

Dans un monde inexorablement englouti par une brume remontant du passé, Keb Gris-de-pierre, berger de son état, a tout perdu. Maramazoe, guerrière renommée du peuple des mers, est une paria. Autrefois ennemis, ils arpentent ensemble les sentiers de montagne et les crêtes escarpées à la recherche d’une échappatoire, mais également de réponses… Quel qu’en soit le prix.

Pourquoi ce livre ? Repéré dès sa sortie pour sa couverture splendide et son résumé prometteur, je l’avais repoussé suite à des avis assez mitigés sur la blogosphère – pas beaucoup, mais suffisamment et en des termes qui me poussaient à le retirer de mes priorités. Finalement ce titre ne s’en sort pas si mal puisqu’il apparaît dans les nominés du Prix Livraddict dans la catégorie Fantasy, un bon argument pour qu’il migre à nouveau dans mes priorités… Et ça n’aura pas traîné puisqu’il ouvre le bal des lectures dédiées au Prix.
Pfiou, et quelle lecture ! La Brume l’emportera m’aura justement emportée dans cet univers à la fois hostile et envoûtant. Ce n’était pourtant pas gagné d’avance. Le récit commence en effet par une interpellation du protagoniste, Keb, qui s’adresse directement à nous, son auditoire. C’est très direct, un peu trop même, et il m’a fallu quelques pages pour me familiariser à ce choix narratif.
Le début est violent. On découvre ce fameux nuage de brume par le biais de Keb et de sa chienne Lampoza. Très vite, le danger se rapproche et la violence nous plonge dans une détresse impuissante, aussi impuissante que pour ce berger. Je ne connaissais pas les personnages depuis dix minutes que j’ai senti mon cœur se serrer et l’envie de le prendre dans mes bras. Suite à cela, l’ennui l’a emporté sur la curiosité. Je ne savais pas à quoi m’attendre dans cette succession de scène où le protagoniste fuit, seul, cette brume à qui rien ne s’oppose. C’est à l’entrée en scène de Maraozue que mon attention s’est de nouveau projetée dans le livre. C’est à ce moment-là qu’on effleure la magie, qu’on découvre cette alchimie naissante entre deux êtres issus de deux peuples que tout oppose. C’est là que j’ai été happée par le récit, au point de ne plus vouloir en décrocher.
Avant de se lancer dans cette œuvre, il faut comprendre que c’est avant tout une fantasy contemplative, une histoire de remises en question, de tolérance, de réflexions sur les conséquences de nos actes et de nos décisions. Le tout est enrobé dans cette amitié naissante entre Mara et Keb, pourtant différents par le physique, les mœurs, leur façon de penser. Leur objectif commun et leur capacité à survivre va les amener à forger une alliance, renforcée par ce fil étrange et mystique.
Étant donné le caractère contemplatif de l’intrigue, on peut craindre un rythme trop mou ou un intérêt allant décroissant. Ce n’est jamais le cas. A chaque fois que j’ai senti une boucle s’installer, un événement intervient pour relancer la tension, ou l’attention. De fait on ne s’ennuie vraiment jamais, en tout cas ce fut mon cas.
Autre bon point, je n’ai jamais su deviner la fin. Le cheminement pour l’atteindre, son déroulement, sa chute, tout est amené au meilleur moment pour ne pas qu’on subisse la frustration et pour ne pas qu’on devine trop vite. Cela me confère l’idée que l’auteur est très doué pour manier les ficelles de son récit de bout en bout.
J’ai adoré le système de magie. J’ai vu un commentaire qui le comparer à ce qu’est capable de produire Brandon Sanderson et je suis assez d’accord. Cependant il y a quelque chose de plus profond encore, de plus sacré. Ici, la magie n’est pas l’antithèse de la croyance, elle est au contraire renforcée par elle, liée par pu’uza, sorte d’entité élémentaire puissante. Dans les remerciements, Stéphane Arnier évoque la culture néozélandaise et c’est justement la clef qui m’a manquée pour comprendre d’où venait ses inspirations. Le savoir a sonné comme une évidence.
Je me suis énormément attachée au duo, et ce dès leur rencontre. Il forme un duo très nuancé, avec des sentiments qui évoluent en fonction de ce qu’ils peuvent ou ont pu traverser. Ainsi l’alchimie se crée progressivement jusqu’à la fin, où le déchirement ne peut être que plus poignant. Entre Keb et Mara, la seule chose que je déplore repose sur leur confiance trop facilement donnée, surtout quand on sait que leur peuple était en guerre, quelques années auparavant.
Que dire de la plume si ce n’est qu’elle recèle tout ce que j’aime ? De la douleur, une construction fluide et des mots qui coule dans la bouche. Sans aller jusqu’à la poésie, une certaine mélodie se dégage de ces mots. Ca m’a touchée au même titre que cette belle amitié.

Ce n’est pas un coup de cœur, uniquement parce que j’ai ressenti quelques difficultés à me familiariser aux interpellations. Au-delà de ça, j’ai passé un excellent moment de lecture en compagnie de deux personnes différentes et complémentaires, entre qui naît une relation complexe et magnifique. L’ambiance est posée, le danger est omniprésent, l’auteur parvient à faire passer de belles valeurs entre les lignes, portée par une plume agréable et fluide. Pas de doute que j’ai adoré cette lecture et je la recommande chaudement (brumement ?) à tous les amoureux d’une fantasy lente et contemplative.
18/20
La Brume l'emportera de Stéphane Arnier, Mnémos, 368 p.
Couverture par Cyrielle Foucher
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