

Janvier 1918 : Laura Iven, après avoir été grièvement blessée, est revenue du front où elle était infirmière. Elle tente de retrouver sa vie d'avant à Halifax, au Canada, bien que son frère, Freddie, soit pour sa part resté dans les tranchées. Un jour, elle reçoit l'annonce de sa disparition, accompagnée de l'uniforme du jeune homme. Incapable de croire à la mort de celui-ci, Laura décide de repartir pour la Belgique.
Novembre 1917 : Après une explosion, Freddie Iven reprend connaissance sous une casemate retournée, coincé dans le noir avec un soldat allemand. Tous deux désorientés, ils vont devoir unir leurs efforts pour survivre. Mais, une fois dans le no man's land, leurs chances seront infimes.
Freddie pourrait-il être encore en vie ? Laura parviendra-t-elle à découvrir ce qui lui est vraiment arrivé ? Et la rumeur selon laquelle les soldats qui le souhaitent oublieraient tous leurs souvenirs grâce à un mystérieux violoniste est-elle fondée ?

Pourquoi ce livre ? Repéré quelques semaines après sa sortie, j’étais intriguée par ce
nouveau titre de Katherine Arden, autrice que j’ai grandement apprécié avec sa Trilogie d’une nuit d’hiver. Je n’ai jamais pris le temps de me plonger dedans mais sa nomination au Prix Livraddict, catégorie Fantastique, m’aura finalement poussé à accélérer le
mouvement !
Lu au bon moment et sans la fatigue de l’achat immobilier et de tout ce que cela implique (paperasses, cartons, anxiété, …), Requiem pour les fantômes aurait probablement été un coup de cœur.
J’ai adoré le contexte historique. Nous sommes plongés au cœur de la Grande Guerre, la Première Guerre mondiale, par la vision d’une sœur infirmière qui recueille les corps blessés et les âmes brisées et d’un frère soldat. J’ai adoré cette alternance de chapitre et de point de vue, qui donne du rythme à l’intrigue, un peu de suspense et de mystère également, tout en apportant de la profondeur au décor historique. C’est ce qui entretient également l’ombre sur la part fantastique du récit, à la fois discrète et au cœur de l’enjeu. Mais plus que tout, c’est ce cadre historique parfaitement orchestré, parfaitement documenté et réaliste, qui donne de la force à l’ensemble. J’ai été happée par cette ambiance de sang et de morts.
Âmes sensibles, s’abstenir. Vraiment. Parce que l’autrice n’épargne aucun détail. On
rencontre les fous, on lit les descriptions de corps calcinés, ou amputés, ou subissant une opération. L’autrice n’épargne personne et surtout pas son lectorat, qu’elle confronte aux horreurs de la guerre. Je suis moi-même sensible, je ne supporte pas la vue du sang, et j’ai failli rendre mon repas au travail alors que je lisais, à côté d’un collègue, une scène où l’artère est arrachée par la gangrène et où il fut absolument une transfusion sanguine, acte bénin aujourd’hui mais qui à l’époque était en cours d’expérimentation. Non, l’autrice n’épargne aucun détail, c’est pourquoi je ne conseille pas ce livre à tout le monde, adultes compris.
Si le récit prend l’Histoire pour décor, le fantastique, lui, repose au cœur de l’intrigue. Par petites touches délicates, l’autrice nous entraîne dans cet univers oppressant, gardé par ces notes de musiques jouées par un violon. En cela, Katherine Arden reprend parfaitement les codes du genre, par une découverte lente de ce qui se cache derrière le voilà. Quelques scènes peuvent là encore donner quelques frissons au lecteur, avant tout par la suggestion, sans que cela atteigne l’effroi procuré par les bombardements. Ainsi on comprend les choix de Freddie.
Malheureusement pour moi, ma lecture partait sur un coup de cœur, du moins jusqu’à 85 % du roman. La toute fin m’a moins convaincue. J’ai ressenti moins d’attrait pour ce que je lisais, alors même que l’autrice nous apporte la conclusion de son récit. C’est pourtant un épilogue doux-amer qui nous est conté ici et je n’aurais rien souhaité d’autre. C’est peut-être la résolution finale qui m’a moins convaincue, par le fait que je voyais venir les événements, je n’ai donc pas eu l’élément de surprise tant espéré…
Les personnages sont puissants. Ils avancent et luttent dans leur quotidien, certains pour échapper aux horreurs des combats, d’autres pour sauver ce qui peut l’être encore. Laura est une femme courageuse comme j’en ai rarement vu. Pour sauver son frère, elle est prête à bien des sacrifices et n’hésite pas à mettre sa propre vie en péril. Freddie est un jeune soldat qui n’a ni l’âme d’un guerrier ni les épaules d’un combattant aguerri. Sans m’attacher à lui, je suis restée curieuse de suivre l’évolution de son ressenti et de ses découvertes tout au long de ma lecture. Quant à Winter, la barrière de la langue a mis d’office une croix sur la perception de ses émotions. Pourtant, une forme d’attachement a su être créée, par ces jeux de regard, par les non-dits, par son courage et sa dévotion envers une promesse tacite.
Petite pensée pour Jones. Je ne saurais dire pourquoi mais j’ai adoré son tempérament tout de suite et, pour lui aussi, j’ai suivi son évolution avec un plaisir coupable, étant donné son métier.
La plume est aussi douce et sensible que dans mon souvenir, ce qui tranche avec la réalité violente et sanglante du contexte historique. C’est aussi ce qui permet de tenir, dans cette ambiance anxiogène et poisseuse. Cette sensibilité féminine rappelle Pim, cette femme qui n’avait rien à faire près du front mais qui y est allé, sans compétence, sans savoir-faire, juste pour prodiguer un peu de bien aux soldats.

J’ai eu envie de dire que le contexte historique était la force de ce roman, puis j’ai eu envie de dire que les personnages étaient la force de ce roman. En réalité, tout est orchestré à la perfection et se complète parfaitement. On suit des personnages cabossés voire brisés, sans véritable espoir, dans un décor apocalyptique. Malheureusement je ressors moins convaincue par la toute fin de ce voyage difficile. Cette lecture sera malgré tout marquante, que je conseille à un lectorat avisé.
16/20
Requiem pour les fantômes de Katherine Arden, Denoël, 480 p.
Traduit par Jacques Collin, Couverture par Pascal Guédin
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