17 sept. 2020

Carbone & Silicium




2046 Derniers nés des laboratoires Tomorrow Foundation, Carbone et Silicium sont les prototypes d'une nouvelle génération de robots destinés à prendre soin de la population humaine vieillissante. Élevés dans un cocon protecteur, avides de découvrir le monde extérieur, c'est lors d'une tentative d'évasion qu'ils finiront par être séparés. Ils mènent alors chacun leurs propres expériences et luttent, pendant plusieurs siècles, afin de trouver leur place sur une planète à bout de souffle où les catastrophes climatiques et les bouleversements politiques et humains se succèdent.



Pourquoi ce livre ? Il m’a fallu moins de deux ans pour découvrir l’ensemble des romans graphiques de cet auteur illustrateur. Quelle ne fut pas ma surprise de trouver sa dernière sortie en date dans les présentoirs de ma librairie, alors que je n’avais pas du tout suivi une éventuelle parution. Achat imprévu et impulsif, mais c’était impossible que je résiste ! A un point où il n’est pas resté plus de deux semaines en PAL !

Quatrième découverte de l’auteur et troisième coup de cœur. L’apprentie libraire m’a donné son opinion comme quoi Mathieu Bablet s’améliore de tome en tome et je dois reconnaître que c’est le cas, en tout point (même si Ad Rastée m’a davantage plu pour son thème lié à la mythologie, domaine que j’affectionne particulièrement).

Je n’ai pas du tout lu le résumé. J’ai vu "Bablet", j’ai acheté, sans même ouvrir le bouquin. Je ne savais pas du tout dans quoi je me lançais et ça a plutôt bien servi ma lecture puisque j’ai été surprise en de multiples moments.

Cette histoire de robots explore tellement de notions qu’il serait vain et spoliant de trop en parler ici. J’ai aimé leur façon de dépeindre le monde et notre comportement, le reproduisant par erreur ou pour mieux nous comprendre. Cette idylle impossible entre l’idéaliste et l’explorateur acharné fut magique par les retrouvailles, les disputes, tout le sentiment qui explose de leurs entrevues. C’est la même face d’un tout, ils le disent dès le départ que c’est la même conscience, la même connaissance, dans deux corps différents. Il n’empêche que de la collectivité naît l’individualité, ç’en est le parfait exemple.

Deux choses sont très bien construites dans ce roman, en dehors de l’idylle : la notion du temps qui s’écoule et l’évolution de la technologie qui annihile toute conscience intime pour nous ficher dans un agglomérat collectif où le silence remplace la parole et nous permet de communiquer bien plus vite au gré du réseau et bits. C’est un avenir effroyable, et pourtant je ne suis pas sûre que le mot avenir convient réellement, à l’heure où un vilain petit virus précipite l’humanité sur les réseaux, pour le social, pour le travail, pour éviter tout sentiment de solitude. J’en ai eu des frissons, réellement, et cet avenir-présent me fait peur.

Si j’ai adoré la vie de Silicium, c’est explorateur qui refuse d’évoluer, c’est Carbone que j’ai préféré suivre malgré son discours politique et ses idées de liberté par l’effacement de soi. Elle suit les aléas du monde avant de dépasser ce dernier, c’est une évolution bien mise en scène.

Encore une fois, les illustrations sont magnifiques. Les personnages ne sont pas parfaits, les traits zigzaguent, floutent, comme si Mathieu Bablet ne voulait pas les préciser pour que le lecteur s’assimile plus facilement (ça y est, je divague). A l’inverse, les paysages sont précis, détaillés, tout comme les décors en général. Je me suis émerveillée devant certains panoramas, qui m’ont même donné envie de parcourir le monde à mon tour, dans les pas de Silicium.

La post-face d’Alain Damasio n’apporte peut-être pas d’idée innovantes ou d’ouverture, elle a l’intérêt néanmoins de paraphraser avec ce talent qu’à l’auteur de trouver le mot juste, d’en inventer parfois, pour accompagner les planches de Mathieu. C’est court, mais bien écrit (et cela donne envie de tester le dernier, enfin !).



Un coup de cœur phénoménal. Cette idylle imprévue, impossible, m’a comblée sur bien des points. La réflexion, si elle manque d’originalité, parvient à offrir un regard neuf sur la dépendance à la technologie et notre rapport à la collectivité. Les illustrations n’évoluent pas énormément, on retrouve ce flou ciselé que j’affectionne particulièrement. Je ne lis pas énormément de romans graphiques, mais il est clair que je ne compte plus passer à côté d’une parution de cet auteur ! Si vous ne l’avez encore jamais testé, Carbone & Silicium peut être une bonne entrée en matière dans l’imaginaire de ce penseur.



20/20





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