Un siècle après l’Apocalypse. La Terre est un désert stérile, où seules quelques capitales ont survécu. Dont Paris.
Paris devenue ville-monstre, surpeuplée, foisonnante, étouffante, étrange et fantasmagorique. Ville-labyrinthe où de nouvelles Cours des Miracles côtoient les immeubles de l’Ancien Monde. Ville-sortilège où des hybrides sirènes nagent dans la piscine Molitor, où les jardins dénaturés dévorent parfois le promeneur imprudent et où, par les étés de canicule, résonne le chant des grillons morts. Là vit Chet, vingt-trois ans. Chet chante du jazz dans les caves, enquille les histoires d’amour foireuses, et les jobs plus ou moins légaux, pour boucler des fins de mois difficiles.
Aussi, quand un beau gosse aux yeux fauves lui propose une mission bien payée, il accepte sans trop de difficultés. Sans se douter que cette quête va l’entraîner plus loin qu’il n’est jamais allé, et lier son sort à celui de la ville, bien plus qu’il ne l’aurait cru.
Pourquoi ce livre ? Cela fait longtemps que j’ai ce livre en ligne de mire, on le voit un peu partout sur la blogosphère, notamment par la récente sortie du livre en format poche, et je voulais me forger ma propre opinion. Alors quand on m’a proposé une lecture commune à son sujet, il était certain que j’accepterai.
Un éclat de givre se déroule dans un univers post-apocalyptique sombre et oppressant. Les habitants s’entassent dans un nouveau Paris difficilement reconnaissables, plus proches de nos actuels bidonvilles et autres favellas.
Dans ce milieu évolue avec aisance Chet, notre personnage bisexuel, connu et respecté de tous. Chanteur à la voix suave dans des bars cabarets, Chet a cette capacité de se couler dans une nouvelle peau comme le ferait un serpent. Gardez le poison en tête, car Chet, sans cracher de la bile, est capable de vous asséner quelques coups verbaux bien placés.
L’intrigue progresse lentement. Si l’univers est bien construit, avec une perception aisée de l’ambiance, le récit manque cruellement de consistance. Quelques actions viennent pimenter la donne mais rien de conséquent, rien dans la durée. L’ensemble manquait donc de rythme, chose qui est rattrapée par l’ambiance (heureusement).
La fin bascule très rapidement mais ne m’a fait ni chaud ni froid. Si je me souviens même des grandes lignes, une semaine après ma lecture il m’est difficile de me rappeler de tous les détails, ce qui montre bien que ce n’est pas une fin marquante…
Les personnages sont très travaillés en revanche. Qu’on s’attache ou non à eux, ils possèdent tous une personnalité qui leur est propre, avec ce degré de diversité qui permet de les distinguer rapidement. Chet m’a bien plu par son cynisme détaché, Damien par son amitié fidèle, Virgile pour sa capacité à surprendre malgré sa tête candide. J’ai eu plus de mal avec Tess, insaisissable. Dans l’ensemble, ils ont tous un certain degré sympathique.
Quant au méchant, sa véritable tête n’apparaît qu’à la fin, cela permet de sauter au-dessus d’un manichéisme trop souvent ancré dans ce genre littéraire, apportant de fait son lot de surprises.
La plume opère toute la magie. Fine, élégante et efficace, elle donne du rythme tout en insufflant de la poésie à l’ensemble. Bercée par elle, j’ai adoré progresser dans cet univers, de là à regretter que l’intrigue, pourtant maigre, soit si courte.
C’est ici qu’on se rend compte du talent d’Estelle Faye, elle qui est capable d’adapter sa plume au lectorat et au sujet. Je pense notamment à ma lecture de Thya, premier tome de La Voie des Oracles, bien plus accessible et léger.
Je ne regrette aucunement de m’être plongée dans Un éclat de givre. Entre style poétique et ambiance musicale, ce one shot fait travailler nos sens cognitifs et cela fonctionne. L’univers est énormément bien décrit, les personnages sont profonds et travaillés. Mon seul regret concerne l’intrigue, un peu bancale à mon goût. Cela reste un très bon roman, une bonne lecture placée sous l’égide d’une atmosphère jazzy (l’écoute d’une musique de jazz au cours de la lecture est fortement recommandée pour une immersion totale).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire