30 juil. 2025

Tout pour tout le monde




À quoi peut ressembler une révolution au XXIe siècle ?
Vingt ans après un bouleversement social mondial, deux historiennes interrogent les acteurs et actrices de ce changement. Du Bronx à la Chine continentale, du Midwest américain au Proche-Orient, douze voix abordent les années troubles, les moments d’espoir. Douze personnes ordinaires guidées par un seul principe : « Tout pour tout le monde ! »
Voici, à travers les mots de celles et ceux qui l’ont vécu, l’effondrement économique, les catastrophes climatiques, les révoltes populaires autant que la répression. Et puis, plus tard, le temps de la reconstruction et l’avènement de sociétés plus égalitaires, écologiques et coopératives.
Voici le récit d’un printemps qui vint reverdir le monde.



Pourquoi ce livre ? Plusieurs arguments m’ont donné envie de lire ce livre. La couverture magnifique de Xavier Collette en est le premier (et elle est d’autant plus belle qu’elle représente parfaitement le contenu de cette fiction). L’identité du traducteur, Camille Leboulanger, promettait également des idées politiques que je partage. Enfin, les échos de connaissances qui ont lu l’ouvrage en avant-première ont parfait l’envie de l’acquérir pour forger ma propre opinion. Un peu plus d’un an plus tard, il sort enfin de ma PAL.

Tout pour tout le monde a été lu en l’espace de deux jours. C’est de plus en plus courant en ce moment (je suis dans une période où je veux laisser les écrans de côté. Forcément, les livres s’enchaînent à une allure folle !), quand une lecture me passionne. Ce fut le cas pour ce dernier titre lu pour ce mois de juillet.

Cette histoire n’est pas un roman comme les autres. Le format s’apparente davantage à un essai sociologique et politique, avec une succession d’interviews fictifs qui plongent l’ambiance dans de la science-fiction à la fois post-apocalyptique et utopique. Rien que ça !

De là, on pourrait croire que l’attachement envers les personnages est impossible. C’est faux. La plupart évoquent leur enfance, leurs blessures, leurs rêves et espoirs, leurs objectifs pour retrouver et/ou maintenir leur sérénité et améliorer la vie en société. Étant donné la révolution (fictive) qui s’est déroulée avant ce recueil de témoignages oraux, l’émotion de toute sorte est au cœur du récit. Oui, la sensation de lire des portraits successifs, très divers, est présente. Pour autant, chacun d’eux apporte sa pierre à l’édifice et nous dresse le portrait des déboires de la société passée et les espoirs de ce nouveau système, pur et équitable. Alors forcément qu’un certain attachement émerge vis-à-vis de ces personnes.
J’ai aimé que les personnages possèdent des émotions qui leurs sont propres, soulevées par les questions des deux interrogatrices. Malgré ce nouveau système qui tend vers l’utopie, les larmes ou la colère peuvent intervenir de façon tout à fait légitime. Ainsi tout n’est pas lisse et l’humanité reste réaliste dans sa représentation.

Il ne faut pas chercher de réelle finalité à cet ouvrage, dans le sens concret d’un roman classique. Pas de fin en elle-même, d’ailleurs. Les entretiens permettent de traiter différents thèmes majeurs comme la santé, la scolarité, la jeunesse, la procréation, la sexualité, le travail, les études, la culture, la croyance, l'écologie, tant de choses essentielles dans l’élaboration d’une société saine. Ce documentaire fictif a pour objectif de montrer que tout est possible, que l’alliance du peuple peut entraîner de grandes et belles choses pour le collectif et l’individualité.

Suite aux douze portraits interrogés, une nouvelle, parue quelques années après ce “recueil”, complète l’ensemble. J’ai pris une jolie claque. On retrouve quelques personnages interrogés, dont deux qui s’échangent des lettres. J’ai adoré le but de la présence sur cette île. Pour le coup l’émotion est très présente, très poignante, avec une fin prévisible mais magnifique. C’est très humain, avec de la colère, de la détresse et du pardon.

Par certains aspects, cette lecture m’a rappelé celle d’Eutopia dudit traducteur, Camille Leboulanger. Pas du tout dans la forme, puisque ce roman suit un seul personnage dans son périple, mais dans les idées véhiculées et la façon d’atteindre une société utopique. Ce sentiment de parallèle ou de complétude entre les deux lectures m’a touchée dès le début de Tout pour tout le monde. Le fait que ce soit Camille qui ait traduit ce travail fictif coule ainsi de source, à mes yeux.

En guise de point final, je me dois de reconnaître que je suis - j’étais - une grande réfractaire à l’écriture inclusive, rejoignant malgré moi le rang des vieux râleurs conservateurs de la langue française. Ici, j’ai ouvert les yeux sur ce que l’écriture inclusive signifiait réellement, apportait réellement à la communauté. Là où je râlais du caractère propagandiste de Jeanne-A Débats dans Humain.e.s, trop humain.e.s, ici la manière douce et le lien qui fait sens avec ce nouveau système m’ont fait beaucoup plus facilement accepter cette grande avancée dans la neutralité du français et l’inclusivité de tous. C’est le signe que j’évolue aussi, j’espère dans le bon sens, et, si je déplore que cela survienne trop tard, au moins vais-je pouvoir mieux vivre et assumer ce type de lecture.



Ca ne pouvait pas être un coup de cœur. Le format original qui consiste à retranscrire douze entretiens avec des gens de diverses origines et qui ont connu différentes expériences rend la lecture rythmée, avec un renouvellement de l’intérêt, sans pour autant que la lecture devienne aussi confortable qu’un véritable format roman. Pour autant, j’ai aimé cette confrontation entre le post-apocalyptique et l’utopie et j’ai adoré la vivacité et l’humanité des échanges. Je pense que c’est une lecture nécessaire pour comprendre les limites de notre système et percevoir les petits changements qui pourraient conduire à quelque chose de plus grand, de plus fort et de meilleur pour le collectif. Je recommande pour tout lecteur mature !


17/20

Tout pour tout le monde de M. E. O’Brien et Eman Abdelhadi, Argyll, 299 p.
Traduit par Camille Leboulanger, Couverture par Xavier Collette


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