24 févr. 2023

Enfin la nuit




Un flic, Thomas, et une adolescente, Sophie, se mettent en route vers le sud. Pour aller où ? Peu importe, ils sont vivants, ils avancent, dans ce monde aveuglant où la nuit a disparu et où le jour continuel rend fou. Peu à peu, Thomas laisse derrière lui une tombe sur un rond-point et une maison en cendres, passe la frontière…



Pourquoi ce livre ? C’est étrange de dire que je l’avais repéré à sa sortie, à l’époque où j’avais pris connaissance de l’existence de L’Atalante dans la ville où je vivais - à l‘époque, donc, où j’étais bien incapable de m’offrir un seul livre (ça ne nous rajeunit pas). Quelle ironie de prendre conscience que ce premier roman repéré sera bien lu après toutes les publications qui ont suivi, à l’exception d’Eutopia, le dernier gros bébé en date.

Au fil de ma lecture, j’ai également pris conscience que si j’avais commencé ma plongée dans la bibliographie de Camille Leboulanger par ce roman, je ne suis pas sûre que j’aurais poursuivi plus avant mon exploration… Enfin la nuit est pourtant loin d’être mauvais. Ce roman est même plutôt génial par son réalisme. Dans cette ambiance post-apocalyptique, on découvre la pesanteur de la réelle solitude, les petites joies, les grands espoirs et surtout le cercle de la dépression. L’atmosphère est poisseuse, parfois malaisante, lourde de toutes les pensées ou au contraire du vide mental de certains personnages, et ce jusqu’à la fin qui ne nous épargne pas. C’est d’un réalisme brut, rare, mais je fus bien contente qu’il n’y ait qu’un peu plus de deux cent pages : plus, cela m’aurait énormément déprimée.

Ce qui m’a déçue, c’est l’absence d’une réelle réflexion dans tout ceci. Alors certes, l’auteur nous donne des petites idées à se mettre sous la dent, comme le fait que les premiers arrivés sont les premiers servis, que la loi du plus fort règne, etc. Cependant on est loin des idées creusées dans Malboire, Ru ou Le Chien du Forgeron.

J’ai été intriguée par les personnages sans pour autant m’attacher à eux - ce qui n’était de toute façon clairement pas le but. De fait, cela contribue à l’ambiance pesante de l’univers, car rien ne nous attache à cette lecture, si ce n’est la curiosité de découvrir la quête et la fin du chemin. Même un enfant comme Sophie m’a plus gênée qu’attendrie, par le décalage total de sa personnalité avec ce qu’on connaît, nous, dans notre monde. Elle semble déconnectée et sauvage, à la fois intrigante et repoussante. Quant à Thomas, j’ai eu du mal à suivre ses sautes d’humeur, de la folie au bonheur puis à la dépression. Encore une fois je reconnais que c’est cohérent avec le décor, avec son vécu. Ca reste lourd à lire.

Et le style littéraire convient parfaitement à construire cet univers, un art qui me conforte dans l’idée que Camille Leboulanger est un auteur dès plus doué. Malgré la lourdeur du contenu, la lecture est fluide et donne de la consistance à l’ensemble.

Petite pensée également à la préface qui introduit le roman au format poche. Beaucoup d’émotions à sa lecture, avec une métaphore filée qui m’a soustrait un sourire et a failli soutirer quelques larmes. Pas de doute possible, c’était parfait avant d’attaquer le gros morceau.



Lors d’une rencontre, Camille Leboulanger m’a dit que c’était le seul roman écrit en monde “jardinier”, à une époque où il n’avait pas encore tout le bagage culturel, politique, économique à son compteur. Cela se ressent. En dépit du réalisme de son œuvre et de quelques idées glissées çà et là, je suis restée sur ma faim point de vue réflexion et je ne sais pas si j’aurai eu la curiosité de lire d’autres de ses productions. Là, je considère que c’est un bon roman, avec une ambiance et des personnages forts, dotée d’une plume fluide et d’une fin surprenante. Cela reste une bonne lecture, qui a su adopter la longueur qu’il fallait pour que ce soit plus percutant qu’ennuyeux. Retenez-le simplement, je vous invite à lire un deuxième roman de Camille, si vous avez commencé par celui-ci.



14/20


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