Rosemary, jeune humaine inexpérimentée, fuit sa famille de richissimes escrocs. Elle est engagée comme greffière à bord du Voyageur, un vaisseau qui creuse des tunnels dans l’espace, où elle apprend à vivre et à travailler avec des représentants de différentes espèces de la galaxie : des reptiles, des amphibiens et, plus étranges encore, d’autres humains. La pilote, couverte d’écailles et de plumes multicolores, a choisi de se couper de ses semblables ; le médecin et cuistot occupe ses six mains à réconforter les gens pour oublier la tragédie qui a condamné son espèce à mort ; le capitaine humain, pacifiste, aime une alien dont le vaisseau approvisionne les militaires en zone de combat ; l’IA du bord hésite à se transférer dans un corps de chair et de sang…
Les tribulations du Voyageur, parti pour un trajet d’un an jusqu’à une planète lointaine, composent la tapisserie chaleureuse d’une famille unie par des liens plus fondamentaux que le sang ou les lois : l’amour sous toutes ses formes.
Pourquoi ce livre ? Repéré dès sa sortie, ayant fait un stage à la librairie L’Atalante peu de temps après, c’est finalement quatre ans plus tard au détour d’un Book Club organisé sur Livraddict que j’ai abordé cet univers dont je n’entendais que du bien. Je ne fus moi-même pas déçue !
L’Espace d’un an est un récit de vie, du space opera ulta social. Comme l’a formidablement dit un membre de la communauté L@, en un an il peut se passer beaucoup de choses. C’est exactement ce que l’on va apprendre ici.
Le titre est un rappel du fil rouge, ce fameux voyage vers une civilisation intell qui recherche des tunneliers pour créer une nouvelle voix spatiale entre deux endroits. Seulement, le voyage vers le point A dure un standard, ce qui équivaut à un an dans une unité terrestre. Plutôt que de faire le choix d’une ellipse pour concentrer son intrigue sur la création de ce tunnel, Becky Chambers a choisi de raconter le voyage jusqu’à Kédra Ka, avec une sorte d’intrigue par chapitre qui correspond grosso modo à une aventure liée à un membre spécifique de l’équipage. Pour le formuler plus clairement, un chapitre va nous apprendre énormément de choses sur le passé, les aspirations, la culture, les croyances, d’un membre du Voyageur.
D’où le qualificatif de récit de vie, ou de SF sociale. Il ne faut pas se méprendre, ce space opera ne s’ancre dans le genre que par le décor, le voyage dans l’espace et la fin plus retentissante, même si c’est très bref.
Au cours du Book Club, une majorité s’est plainte de voir trop de thématiques abordées, parfois répétées. Des notions comme la tolérance, l’entraide, l’amour sont omniprésentes, il est vrai ; toutefois je trouve que Becky Chambers trouve parfaitement les mots justes pour traiter tous ces thèmes. Même si c’est appuyé, elle n’impose pas sa vision des choses, on a encore le choix d’accepter ou non son idée. En cela je trouve que c’est bien fait.
Le féministe, la sexualité (certifié sans scène de sexe) sont également présents, mais là encore l’autrice use de doigté (mmmh) pour que ce soit bien amené. Le seul bémol à mes yeux, ce que je vais réfuter par la suite, c’est qu’on est plusieurs à avoir eu l’impression qu’elle a ressenti le besoin d’énumérer tous les amours possibles (humain homme/extraterrestre femme, humain femme/extraterrestre femme, les deux papas, l’amour entre un homme et une IA…). J’ai tout de même défendu la chose, parce que finalement cela fait un moment que les humains côtoient des extraterrestres et, déjà qu’aujourd’hui notre culture évolue, dans ce futur l’humanité a eu le temps de s’imprégner des autres cultures, de cette tolérance des espèces intell. Donc si j’ai relevé toute cette énumération de couples, cela ne m’a pas choquée non plus car l’univers de Becky Chambers est voulu ainsi.
Les personnages du Voyageur sont adorables, à une exception. Ashby est un capitaine très humain, très ouvert, qui considère que si le travail est fait, que le vaisseau est opérationnel dans les temps, son équipage est libre de ses décisions. Il reste le capitaine qui sait élever la voix dans les bons moments, qui sait être l’oreille attentive dont les gens ont besoin. J’ai adoré Kizzy, la mécano un peu fofolle, toujours prête à faire des blagues et à se tourner en dérision. L’autre mécano, Jenks, est pas mal non plus dans son genre, même si la fin devient beaucoup plus touchante (la discussion entre les deux mécano m’a d’ailleurs très émue).
J’ai adoré Sissix à l’apparence de lézard, même si c’est très péjoratif, une insulte de la décrire ainsi. Sa culture est tellement à l’opposé de la nôtre qu’elle en devient intéressante, je pense que c’est une des parties que je préfère. Et puis son caractère est à l’égal d’Ashby, son meilleur ami. Elle s’énerve, parfois à tord, mais sait être présente dans l’ensemble pour les autres, parfois au détriment de sa propre vie.
Rosemary est la plus naïve de l’équipage, par son âge et son arrivée récente sur le Voyageur. Si c’est probablement le personnage qui me restera le moins en mémoire, je l’ai tout de même défendue (sur le BC) parce qu’elle est la seule - en dehors du capitaine - à avoir perçu le mal être d’un des autres membres de l’équipage et elle a tout fait pour le faire disparaître. Donc elle peut paraître bêbête par son inexpérience mais sa présence est nécessaire pour l’écoute et l’aide qu’elle apporte aux autres.
Je pense aussi au docteur Miam, très sympa, avec des expressions et réactions faciales très amusantes bien que difficiles à interpréter, je pense à Ohan dont le chapitre qui leur est consacré évoque la croyance et ce fut vraiment intéressant, typique le sujet qui soulève des débats.
Enfin Corbin, le personnage insipide par excellence, qui a fini par me toucher au cours de son chapitre. Rien ne laissait présager ce qu’il était réellement et ce fut une “excellente” surprise. Si la fin de son passage est vite expédiée, on est témoin par la suite de l’évolution de sa personnalité, il se détache de ce qu’il est, de celui qui l’a mis au monde, pour devenir ce qu’il veut être. Emouvant, là encore.
De nombreux autres personnages ponctuent le récit au fil des chapitres, mais ce ne sont que des figurants qui composent et approfondissent l’univers, donnent corps aux planètes. Certains sont récurrents, reviennent de temps en temps, mais ce n’est pas le cas de la majorité.
Le style d’écriture, la plume qui a traduit le roman, est en parfaite harmonie avec l’univers. Douce, fluide, pas forcément poétique mais elle possède ce petit quelque chose qui m’a tout de suite accrochée. C’est entraînant sans être dans une volonté de divertissement pur, en accord avec les thèmes soulevés. En tout cas, il est facile de se perdre une heure dans ce bouquin sans voir le temps défiler, tellement c’est bien écrit.
Un petit coup de cœur pour ce space opera léger, axé sur la sociabilité des membres de l’équipage que sur une réelle intrigue. Les puristes ressortiront peut-être déçus de ce scénario, de mon côté j’ai été emportée par cette originalité où la culture des uns, la personnalité et les envies des autres sont le centre de l’intrigue. Il y a un fil rouge, discret, et une réelle fin, qui m’a touchée plus que je ne m’y étais préparée. L’équipage du Voyageur me manquera énormément et je le relirai à coup sûr. En attendant, il me faut la suite !
19/20
Les autres titres de la saga :
1. L'Espace d'un an
2. Libration
3. Archives de l'Exode
- saga en cours -
1. L'Espace d'un an
2. Libration
3. Archives de l'Exode
- saga en cours -
C'est marrant je viens justement de voir une autre chronique sur le même livre, et comme je disais il ne m'attirait pas spécialement au départ mais tous ces avis positifs c'est intrigant.
RépondreSupprimerIl a été choisi pour le Book Club de Livraddict, peut-être pour ça que tu le voies "partout". En tout cas je suis à peu près certaine que tu apprécieras ce premier tome donc je ne peux que te conseiller de foncer !
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