3 déc. 2021

Apprendre, si par bonheur




Quatre personnes, quatre planètes : un groupe d’astronautes part en mission pour explorer des planètes susceptibles d’abriter la vie.
Hommes et femmes, trans, asexuels, fragiles, déterminés, ouverts et humains, ils représentent la Terre dans sa complexité.
Au fil des ans et des atterrissages, ils découvrent des animaux étranges, de « simples » bactéries, et les dilemmes éthiques de l’explorateur bienveillant mais forcément intrusif.
Observer, c’est influencer. Exister, c’est agir.
Il faut savoir jusqu’où aller trop loin ; pour rencontrer l’Autre, il faut le mettre en danger.



Pourquoi ce livre ? Comme la plupart de mes dernières lectures, ce roman a été nominé pour le Prix Livraddict, catégorie Science-fiction. Au départ, je ne voulais pas forcément le lire, ayant déjà la suite de la série The Wayfarers de la même autrice à découvrir. Puis j’ai vu que ce one shot était court, qu’il avait de très bons avis, je ne pouvais pas passer à côté de cette occasion.

Apprendre, si par bonheur est à la fois très proche de L’Espace d’un an dans ses idées et son format, et en même temps éloigné pour ses personnages, son background.

J’ai adoré les idées recelées ici. A l’instar de son autre production, Becky Chambers étale son amour de l’imaginaire et de l’humanité mêlés en brodant une science-fiction sociale pertinente. Ces quatre astronautes partis en mission de reconnaissance pour trouver de la vie ailleurs et, mieux (ou pire ?) encore, trouver une planète qui serait capable d’accueillir l’humanité. Quatre planètes, quatre personnages, quatre histoires.

Ce que j’ai aimé par-dessus tout, c’est la façon (notamment dans la première histoire) dont Becky Chambers relate le réveil de son équipage, très réaliste, avec tous les défauts liés à l’odeur, au vieillissement, etc. C’est très réaliste. Dans le même esprit, selon les planètes sur lesquelles ils atterrissent, les quatre individus ont des déficiences (luminosité, carence alimentaire ou nutritionnelle) et usent de patch pour pallier cela. Elle insiste, dans ses remerciements, sur le fait qu’elle s’est énormément documentée et qu’elle a fait appel à ses proches et à leur savoir pour rendre ce livre scientifiquement acceptable, cohérent, et c’est parfaitement réussi. Par contre, il faut se préparer à quelques explications et à des termes scientifiques un peu corsés. Cela ne gâche pas l’aisance et la fluidité de la lecture, mais c’est un poil plus complexe que L’Espace d’un an.

Mieux encore, l’autrice a réfléchi sur ce que les découvertes engendreraient sur notre métabolisme mais également sur ce que le métabolisme humain (bactéries comprises) apporteraient sur des molécules extraterrestres. On a vraiment une philosophie et une science anti-égocentrisme développées ici, une réflexion sur l’échange, et ça m’a fait beaucoup de bien car c’est, je pense, la première fois que je le lis dans un roman de science-fiction.

J’ai également beaucoup aimé cette fin ouverte où on ne sait pas ce qu’il est devenu de la Terre, on ne sait pas ce que vont faire les quatre personnages. C’est une question ouverte. L’autrice prophétise un avenir désastreux mais par sa question ouverture elle laisse encore le choix aux lecteurs, à l’humanité, de choisir entre continuer tête baissée ou prendre les bonnes décisions pour remonter la pente. Ainsi c’est encore une science-fiction positive.

Au final, avec le recul, mon principal reproche concerne mon attachement aux personnages. il m’aura fallu toute une partie, malheureusement la première étant la plus longue des quatre, pour dégager de l’empathie pour eux - et encore, ce n’était pas un attachement marqué. Autant leur relation interne au sein de l’équipe est convaincante, avec différents degrés d’affinité, autant ils ne m’ont pas transporté, notamment parce que toute leur attention se focalise sur la science. Jack est peut-être celui qui m’a le convaincu, pour son naturel un peu charmeur, un peu vulgaire (dans son lexique plus que dans son comportement). Elena est trop sévère avec tout le monde, Chirionki trop discret. Et la narratrice Ariadne flotte dans un entre-deux, on sent qu’elle cimente les autres et prend un peu de tous, sans parvenir à mettre en avant sa propre personnalité (la preuve, j'ai lu le roman en deux fois, la deuxième fois j'étais incapable de revenir sur son prénom, jusqu'à ce quelqu'un l'interpelle).
Il faut dire que ce one shot souffre également de la comparaison avec L’Espace d’un an où les personnages, leurs petites histoires, leur relation, étaient un des points forts du récit. Je m’attendais à quelque chose d’aussi fort ici et mes attentes étaient a priori trop importantes.

Le style, en revanche, est fidèle à mon souvenir. Ca se lit parfaitement bien, c’est très fluide, très agréable. Comme je le disais, le jargon est peut-être un peu plus technique dans certains paragraphes mais c’est suffisamment court pour donner de la cohérence à l’ensemble sans forcément alourdir son œuvre. Pour moi, Becky Chambers a très bien jaugé le fonds romance du fonds scientifique.



Je suis déçue que mes attentes aient été si grandes car ça a forcément entaché ma lecture, pourtant si bonne. L’intrigue, le décor, la considération scientifique, tout est parfait et j’ai vraiment pris un immense plaisir à découvrir ce nouvel univers. Le seul problème repose sur les personnages, aux caractères bien définis mais pas assez attachants à mes yeux. Cela reste de la science-fiction comme je l’aime, sociale et positive.



16/20




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