26 sept. 2019

Testament, tome 3 - Humain.e.s, trop humain.e.s




Je m'appelle Agnès Cleyre et je suis une sorcière. Une vraie cette fois. Ignorée durant toute mon existence par mes consœurs, voilà que la Grande Mère a enfin décidé de m'intégrer dans un convent. Mais pas le temps de m'interroger sur cet étrange revirement de situation. Au même moment, tous les vampires du Cénacle Majeur viennent de périr dans un mystérieux attentat, laissant à l'étude notariale de mon oncle la délicate question de la succession à régler et la garde d'un étrange coffre qui attire bien des convoitises. Serait-ce à cause de lui d'ailleurs qu'une pieuvre géante de l'espace s'est mise en tête de nous rayer de la surface de la Terre ?



Un grand merci aux éditions ActuSF pour ce partenariat mordant !

Pourquoi ce livre ? Les deux premiers tomes comme le spin-off sur un des personnages avaient été d’excellentes lectures. Alors quand ActuSF m’a proposé ce titre en partenariat, je n’ai pas hésité une seule seconde !

Humain.e.s, trop humain.e.s va faire valdinguer tout ce qu’on a vu dans les tomes précédents. Tout commence mal, alors qu’un bâtiment réputé de Paris s’effondre à cause de Navarre et Agnès. Puis, tout bascule davantage alors que cette dernière est convoquée par un convent de sorcières. Que souhaitent ces dernières alors qu’elles ont toujours craché sur la jeune femme ? Un chaton noir, deux jeunes sorcières dotées d’une chouette et d’un serpent, voilà le nouveau trio sorti tout droit de l’imagination de l’autrice pour rendre l’intrigue plus explosive.

Explosif, c’est bien le seul adjectif qui décrit au mieux tout ce qui déambule dans le bureau de Gérard. Sur deux pattes, quatre voire même des tentacules, chaque apparition compte dans la résolution finale. Comme quoi, malgré les dessous frivoles du style et de l’intrigue, Jeanne A.Débats maîtrise de A à Z ses personnages.

Le revirement final m’a totalement laissé sur le cul - vous me pardonnerez l’expression, mais après tout c’est celle qui retranscrit au mieux ce que j’ai lu. Si je m’attendais à quelque chose d’énorme pour clore dignement cette saga, je ne pensais pas que l’autrice s’amuserait à changer du tout au tout ses personnages et leur background. Je ne peux en dire plus, mais j’ai sincèrement beaucoup aimé, d’autant plus que c’était cohérent et maîtrisé, c’est tombé sur le fil au bon moment, bref, je me suis régalée !

Du rythme, de l’humour, du mordant et des surprises, j’ai retrouvé avec plaisir tout ce qui faisait de cette saga une des meilleurs du moment. J’ai adoré les échanges entre les personnages qu’on finit par bien connaître.

J’avoue même avoir eu cette impression de retrouver comme une seconde famille, sentiment que je n’avais pas ressenti depuis longtemps dans mes lectures. Entre une Agnès toujours aussi perdue et déprimée, par conséquent sarcastique, un Navarre absent mais présent à la fois, Zalia prend une place un peu plus importante dans la vie de cette bande, assurant que la barque de continue de flotter. Gérard est lui-même mis en retrait, restant ainsi le même, distant et professionnel.
Les deux sorcières venant former le trio avec Agnès ne m'ont fait ni chaud ni froid. Si leur présence entraîne quelques scènes cocasses bienvenues et son lot d'émotions, je dois dire que je ne retiendrai pas grand chose d'elles, arrivant sur le tard.
Les créatures féériques vont défiler dans le bureau, si bien qu’on va enfin avoir droit à voir un peu de diversité, j’entends par là autre chose que des garous et des vampires, même s’ils feront bien entendu partie du lot apocalyptique.
Comme toujours, le méchant n’est pas clairement défini comme tel, il ou ils apparaissent toujours dans des nuances grises rafaîchissantes.
Enfin, j’ai une pensée particulière à Thomas. Sa présence passe dans la plupart des cas par un intermédiaire, hors ici il apparaît en chair et en os dans un moment des plus primordiaux dans la résolution de l’intrigue. Je dirais même que sa nature est enfin exploitée, ce qui permet de le faire gagner en intérêt. Beh oui le pauvre, fallait bien lui laisser un peu de place dans cette chronique !

La plume est, comme signalé plus tôt, addictive et en total roue libre. Agnès et Navarre ont atteint le paroxysme du sarcasme. Seulement, la sorcière est clairement la voix narratrice de l’ouvrage, de fait le sarcasme transparaît souvent, tout comme l’humour noir. Loin d’alourdir l’intrigue, j’ai trouvé que cela conférait de l’énergie et du rythme à l’ensemble, et c’est sûrement pour cette raison que je l’ai dégommé en quelques jours seulement (malgré un emploi du temps chargé).

Alors pour quelles raisons n’est-ce pas un coup de cœur ? En vérité, il n’y en a qu’une seule… Jeanne A. Débats, pour ceux qui connaissent ce qu’elle a écrit, a toujours eu un discours engagé dans divers domaines. Ici, comme le laisse entendre sans équivoque le titre du tome, l’autrice développe sa pensée sur l’égalité des sexes et le féminisme en général. À sa sortie en grand format, j’ai craint que tout le livre soit rédigé avec l’écriture inclusive de façon abusive, genre cinq manifestations par page. J’ai été heureuse de constater qu’elle s’en est tenue à quelque chose de discret afin de ne pas alourdir la lecture - ce qui montre bien que l’inclusif est d’une lourdeur sans fin…
En revanche, son propos est quant à lui trop mis en avant. J’entends par là que Gérard est par moment jugé par Agnès et Navarre par son conservatisme. Il est vieux, genre il a connu le XXIe siècle donc quand je dis “vieux”, je pèse le mot (limite une antiquité !). Je trouve cela normal qu’il ne soit pas à la page ou qu’il soit frigide à certaines innovations sociales. Ce premier point m’a donc gênée mais ce n’est pas le pire.
Maintenant, j’ai surtout soupiré, grogné et détesté les apartés dans la narration où Jeanne A. Débats confirme sa pensée. J’ai trouvé cela inutile et grossier vis-à-vis du lecteur : d’une part on comprend sans ces apartés sur quelle position elle campe, je trouve donc que c’est prendre le lecteur pour un débile que d’en rajouter une couche, au lieu d’être restée dans un certain degré d’implicite ; d’autre part, j’ai trouvé que cela tranchait trop avec l’intrigue narrative de toute la saga pour apprécier le rendu final.
Enfin, elle impose bien trop son opinion, allant jusqu’à juger - dans la narration toujours - ceux qui ne partageraient pas son avis. Je vous assure que certains mots, certaines formulations, forcément travaillées et par conséquent pesées, rabaissent les femmes qui pensent au bien-être des hommes à une époque où la femme est clairement bien plus mise en avant. Pour quelqu’un comme moi qui refuse de m’engager dans cette cause par conviction personnelle (et d’un peu de je-m’en-foutiste aussi), pour quelqu’un comme moi qui refuse d’imposer ma vision et donc d’en parler ouvertement sur mon blog (comme tout autre sujet à polémique, je le souligne volontiers), j’ai été choquée et me suis sentie personnellement atteinte par les remarques inscrites dans la narration.
Voilà, pour toutes ces raisons, je n’ai mis que 16, ce qui est déjà une très bonne note en soi, mais il aurait été un sacré coup de cœur, sans tous ces constats désagréables…



Pour commencer par le pire, j’ai été déçue que ce livre soit la parole de l’autrice plus que de la narratrice. Agnès n’a jamais eu la voix d’une fille engagée, et certaines phrases ne sont clairement pas issues de son discours mais de la marionnettiste, ce qui m’a troublée dans le sens gênée à quelques reprises. En dehors de cela, j’ai adoré retrouvé la bande à Navarre, avec ses personnages haut en couleurs et caractériels. La plume est aussi explosive que la fin et a toujours ce petit goût de reviens-y. Pas de bol, c’est le dernier opus, et je reconnais que cela me manquera. Excellente saga française d’urban fantasy, constante de bout en bout.



16/20




Les autres titres de la saga :
Hors série. Métaphysique du vampire
1. L'Héritière
2. Alouettes
3. Humain.e.s, trop humain.e.s
- saga terminée -


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