Partout les formes obscènes montent
de la terre, jaillissent en désordre dans le firmament qui se satanise ; les
nuages se gonflent en mamelons, se fendent en croupes, s'arrondissent en des
outres fécondes, se dispersent en des traînées épandues de laite ; ils
s'accordent avec la bombance sombre de la futaie où ce ne sont plus qu'images
de cuisses géantes ou naines, que triangles féminins, que grands V, que bouches
de Sodome, que cicatrices qui s'ébrasent, qu'issues humides !... et il voudrait
bafouiller dans de la chair de déesse, il voudrait trucider la Dryade, la
violer à une place inconnue aux folies de l'homme ! "
Mon
avis :
Lu dans le cadre de mes cours, je ne
savais pas du tout à quoi m’attendre de cette œuvre à moitié en perdition
(avouons qu’il n’est lu que pas les universitaires !), hormis ce que
laissait entendre le résumé.
Le premier chapitre m’a laissée très
perplexe. Huysmans pose au travers de son protagoniste Durtal les prémices de
son intrigue, en implantant un décor à la fois neutre et sombre. Les premières
critiques, qu’elles soient portées sur la société en général ou plus
précisément les dogmes, ne tardent pas non plus à apparaître, si bien que le
lecteur comprend rapidement dans quel livre il a atterri.
En quelque sorte, le livre se
décompose en deux parties. D’abord, on découvre le fil de narration en
lui-même, avec les diverses rencontres de Durtal et ses recherches quant au
culte satanique de son époque. C’est en parti dans ces passages là que se
dressent les satires de l’auteur. Or, pour que ces dernières soient plus
percutantes, au travers du protagoniste nous seront rapportés des anecdotes
historiques concernant le célèbre Gilles de Rais qui, après avoir soutenu
Jeanne d’Arc dans ses diverses entreprises chrétiennes, aurait mal tourné et
aurait perpétré des crimes impitoyables sur les enfants du Grand Ouest de la
France. L’auteur nous offre donc une comparaison entre les pratiques d’une
époque reculée et celles de son époque actuelle.
La fin prend alors toute son
importance. Alors que Durtal accomplit son vœu le plus cher par l’entremise
d’une bonne femme, l’horreur des rites va se révéler à lui, si bien qu’un
possible penchant pour une quelconque foi bienfaitrice peut commencer à
l’attirer.
Là encore, les personnages ne sont
pas dessinés pour plaire.
Le protagoniste Durtal nous est dépeint comme un
manipulateur changeant, qui n’aime pas les femmes depuis toujours jusqu’à ce
qu’il rencontre Mme Chantevoue. Au début amoureux, il utilisera finalement la
passion pour parvenir à ses fins, apparaissant ainsi et aussi comme un pécheur
sans morale.
A l’instar de lui Mme Chantevoue incarne la figure de
la tentation, l’éternelle Eve qui eut la curiosité de goûter au fruit de la
connaissance, car c’est grâce à elle que Durtal accède aux réponses à ses
interrogations. Ainsi on découvre les gros traits caractérisant le catholicisme
dans les personnages en eux-mêmes.
En parallèle, les pas de Durtal nous mènent chez les
Carhaix, un couple de gens dont le mari s’occupe de faire sonner les cloches.
Ces rencontres et ces repas sont prétextes à discuter de la religion, à mettre
en place cette satire des dogmes, mais également de préciser les contours de
leur bienfait selon les Carhaix. Ainsi je n’ai pas l’impression que l’auteur
imposait sa vision des choses mais soumettait des arguments afin de susciter
une réflexion et un débat chez son lecteur.
Je ne pense pas que le style d’écriture soit celui qui
attise le plus le plaisir des lecteurs. Avec un penchant assez lourd, notamment
à cause du surplus de détails insérés dans les phrases par des virgules, ce qui
coupe le rythme de lecture, la plume m’a fait penser à celle de Marcel Proust,
même si elle reste bien plus accessible dans Là-bas ! Personnellement, j’adore ce style lourd, je pense que
c’est celui qui me correspond le mieux. En revanche, les amoureux d’une plume
fluide ne trouveront pas là leur bonheur…
Quand j’eus fini le livre, je me suis demandée quelle
place avec cette œuvre dans la littérature de l’époque. Si on se replace dans
le contexte, la religion occupe toujours une position importante dans les mœurs.
Or ici il ne fait que la dénigrer (du moins au premier abord car j’avoue ne pas
avoir approfondi la lecture dans des interprétations sans queue ni tête !).
Donc était-il accepté ou n’est-il que par une infime partie de la populace ?
Si on réfléchit selon la pensée de nos jours et que l’on
compare avec les lectures qui nous parviennent de cette époque, Là-bas est tout à fait original même s’il
n’est pas unique non plus. Le sujet est tout à fait traité de manière
innovante, avec pour but de faire réfléchir le lecteur sans imposer un point de
vue quelconque. Je pense que la force du livre réside en cela, et j’ai grandement
apprécié.
En
conclusion, un livre innovant tant
par la forme que par le contenu, avec des personnages atypiques et pas très
attachants mais non pas moins intéressants. Le thème traité qu’est le satanisme
est assez difficile, surtout à l’époque, mais la manière qu’à l’auteur de
raconter par l’intermédiaire de l’histoire de Gilles de Rais a permis d’attiser
la curiosité du lecteur. Une très belle surprise que je ne regrette pas d’avoir
découvert.
Je ne connaissais pas du tout ce livre, et je connais à peine Huysmans, mais tu me donnes envie de le lire. Merci :)
RépondreSupprimerC'est une oeuvre classique très peu connu mais je te la conseille si tu as l'occasion de la lire, en espérant qu'elle te plaira autant que moi ! :)
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