23 juil. 2021

Adar




Après « Tadjélé : récits d'exil », ce recueil propose treize nouvelles inédites autour de l'univers de Yirminadingrad, cité fictive d'Europe de l'Est minée par la guerre et la dictature. Ce volume clôt le cycle initié par L. Henry et J. Mucchielli avec « Yama Loka terminus : dernières nouvelles de Yirminadingrad ».



Pourquoi ce livre ? C’est au détour d’un passage en librairie que je suis tombée sur ce recueil de nouvelles, dès sa sortie. Les noms des auteurs affichés sur la couverture m’ont convaincue de me laisser tenter.

Déjà je trouve la couverture assez réussie, alors même que je ne suis pas une adepte de ce genre de graphismes. Cependant la bichromie et l’absence d’informations (résumé, etc) nourrissent le mystère, on ne sait pas dans quoi on se fourre en ouvrant le livre.

Je ne saurai dire si la première nouvelle ouvre le bal avec grandiose ou non, tout simplement parce que je ne suis pas certaine d’avoir perçu tous les niveaux de lecture. Cette lumière couleur de rouille est un texte très politique, ou une occidentale se rend dans une ville de l’Est - à mauvaise réputation - par amour du théâtre, par idolâtrie d’un metteur en scène. Toutefois c’est plus qu’une critique de la société russe, plus qu’un récit de théâtre, c’est un récit d’émotion où la violence comme les sentiments laissent des séquelles profondes dans l’âme. J’attendais peut-être quelque chose de plus fort, avec un impact plus important ou une réflexion plus accessible… mais ce début n’est pas non plus mauvais et a parlé à mon âme littéraire (et à mes études dans le domaine). Et j’aime beaucoup le titre, la rouille me rappelant la couleur du sang vergé, qui a séché depuis. (14/20)

J’ai enchaîné sans trop attendre sur (en Y, la fuite des amants), lecture rapide puisqu’elle ne compte que quatre pages. C’est une nouvelle courte, mais vivante, où la ponctuation débridée, chaotique, n’est que la métaphore, la symbolique de quelque chose en perpétuel mouvement, de quelque chose non-figé. Je ne peux pas dire que j’ai bitté l’objectif de l’autrice, mais je me suis laissée envoûter par cette mélodie des corps. (14/20)

Cingulata, ou l’art d’employer de nombreux “singulier” ou “singularité’, ce mot qui revient à la mode depuis quelque temps. C’est une histoire triste, pleine de sentiments et de désespoir, avec un peu de colère. J’ai aimé le cadre, les errances, les réflexions. De là à dire que la nouvelle me marquera au-delà des détails glauques qui la composent, je n’en suis pas certaine. (13/20)
C’est aussi à ce moment-là que j’ai compris quelque chose sur l’ensemble de ce recueil.

Histoire dure, dans le sens violente, avec des personnages blessés, et qu’on aime pour autant. Sur les murs, le visage de ma mère est une quête d’identité, une quête d’origine, sur l’histoire d’une mère à l’enfance très difficile et qui meurt jeune, laissant une petite fille avec énormément de questions. Cette nouvelle retrace cette quête, ce besoin viscéral de comprendre d’où l’on vient. On explore une ville battue, à l’abandon, avec ces humains oubliés, ou qui cherchent à oublier. Un récit entêtant. (15/20)

où Meng Yi Rong libère Ai Nuan An, trouve fortune et prend le chemin des steppes ne m’a pas du tout transportée dans son intrigue. C’est trop décousu, avec des incises qui pleuvent, je ne suis pas attachée et je n’ai pas compris, si ce n’est pas la part de chaos au milieu de ce fatras. En revanche j’ai adoré la mise en page, originale, qui colle au récit. C’est le gros plus de la nouvelle ! (12/20)

les terrains de golf sont tout ce qui reste de l’altérité correspond trait pour trait à mon ressenti de la nouvelle précédente. J’ai adoré la mise en page, bien que certaines d’entre elles usaient d’une taille de police trop petites pour être agréables. Autrement l’intrigue ne m’a pas énormément plu et je commence à me dire que découvrir Yirminadingrad par le dernier volume était une idée franchement pourrie (mais je ne le savais pas au moment de l’achat). (12/20)

J’ai adoré shatat’sya, probablement parce que c’est la nouvelle où l’empreinte de l’imaginaire est la plus perceptible. Les implants ont envahi les hommes, redéfinissant leur tempérament et contrôlant leur pulsion. J’ai adoré, parce qu’en si peu de pages, ce récit soulève l’omniprésence de la technologie de notre vie quotidienne, jusque dans notre peau, notre corps, et combien elle nous contrôle, elle contrôle nos mouvements, nos désirs et maintenant notre subconscient. Magistral, avec une bonne chute ! (18/20)

J’ai également été emballée par rongées, tous les extrémités, qui a trouvé un écho dans mon visionnage de la série Chernobyl. Ce n’est pas un récit violent, en dehors de cette fin prévisible quant à son issue, mais j’ai ressenti comme un malaise dans ce parallèle entre la vie et le Songe. J’en garderai un bon souvenir, avec des images très nettes. (15/20)

Son âme est en papier est une nouvelle très intense. Sur fond de passion mêlée à l’art, on arpente les ruelles et les habitants de la ville au gré des renseignements récoltés. Loin de la douleur, de la souffrance (encore que, la pauvre catin témoignerait du contraire), on découvre une sensibilité qui transpire dans le titre de la nouvelle. La diffusion du message, de cet alphabet secret, est intéressante et pleine d’espoir. J’ai beaucoup aimé la poésie de l’ensemble. (15/20)

dans le rêve : sept fragments anodins de la vie de Bob Turk m’a un peu perdue dans son objectif, même si j’ai aimé le procédé. C’est une bonne façon de réfléchir à la facticité des informations, à remettre en question certaines vérités, mais je n’en tirerais rien de plus. (13/20)

Summer nous laisse dans une sale impression, celle où l'humanité très égoïste ne sait répondre que par la haine, qui engendre toujours plus de vengeance. L'histoire de famille est très intéressante, même si les aléas amènent trop peu d'émotions, et le déroulé se lit très bien, malgré cette ambiance pesante à laquelle on s'est habitué depuis. Une intrigue sombre mais marquante. (14/20)

Je suis passée totalement à travers de La Bergère des drones. Si j’ai aimé le style d’écriture, tout le reste m’a échappé… (10/20)

Enfin, je me souviens avoir beaucoup aimé Rendre compte de la vérité… mais j’ai trop tardé à écrire mon cours avis dessus, si bien que ça s’est délité dans ma mémoire.

J’ai donc un regret dans ma découverte de ce recueil, c’est que je ne connaissais pas l’existence de premiers recueils dans cet univers, si bien que je suppose qu’il y a dans ces textes des références aux précédentes publications qui m’ont forcément échappé.

En dernière critique, et pas des moindres, je suis déçue qu’il n’y ait aucun rappel des auteurs sous le titre de leur texte. Même dans le sommaire l’information manque, il fallait constamment se reporter à la première de couverture (ou au marque page lié au recueil) et compter pour savoir à quel auteur appartient tel texte - si tant est que l’ordre est le bon. J’ai vu sur un site que c’était le souhait de la maison d’édition de ne pouvoir affilier un texte à son auteur, cela fait partie du processus de déstabilisation, perte de nos repères, j’ai tout de même trouvé l’idée frustrante.



C’est un bon recueil de nouvelles, les textes sont certes inégaux dans leur intérêt, l’écho que ça a soulevé en moi, pourtant ils présentent tous un intérêt dans le thème, le détour dans le Yirminadringrad. J’ai acheté le recueil sans savoir que c’était le quatrième, je le regrette car j’aurai sans doute davantage apprécié. Là, j’ai passé un moment de lecture sans plus, si bien que je ne pense pas me pencher sur les précédents recueils.



13/20




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