Né vieillard, pour la honte de ses parents et au grand scandale de l'hôpital, Benjamin parcourt en sens inverse le cycle de la vie humaine pour s'éteindre, bébé, au terme de soixante-dix années riches en événements... au cours desquelles il aura eu brièvement le même âge que son petit-fils.
Un grand merci aux éditions ActuSF pour ce partenariat !
Pourquoi ce livre ? En premier lieu, j’ai vu le film plusieurs fois. Si je lui reproche certains défauts, c’est toujours un plaisir de me plonger dans ce fantastique léger. En deuxième point, je prends énormément de plaisir à découvrir les textes et illustrations présentés dans la collection ActuSF Graphic, je n’ai donc pas résisté à demander ce classique emballé dans un magnifique écrin.
Benjamin Button est un être à part. Né vieux, sa vie défile à l’inverse de la normalité, connaissant les maux de la vieillesse avant de rajeunir et perdre ses moyens. Dans la société mondaine britannique du XIXe siècle, on ne peut pas dire que son cas enchante les mœurs. C’est ainsi ses déboires et ses succès que nous dépeint l’auteur.
J’ai beaucoup aimé le texte, bien qu’il soit très court. Sans en dénaturer l’essence, le film a pris ses aises dans l’adaptation de cette nouvelle si bien que la lecture de celle-ci est une réelle découverte. Pour un classique, cela se lit parfaitement bien : les chapitres sont très courts, présentant un âge toujours plus rajeuni de la vie du personnage, de fait j’ai dévoré toujours plus goulument ce récit.
Le développement est particulier. Du fait que ce soit une nouvelle, on reste très en surface de la vie de Benjamin. A chaque âge, on apprend les nouvelles difficultés, le regard changeant des autres (proches comme inconnus) sans véritablement entrer dans la personnalité du protagoniste. On devine son ressenti sans avoir d’assurance, l’auteur ne détaillant pas dans sa narration - ce qui peut très bien être dû à la pudeur de la société à cette époque.
La fin est très triste mais elle ne m’a pas autant touchée que celle du film - oui, je ne peux pas m’empêcher de comparer les deux. Outre l’ironie de le voir jouer avec son petit-fils sans qu’on puisse deviner qui est qui sur l’illustration, je retiendrai surtout l’amertume de voir comment sa famille le traite sur la fin, alors que c’est grâce à lui qu’ils occupent cette position.
Les relations sont parfaitement jaugées, passant de l’horreur à l’acceptation, de l’acceptation à l’oubli ou au déni. J’ai eu au départ beaucoup de mal avec le père Button, qui réagit trop excessivement à la différence de son fils. Puis j’ai admis que c’était représentatif de la société d’époque et que, pour un homme d’affaires bien vu, cela le poussait dans une position délicate. La suite m’a rabibochée avec lui car il parvient à le traiter comme son fils et l’entraîne à sa suite dans ses affaires.
Son épouse Hildegarde m’a laissée totalement de marbre mais ce n’est pas entièrement la faute de son caractère, c’est surtout que Benjamin l’épouse lors d’un chapitre festif et s’en éloigne au chapitre suivant, après avoir pris vingt ans. La raison est bien expliquée mais cela n’aide pas à s’enticher de la femme vieillissante. Quant au fils qu’il a eu avec elle, je ne l’ai pas du tout apprécié : il incarne le parfait gentleman devant tout le monde mais adresse des coups bas à son père en retrait, le reniant petit à petit.
Quant à Benjamin Button en personne, je suis surprise d’avoir finalement si peu ressenti d’attachement envers lui. Le traitement de ce personnage reste trop en surface. J’avais envie de plus, envie de percevoir et comprendre ses émotions, le recul qu’il prend sur sa drôle de vie.
Ma dernière remarque sur les personnages concernera l’absence totale de la mère. Pourtant elle est quand même au centre de l’affaire : c’est elle qui met Benjamin au monde. Même à l’hôpital, elle n’apparaît à aucun moment, le père se rendant directement dans la chambre du “poupon”. Si la mère est citée par la suite, dans le mot “parent”, on ne connaît ni son portrait ni son opinion quant à l’étrangeté de son fils. Là encore, on se rend compte de la place de la femme à l’époque (et je dis ça alors que je ne suis pas du tout féministe), ce que je trouve frustrant dans un tel récit où les réactions des personnages comptent énormément.
Le style est plus lisible que ce que je craignais. C’est peut-être dû à la nouvelle en elle-même, format très court donc il faut aller à l’essentiel. Comme je l’affirmais ci-dessus, ça se lit parfaitement bien, avec une traduction très accessible.
Les illustrations de Naïky sont magnifiques. En dehors d’un passage au début de l'œuvre où elles n’apportent rien à mon sens (celles avec les jouets surtout), les illustrations contribuent à cette ambiance étrange. J’ai notamment adoré les horloges qui égrènent le temps à l’envers, comme un compte à rebours en début de chaque chapitre.
Cette lecture illustrée fut une très bonne (re)découverte. Si je regrette que les personnages ne dégagent pas assez d’empathie, j’ai apprécié cette intrigue rythmée. La touche de fantastique est très discrète, de quoi ravir les accros comme les plus réfractaires au genre de l’imaginaire. La traduction est excellente, limpide et fluide. Les illustrations, elles, contribuent à l’atmosphère qui se dégage de l’ensemble. Un très bon moment de lecture, un bonbon vite avalé mais qui ne sera pas vite oublié.
16/20
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