3 avr. 2019

La Musique du Silence




Rares sont ceux qui connaissent l’existence du Sous-Monde, une toile brisée d’anciennes galeries et de pièces laissées à l’abandon qui s’étend dans les profondeurs de l’Université.
Protégée par ce labyrinthe sinueux, confortablement installée au coeur même de ces lieux désolés, vit une étrange jeune femme.
Le silence et les ténèbres semblent être ses seuls compagnons sur le chemin qu’elle se fraie dans cet univers souterrain. À moins qu’elle ne perçoive autre chose. Comme une complainte des oubliés, mêlant douceur et amertume à son existence…
Son nom est Auri. Et sa vie est peuplée de mystères.



Pourquoi ce livre ? J’ai croisé la route de Rothfuss via Le Nom du Vent. Je ne me souviens plus pour quelle raison, je le reconnais. En revanche, ce premier tome m’a marqué, se hissant sans problème sur le podium du podium de mes coups de coeur. Puis, quelques années plus tard, j’ai attaqué la première partie du second tome, La Peur du Sage. Coup de coeur, là encore. Peut-être moins profond, mais toujours aussi sublime. En achetant la seconde partie, je me suis dit qu’il était temps de laisser une autre voix parler… Et La Musique du Silence est entré dans ma PAL, y restant un peu plus d’une année seulement.

La Musique du Silence, spin off de l’univers de Chronique du tueur de roi, est un focus sur Auri, personnages mystérieux que Kvothe rencontre à de multiples reprises. Vivant dans les souterrains, elle arbore un comportement étrange, déplacé, qui laisse à penser une simplicité. Toutefois, Auri est attachant et le voile de mystères qu’elle soulève à chacune de ses entrevues avec notre musicien donne envie de prendre le temps de vivre à ses côtés.

Prendre le temps de vivre… C’est bien là tout l’objectif de cet ouvrage. Oubliant toutes les notions que vous avez apprises sur ce mot, intrigue. Pas de personnage, pas de dialogue, pas de quête ou d’action. Tout au long de ces cent cinquante pages, nous cheminons aux côtés d’un personnage ahurissant, capable de nous tenir en haleine avec… rien.
Le récit se déroule entre deux rencontres avec notre musicien aux cheveux flamboyants. Auri sait qu’elle n’a que sept jours pour trouver le cadeau parfait. Ce sera ça, sa quête : trouver l’objet sans pareil qui ravira le coeur de celui qui la comprend. Jusqu’au bout on se demande quelle sera la fameuse offrande, comment réagira notre autre personnage bien aimé.

Le plus dingue, c’est qu’il ne se passe rien, ou pas grand chose, et pourtant j’ai été incapable de lâcher ce livre une fois dedans. Auri a une voix entraînante, des idées qui ont du sens même si elles peuvent paraître simples, décalées avec la réalité. L’émotion flotte comme un nuage, enquiquine parfois notre héroïne, nous taquine sans arrêt. C’est le plus souvent, parfois brutal, quand la dure réalité résonne comme un coupe jarret.

La plume est splendide. J’ai été agréablement surprise de voir que l’auteur est parvenu à renouveler son style pour le détacher de celui utilisé pour Kvothe. Chacun sa façon de penser, chacun sa façon de vivre, chacun sa façon de narrer, de parler. C’est magique, car cela prouve tous les talents dont dispose Patrick Rothfuss, tout ce dont il est encore capable de créer.
S’il fallait choisir entre ma voix préférée, j’en serai bien incapable… Je peux seulement dire que j’adore m’attarder dans la vie de ce jeune magicien devenu tenancier d’une auberge. Que j’adore gambader dans les souterrains avec cette âme simple, mystérieuse, magnifique.

Ce livre est complété par par une préface et une postface rédigée par l’auteur. Dans la première, il met en garde contre cette histoire, insistant sur le fait qu’il vaut mieux ne pas commencer la découverte de son univers par ce spin off. Non seulement vous ne comprendrez rien, ne prendrez aucun plaisir, mais en plus vous n’aurez pas encore ressenti cette curiosité maladive pour ce personnage récurrent dont on sait peu de choses dans saga originelle. Dans la seconde, il partage ses craintes et ses doutes, reprenant un dialogue oral qu’il a eu avec une femme rencontrée au hasard d’une sortie en bar qui aimait ce qu’il faisait. C’est attendrissant de voir comment il livre sa crainte d’écrire un livre dans lequel… il ne se passe rien (citation pas au mot à mot mais l’idée est là). Ca m’a à la fois choquée et amusée. Choquée, parce que je n’envisageais pas ne pas en savoir plus sur Auri, petit bout de femme, un de mes personnages favoris dans la saga, malgré ses maigres apparitions. Amusée, parce que tout auteur connu qu’il est, il vit encore les doutes, comme si c’était un premier écrit… Comme quoi, face à une nouvelle idée, on est toujours qu’un jeune auteur, même si le succès est là.

La couverture est sublime. Même si l’intrigue avait concerné un personnage que je déteste, j’aurai acheté le livre pour avoir ce visuel à porter de mains dans ma bibliothèque. Les nuances de bleu sont splendides, tout comme comme la pigmentation de rose, dans l’arbre. Auri ne me paraît pas crédible, ainsi debout sur une branche, mais cela retransmet bien sa légèreté et sa différence du reste du monde…
Quelques illustrations de Marc Simonetti jalonnent également l’intérieur, magnifiques bien que sombres, reprétensatives de la noirceur des souterrains.



C’est un roman court, lent, une ode à la vie et à la simplicité comme rarement j’en ai lu. L’unique personnage, Auri, est attendrissant, attachant, elle nous entraîne dans ses errances avec une joie qui fait plaisir à lire. La plume est une des grandes forces, en parallèle avec le personnage qu’elle met en scène avec une aisance et une expressivité délicieuses. J’ai aimé de bout en bout exploré les souterrains mystérieux à côté de ce personnage mystérieux. Un coup de coeur douillet, comme je les aime.



20/20




Les autres titres de la saga :
Hors série. La Musique du Silence
1. Le Nom du Vent
2. La Peur du Sage, partie 1
3. La Peur du Sage, partie 2
- saga en cours -


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