette chronique. Allai-je écrire un petit avis par nouvelle ou allai-je simplement donner mon avis sur un plan global ? C’est finalement cette dernière proposition qui l’a emportée.

Ce recueil commence par une nouvelle qui s’appelle Renaissances, et ce choix ma paraît parfait pour commencer ce recueil qui porte sur l’Homme dans des milieux de Science-fiction flirtant pour certains avec la Fantasy. Rien n’est laissé au hasard et tous les sujets anthropologiques sont épinglés ici, que ce soit l’homme dans sa plus simple définition, mais également les grandes structures qu’il s’est entrepris de bâtir.
Bien sûr, rien n’est laissé au hasard et le moindre détail possède toute son importance.
Seulement, la composition d’une nouvelle souhaite qu’on a du mal à prendre au jeu, les personnages se font trop simples et peu définis pour susciter un quelconque intérêt et tout s’enchaîne trop vite pour réellement savourer ces petites intrigues.
Bon, j’apparais très pessimiste en disant tout cela de la sorte, mais ce recueil m’a tout de même fait passer un bon moment, hormis dans les dernières nouvelles où je commençais à me lasser.

Le meilleur conseil que je puisse vous donner pour cet ouvrage, c’est de ne pas enchaîner les nouvelles sur des jours consécutifs. Il est préférable d’en lire une de temps en temps afin de savourer chaque ficelle qui les compose et ne pas se lasser comme j’ai pu le faire sur la fin.

Parmi mes préférées sur la vingtaine proposée, on retrouve :
- Les algorithmes de l'amour, où l’on y découvre la douleur d'une ingénieure qui a perdu son enfant et qui noie son chagrin en créant des robots miniatures, version bébé. Son mari, Brad, tente de lui faire comprendre que ces machines ne remplaceront jamais la vraie vie perdue. C'est une nouvelle tellement d'actualité que je me suis sentie pleinement concernée, prenant en pitié la pauvre mère. Mais cette nouvelle va même plus loin puisqu'elle prend une portée philosophique, intégrant une réflexion sur la pensée humaine : possède-t-elle des mécanismes algorithmiques qui nous font répondre telle ou telle chose dans telle ou telle situation ou bien sommes-nous vraiment mettre de notre destin (comme le répète sans cesse Nelson Mandela dans Invictus ^^) ?
- Trajectoire, où l'auteur exprime une réflexion sur les limites de l'art, des frontières plus que subjectives, avec un flirt certain dans ce texte entre la mort comme nouvelle forme d'art. Mais aussi comme choix puisque la Fontaine de Jouvence apparaît dans la science sous les contours d'une vilaine tentation. Là aussi c'est d'actualité puisque les recherches contre la maladie - et donc contre les morts prématurées - sont toujours de plus en plus poussées.
- La Ménagerie de Papier… Bien contente qu’elle figure parmi les préférées mais pour le coup, j'ai du mal à façonner mes idées. Magnifique nouvelle, sur les joies et les douleurs maternelles. Et la touche de fantastique est sympathique et envoûtante.

La plume est assez étrange, mais je pense qu’elle se perçoit différemment selon notre empathie envers chacune des nouvelles. Lorsqu’une nouvelle ne me plaisait pas, ou moins, j’étais moins accrochée et la plume me semblait des plus banales. A l’inverse, elle me paraissait des plus acérées et ravageuses lorsque j’adorais la nouvelle, je pense donc que la subjectivité prend vraiment tout son sens dans ce recueil.



Je suis contente d’avoir ouvert ce recueil car l’émotion est au rendez-vous pour certaines d’entre elles mais je ne pense pas que les moins bonnes nouvelles (selon mon opinion) me marqueront réellement. Je conseille sincèrement de le lire à petites doses, avec une nouvelle par-ci par-là pour ne pas se lasser. En tout cas, j’ai passé dans l’ensemble un agréable moment.



14/20




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