23 août 2018

Cygnis




Est-ce le ciel ou la forêt? Un fourmillement frémit à la limite de son champ de conscience, sensation familière associée au danger. Il se redresse à demi et s’empare de son fusil. Ses oreilles bourdonnent. L’œil à la lunette, il fait défiler différents modes de vision. Au-delà de l’espace délimité par l’ouverture de l’abri s’étend la forêt. Et au milieu, bien droit sous la pluie, un robot solitaire. Il n’a pas d’arme et se contente de regarder Syn dans les yeux.
C’est l’histoire de Syn, un trappeur accompagné de son loup au pelage greffé de bandes synthétiques, dans un monde de ruines technologiques. La menace est partout, une guerre se déclare mais Syn ne veut plus tuer ses semblables…



Pourquoi ce livre ? C’est mon copain qui, au tout début de notre relation, m’avait parlé de ce roman - sans se rappeler de son titre, bien entendu. Il m’en avait tellement bien parlé, mettant en avant les points positifs tout en conservant ce petit mystère que j’aime tant, que je m’étais mis en quête de lire ce roman, coûte que coûte. Je savais qu’il traînait sur les étagères de la bibliothèque municipale, pourtant j’ai profité de mon stage à L’Atalante pour l’obtenir. C’était il y a plus d’un an, y’avait plus qu’à…

Je regrette tellement d’avoir retardé cette lecture ! Classé en science-fiction et plus particulièrement en post-apocalyptique, je dois dire que je ne m’attendais pas à tant de… à tant de quoi, déjà ? C’est difficile à expliquer, je peine à trouver mes mots, comme à chaque fois que je ressens un coup de coeur.

C’est l’histoire de Syn, un trappeur accompagné de son loup cyborg, Ack. Tous deux perdus dans une solitude appréciée, ils se fondent dans un décor de blancheur reposant. Toutefois le temps passe, l’hiver fut rude et le besoin d’une bouée de chaleur remonte en surface. Retour à la civilisation, à l’étreinte humaine tel un matelot rentrant au port… et tout bascule. Les troglodytes, ennemis des villageois, ont enlevé les femmes pour des raisons que l’on devine facilement. Les hommes s’arment, la guerre gronde… et Syn, après un dernier regard sur une belle chevelure rousse, prend le large.
Ne croyez pas que nous serons voyeur de cette guerre, au travers des murmures qui circulent entre les troncs. Bon gré mal gré, Syn sera mêlé à cette histoire et devra choisir son camp, un choix parfaitement surprenant et improbable. On ne voit pas venir la fin, les éléments s’enclenchent et s’enchaînent en un rythme parfait, tout se lit d’une traite.

J’ai rapidement évoqué la fin, je dois dire que je ne m’attendais pas à cela. Sans être choquante, elle remet en cause tout le livre, elle prend de face et choque par son originalité. Ce serait presque affreux si la volonté derrière n’était pas si belle. Entités vivantes, nous sommes finalement tous égaux car nous cherchons un même but : trouver notre place. C’est beau, c’est poignant, cela renverse un équilibre pour une fin bien plus magistrale encore.
Le seul défaut concerne cette fin. Avec les dernières révélations, j’ai trouvé qu’elle allait un peu vite, comme si l’auteur ne voulait pas s’attarder dessus. Je comprends qu’il ait eu peur d’en faire trop, d’être redondant. Étayer légèrement son propos ne m’aurait pas dérangé outre mesure. M’enfin, j’ai su me satisfaire de celle-ci.

Comme je le disais plus haut, l’univers est post-apocalyptique. Pourtant, même après ma lecture récente d’Un éclat de givre d’Estelle Faye ou de Gueule de Truie de Justine Niogret - toutes deux classées en post-apo également - cet univers est unique. Difficile de croire que nous sommes dans un tel genre habituellement sombre où conflits, violences et guerres devraient être partout. Dans Cygnis, la violence est certes présente mais de manière sporadique. Tout est ténu, comme si la neige du début recouvrait la violence par un baume de douceur. C’est surtout cela qui m’a convaincu, cette douceur dans un monde qui a tout de même connu un renversement majeur de son système.

Les personnages sont également très attachants. Dotés d’une personnalité qui leur est propre, ils font preuve d’une constance exemplaire dans leur conduite, avec un réalisme que je ne peux qu’applaudir. Entre Syn, mystérieux et solitaire qui se redécouvre, Dek, le mercenaire qui pleure sur ses fautes, Ack, l’animal prêt à tout pour sauver son maître, et même la place des femmes, tout est là pour que chaque lecteur y trouve son compte. J’ai crains pour chacun d’eux, preuve de mon attachement.

La plume est magique. J’ai l’impression de le dire souvent en ce moment mais j’ai cette chance de tomber sur des bombes poétiques, ces derniers temps. Vincent Gessler décrit avec un talent fou le décor, suffisamment pour susciter des images sans pour autant appesantir son récit. De même, la douceur des mots et la légèreté des phrases forment comme un écho à cette fameuse neige. C’est une plume en coton, douce et soyeuse sur laquelle j’ai adoré me frotter. Et si je pouvais, je recommencerai !



Je l’ai dit et je le répète, Cygnis a remporté haut la main le statut de coup de coeur, et ce avant même que j’atteigne la fin du roman. La plume nous entraîne dans cette succession de péripéties avec une force tranquille, sereine. Le décor est planté sans ralentir notre progression, permettant de percevoir correctement l’ambiance dans laquelle évoluent les personnages. Ces derniers ont ce qu’il faut pour être attachants sans être dégoulinants, ils dégagent chacun une grandeur d’âme et une profondeur que j’aimerais tellement retrouver dans les autres romans. Quant à l’intrigue, la fin est légèrement rapidement mais, hormis cela, le rythme est pleinement maîtrisé pour apporter surprises et souffle coupé. A lire d’urgence pour ceux qui aiment le renouveau d’un genre !



19/20




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