14 févr. 2022

Capitale du Sud, tome 1 - Le Sang de la cité




Enfermée derrière deux murailles immenses, la Cité est une mégalopole surpeuplée, constituée de multiples duchés. Commis d’épicerie sur le port, Nox est lié depuis son enfance à la maison de la Caouane, la tortue de mer. Il partage son temps entre livraisons de vins prestigieux et sessions de poésie avec ses amis. Suite à un coup d’éclat, il hérite d’un livre de poésie qui raconte l’origine de la Cité. Très vite, Nox se rend compte que le texte fait écho à sa propre histoire. Malgré lui, il se retrouve emporté dans des enjeux politiques qui le dépassent, et confronté à la part sombre de sa ville, une cité-miroir peuplée de monstres.



Pourquoi ce livre ? Pour le coup, c’est mon libraire qui, avant même la sortie du roman, m’a conseillé cette “pépite”. Il m’a vendu un mélange Scott Lynch/Jean-Philippe Jaworski et ça n’a pu que me mettre l’eau à la bouche. Résultat, je l’ai acheté peu de temps après sa sortie… et j’ai mis presque un an pour le lire ! Et comme je n’ai honte de rien, j’ai rencontré les auteurs de cette double trilogie entre deux héhé !

Comme d’habitude quand c’est un coup de cœur, j’ai retardé au maximum l’écriture de cette chronique par peur de ne pas rendre honneur à la qualité du livre. Faut pourtant bien s’y coller un jour.

Dès le départ, j’ai senti que cette lecture prenait un excellent chemin. Déjà parce que je me suis attachée d’emblée au personnage principal, Nox, jeune homme à la fois naïf et très mature. Ensuite parce que même si la plume m’a légèrement déçue par rapport aux échos que j’avais entendus çà et là, j’ai adoré la douceur qui s’en dégage et je n’ai pas réussi à décrocher du livre, le lisant sur deux après-midi (avec dépit, j’aurai voulu le dévorer en une fois !).

J’ai adoré le prologue pour ce qu’il est, une présentation succincte des personnages gravitant autour de Nox tout au long du premier tome, dans une situation dramatique qui pose la personnalité de chacun et bien plus encore.
De là, j’ai été scotchée par la suite. Loin de s’apitoyer sur son sort, Nox a pris sa vie en main, jouant des rumeurs autour de son enfance et de sa parentalité pour gagner du pouvoir. Recueilli par un noble, il apprend l’usage des armes (à son grand dégoût) et la manipulation, en politique ou non. Dans son souhait d’indépendance, son activité de coursier lui permet de connaître les différents quartiers de la ville sur le bout des doigts, que ce soit les rues et raccourcies, les habitants qui les composent ou la moindre rumeur qui y circule. Sans être le roi de la cité, tout le petit peuple le connaît, ce qui lui confère un gros avantage dans le monde de la noblesse.

J’évoquais juste auparavant les différents quartiers de la ville et ils incarnent une originalité dans l’intrigue. Inspirée d’une ville en Italie (ce que m’a expliqué l’auteur), la capitale est divisée en quartiers. Chacun de ces derniers a un animal totem pour les représenter. Pour être plus claire, il existe le quartier de l’Hirondelle ou de la Caouane (celui où vit Nox). C’est original car toute la politique repose sur les liens entre les quartiers et leur position par rapport à la Recluse, sorte de fleuve qui traverse la ville. Ainsi la géopolitique est assez simple, vu qu’on ne sort jamais de l’enceinte de la ville, mais également ardue car il faut être capable de retenir rapidement les liens tissés entre chaque quartier, l’auteur ne s'appesantissent pas à les rappeler régulièrement.

L’intrigue en elle-même n’est pas spécialement originale, même si elle nous réserve de nombreuses surprises, si bien que je ne me suis jamais ennuyée. L’auteur gère parfaitement son tempo, alternant les moments sous tension, notamment dans la particularité de Nox à voyager dans une seconde cité, et les instants d’introspection, où les relations entre personnages sont travaillées.
J’ai aussi beaucoup apprécié cette petite excentricité avec une intrigue autour du vin produit intra-muros. C’est un fin fil rouge qui jalonne tout le récit jusqu’à la chute finale. Pour tout vous dire je ne pensais pas qu’on suivrait cette exploitation aussi longtemps et le rebondissement que cela a entraîné est vraiment incroyable, glaçant !

Ca me fait penser que ce roman se découpe en plusieurs couches d’intrigue. J’ai eu le sentiment de suivre trois-quatre histoires parallèles, mais toujours avec Nox au premier plan. C’est dû en partie au fait que ce dernier parcourt différents milieux sociaux, forcément les missions et les enjeux sont totalement différents. De fait, cela renouvelle énormément l’intrigue et cela contribue également au fait que l’auteur ne laisse aucune place à l’ennui !

Les descriptions, bien que peu nombreuses en termes de décors, sont également soignées. J’étais capable de visualiser la plupart des scènes, de visualiser l’autre cité, de percevoir le goût du vin sur la langue. L’auteur a un réel talent pour nous immerger dans son univers et je me suis régalée !

Ce qui me conduit à la plume de Guillaume Chamanadjian en elle-même. Comme je l’affirmais en début de critique, j’ai adoré son style, très descriptif et basé sur les sens. D’une fluidité et d’une douceur qui me rappelle sa compagne Claire Duvivier, le lexique est plutôt relevé et littéraire. Toutefois, je trouve que nous ne sommes pas à l’égal d’un Jean-Philippe Jaworski, même si l’amour de la langue française se ressent dans les deux. Je considère que Jaworski va plus loin, en utilisant un vocabulaire plus ancien, peu employé de nos jours, sans que cela malmène la compréhension du texte, alors que Chamanadjian reste sur un lexique plus courant. Rien de mal cela dit, vu que j’ai ressenti le coup de cœur, mais ça a valu une petite déception et le point manquant.

Je n’ai pas parlé des personnages alors qu’ils sont plutôt nombreux à croiser le chemin du protagoniste. En dehors de la petite peste qui lui sert de soeur (je peux être gentille et tolérante mais j’ai atteint ma limite avec Daphné), j’ai adoré tout le monde, même le duc Servaint (qui manipule les gens sans trop s’en cacher) et Tyssant (qui soupçonne tout le monde pour le bien de son duc). Les personnalités sont variées et on a un réel équilibre entre la noirceur des nobles, à la fois polis et rusés, et la gentillesse du peuple, la plupart se serrant les coudes.

En guise de dernier mot, je souhaite revenir sur la beauté de la couverture. C’est un ressenti personnel (et je respecte ceux qui à l’inverse de moi adorent) mais en règle générale je ne suis pas du tout attirée par le style graphique très géométrique des éditions Aux forges de Vulcain, préférant les couvertures très mouvementées et détaillées d’un Marc Simonetti ou d’un Alain Brion. Cela dit, les couleurs de cette couverture sont magnifiques et représentent parfaitement l’idée que je me faisais de la cité, avec le fleuve, les maisons colorées, les vignes en fond et le soleil. Vraiment sublime !



Cette chronique est partie dans tous les sens mais le résultat ne change pas : j’ai eu un très grand coup de cœur pour ce premier roman, qui annonce une saga pleine de piquants. J’ai adoré le style, j’ai adoré les descriptions, j’ai adoré arpenter les ruelles de la capitale aux côtés de Nox et de ses connaissances. J’ai tout adoré, et je ferai partie de ceux qui se précipiteront en librairie début avril pour la sortie du second tome - et je n’attendrai sûrement pas un an pour me plonger dedans ! En attendant, je vous le recommande chaudement !



19/20




Les autres titres de la saga :
1. Le Sang de la cité
2. Trois lucioles
- saga en cours -


2 commentaires:

  1. Un libraire qui me vanterait un bouquin en me citant Lynch et Jaworski je craquerai de suite aussi. Ta chronique me donne envie de découvrir ce titre

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    1. Après, faut en garder en tête que ça reste une lecture exigeante, surtout le début où il faut plutôt s'accrocher.

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