Dans un univers désolé où le froid et la nuit règnent en maîtres, une femme hors du commun, Tillu, la guérisseuse, se bat pour protéger son fils, l’inquiétant Kerleu.
Fuyant le chaman Carp qui désire lui voler son fils pour en faire son apprenti, elle s'installe loin des hommes, à l'écart, bien décidée à aider son jeune Kerleu à devenir un homme.
Jusqu'au jour où elle aperçoit deux chasseurs dans le vallon. La chasse tourne mal, l'un d'eux est blessé. Comprenant vite que sans son aide, il risque de mourir, Tillu n'a d'autre chois que d'aller le sauver et de les héberger pour la nuit. Elle apprend qu'ils appartiennent à une tribu, installée non loin de là : le peuple des rennes.
Un grand merci aux éditions ActuSF pour ce partenariat.
Pourquoi ce livre ? Je n’en suis pas à mon premier essai avec Robin Hobb. Selon ses univers, ça passe ou ça casse. Par exemple, j’ai abandonné Le Dieu dans l’ombre, moyennement apprécié Alien Earth, alors qu’il me tarde de retrouver le fameux Fitz de L’Assassin royal.
Jusqu’à un certain point, je peux avancer sans me leurrer avoir adoré cette intégrale. C’est une lecture intimiste, dans laquelle on découvre la vie d’une tribu singulière. Il a toutefois fallu un long chemin semé d’embûches pour parvenir à cette communauté, des obstacles qu’une femme seule accompagnée d’un enfant différent peut difficilement surmonter. C’est ainsi le récit de vie de Tillu, une guérisseuse compétente, et de son fils apprenti chaman, bien malgré elle.
Sans apitoiement, nous allons découvrir la solitude de son quotidien et comment la vie en communauté fonctionne quand l’hostilité du paysage empêche de quérir facilement du soutien. Ne vous attendez pas à une lecture pleine d’entrain, car c’est la confiance tranquille de la tribu, leurs coutumes au temps des migrations, que nous suivons ici. Bien sûr, certains événements vont briser la couche superficielle de sérénité, accablant de maux ce peuple aux habitudes si simples.
J’ai beaucoup aimé l’histoire, même si je regrette un petit creux vers la fin, juste avant que les derniers rebondissements viennent achever les certitudes des uns et des autres. C’est un moment où j’ai eu du mal à rouvrir le livre et je pense que c’est une conséquence d’avoir enchaîné les deux tomes, exercice auquel je ne suis plus du tout habituée. Ce désintérêt à peut-être duré une cinquantaine de pages, alors que j’avais l’impression de tourner en rond dans les impressions, hypothèses et paroles des différents personnages.
En revanche la fin est à la hauteur de mes espérances, un message paisible d’espoir qui est bienvenu après tant de noirceur au sein d’une si petite tribu.
J’ai adoré voir l’imaginaire de Hobb pour rendre son monde crédible. Tillu n’est pas guérisseuse que de nom, elle ne garde aucun secret sur son art, si bien qu’on sait, à chaque fois ou presque, quelles plantes elle utilise pour soigner ses patients. C’est vraiment agréable, de la petite érudition pas forcément légitime dans notre monde mais assurément crédible dans celui-ci. Idem pour les chamans, dont la magie est peut-être plus secrète, plus en retrait, chose qui contribue à entretenir le mythe, le mystère de cet art. C’est donc un pari risqué de jouer de ces deux sciences mais un pari réussi car on adhère forcément à l’un ou l’autre, voire les deux !
Au niveau des personnages, il est difficile d’apprécier tout le monde, tout simplement parce qu’on les voit surtout par les yeux et la personnalité de Tillu et que celle-ci est tellement sur la défensive qu’elle n’accorde pas sa confiance facilement, pire elle ne voit personne d’un trait bon oeil car elle s’attend à être constamment poignardée dans le dos - en raison d’une enfance difficile, cela s’explique et se comprend parfaitement. Elle est également seule pour protéger Kerleu, son fils de dix ans si “étrange”. Ce dernier attise davantage la compassion que la sympathie, par sa simplicité candide, par le traitement qu’il subit en raison de sa différence. En parallèle, j’ai également eu envie de lui donner quelques baffes, pas mesquines, pour qu’il comprenne toute la souffrance qu’il fait endurer à sa mère en la rejetant de la sorte.
En dehors de Lasse et Heckram, je ne peux pas dire avoir été charmée par les hommes que nous suivons. Joboam et Carp sont des horreurs humaines, assoiffés par le pouvoir ou par le gain. Idem pour le chef du village, qui a tellement peur de perdre sa place ou des habitants sous sa responsabilité qu’il se protège derrière le rideau des traditions au lieu de venir en aide à ceux qui peuvent réellement arranger les choses.
Même si la plupart des personnages ne sont pas attachants, ils dégagent une aura fascinante qui, malgré le dégoût que peuvent susciter certains, nous entraînent forcément dans leur sillage et nous donnent envie d’en savoir plus sur la fin.
La plume est fidèle à ce que j’ai lu de Robin Hobb. Celle-ci livre son histoire avec un détachement flagrant, comme si les personnages déroulaient eux-même le fil de leurs aventures. C’est un peu froid, en parfaite osmose avec le décor enneigé hivernal, très doux. J’ai adoré l’ambiance que l’autrice a su créer !
En dernière petite remarque qui concerne davantage l'objet-livre que le fond, je déplore que les "enluminures" perdent leur dorure au bout de quelques prises en main seulement, on devine aisément que ça ne tiendra pas dans le tempset qu'il ne restera finalement que le léger gaufrage ou le noir qu'elle recouvrait.
De plus, le roman recense pas mal de petites coquilles, dans les césures par exemple ou dans des lettres manquantes, c'est dommage qu'il n'y ait pas eu de relecture pour chasser tout ça.
En dépit d’un moment de latence vers les deux tiers de l’intégrale, ce ne sera pas l’excellente lecture espérée. Maintenant, cela n’enlève en rien la puissance de ce récit de vie d’un autre monde, d’une autre époque, où la communauté cherchait non pas à survivre, non pas à dominer mais à vivre paisiblement, tout simplement. Bien sûr, c’est sans compter les trouble-fêtes, mais ce n’est que pour pimenter un peu la lecture. J’ai adoré le parallèle entre les sciences occultes des chamans et celles bienfaitrices de la guérisseuse. Une belle histoire d’amour aussi, timide et touchante, pour ravir différents publics. De mon côté je ressors enchantée, avec de belles images en tête.
15/20
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