29 mai 2025

Danielle Cain, tome 1 - L'Agneau égorgera le Lion




Après des années passées sur la route, Danielle Cain débarque à Freedom, une ville de l’Iowa squattée par des anarchistes, à la recherche d’indices sur le suicide soudain de son meilleur ami.
Sur place, l’ambiance a tourné à l’aigre depuis que les habitants ont invoqué un esprit protecteur, un cerf rouge sang à trois bois. À la fois juge et bourreau, l’animal commence à se retourner contre ses invocateurs.
Danielle espérait élucider les circonstances d’une mort mystérieuse, mais c’est peut-être bien toute une communauté anarchiste qu’elle devra sauver !



Pourquoi ce livre ? J’ai déjà découvert Margaret Killjoy par le biais de son premier roman traduit en français, Un pays de fantômes. J’avais plutôt bien aimé ma lecture, même si j’avais le sentiment qu’il me manquait un petit quelque chose. Bref, les éditions Argyll poursuivent l’achat de droits pour cette autrice, j’en profite donc pour réitérer l’essai avec cette novella.

L’Agneau égorgera le Lion nous plonge tout droit dans le quotidien pas si tranquille des punks anarchistes. Danielle Cain est sur le point de rejoindre Freedom, une communauté reculée, lorsqu’elle a le sentiment que ses yeux lui jouent des tours : devant elle, plusieurs animaux de différentes espèces et gabarits, tous morts-vivants. De là, tout bascule très rapidement.

J’aime beaucoup quand l’imaginaire se mêle délicatement à la réalité et c’est exactement ce qui se déroule ici. La magie est présente, sombre et violente. On pourrait même la qualifier de magie noire, tant son usage est cruel et barbare puisqu’ils ramènent les morts à la vie dans le but de se protéger et de rendre justice.
Outre l’imaginaire, ce texte se veut profondément anarchiste. Toute la novella ne porte pas sur les valeurs ou anti-valeurs de ce choix de vie, il faut toutefois accepter de mettre un pied dedans et de lire les convictions de l’autrice. Personnellement, j’ai beaucoup apprécié la manière dont Margaret Killjoy aborde sa vision du mouvement et sa façon de remettre en question ses limites, en accord avec ce qu’elle voit. La magie devient alors un biais pour tester ces fameuses limites et interroger sur le bon sens des décisions de chacun. A aucun moment c’est une œuvre cherchant à convaincre. On aime, on n’aime pas, c’est une vision propre à chacun. L’autrice, par l’intermédiaire de son protagoniste, ne défend même pas les couleurs de sa vision : elle ne fait qu’exposer les faits, en quoi consiste l’anarchisme et les répercussions que ça induit sur la vie de la communauté, sans en faire une propagande.

J’ai été fascinée par l’intrigue. L’ambiance gothique nous plonge avec quelques frissons dans les frictions de la communauté. Les voix s’élèvent et s’emportent pour savoir ce qu’on fait de ces créatures qui se rebellent contre leurs créateurs. La tension est palpable et l’enchaînement des scènes rendent cette atmosphère plus tendue encore. Oui, j’ai été fascinée par l’intrigue, car j’ai eu le sentiment d’avoir les clefs en mains tout au long de ma lecture, sans parvenir à deviner comment tout cela se terminerait.
Ma fascination pour les créatures m’a également surprise. Habituellement je n’éprouve pas ou peu d’intérêt pour les êtres d’outre-tombe. Ici, Uliksi est décrit avec tellement de netteté et d’attachement, comme ça le serait pour un animal de compagnie ou un enfant, que je me suis également attachée à lui. D’ailleurs, je ne m’attendais pas à cette fin pour lui et, si j’ai éprouvé du soulagement, un petit pincement m’a également étreint le cœur.

En parlant de cette fin, je ne m’attendais pas du tout à ça. D’un côté c’est cohérent avec tout ce qui précède, de l’autre côté je ne peux m’empêcher de trouver la scène explosive bâclée et expéditive. J’aurais clairement voulu plus, alors même que ça ne nécessitait pas davantage de développement – je suis paradoxale, je sais…
En revanche, la toute dernière scène fait plaisir et je comprends mieux pourquoi une seconde novella a vu le jour. Il va falloir que je m’empresse de l’acheter !

Le plus amusant dans tout ça, c’est que je me suis attachée à Uliksi sans m’attacher aux personnages principaux. Danielle, Jeudi, Jugement, Brynn, Vautour, Éric, tant de noms, beaucoup d’intérêt et de curiosité à les suivre, mais jamais cette petite étincelle de crainte quand le danger rôde. Cela dit, ce manque d’émotion à leur égard n’a en rien gâché ma lecture, je pense même que c’est inhérent aux valeurs du texte et aux valeurs de Danielle, elle qui aime tant les voyages qu’elle souhaite éviter tout attache.

Finalement, ma seule déception concerne le style d’écriture (ou la traduction). Ca se lit très aisément et la plume suffit à donner une certaine atmosphère à l’ensemble. Cependant, je ne peux m’empêcher de trouver le style plat, sans âme, un peu passe-partout.



J’ai passé un très bon moment, bien meilleur qu’avec le premier essai de cette autrice. Le décor est glaçant, les créatures sont parfaitement décrites et l’intrigue ne perd pas de temps en bavardage inutile. Après avoir peiné un mois dans ma précédente lecture, quel délice de se sentir scotchée par une œuvre originale. C'est la première fois que je lis une aventure mélangeant anarchisme et magie. L'équilibre est parfait entre les deux : Margaret exprime ses convictions sans chercher à convaincre, explorant les forces et faiblesses de ce qu'est une communauté anarchique. La magie, très noire, tend à bousculer ses convictions pour les mettre à l'épreuve, jusqu’à la résolution finale. J’ai passé un très bon moment et je me procurerai assurément la suite !


16/20

L'Agneau égorgera le Lion de Margaret Killjoy, Argyll, 132 p.
Traduit par Mathieu Prioux, Couverture par Anouck Faure


Les autres titres de la saga :
1. L'Agneau égorgera le Lion
2. Les Morts possèderont la Terre
- saga en cours -


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