Une trace, un indice, une marque... Nous laissons tous une trace de nos passages, de ce que nous sommes, de ce que nous vivons. Nous sommes le fruit d'autres traces avant les nôtres. Autour de cette thématique, 13 auteurs et autrices nous proposent textes et récits sur les traces de l'histoire, des sciences, de nos sociétés, et des traces que nous portons en nous...
Pourquoi ce livre ? Devenu un festival incontournable pour mon compagnon et moi-même, un passage obligatoire fin octobre, cette année 2020 aura bouleversé bien des habitudes mais pas celle de se procurer le recueil officiel. Un an plus tard, il est temps de se le farcir !
J’ai adoré la préface mais, ayant lu la postface du même auteur dans Par-delà l’horizon récemment, je ne suis pas surprise d’avoir été embarquée aussi facilement. Ariel Kyrou a une manière bien à lui de partir d’une œuvre pour développer son idée, de croiser les références pour en extirper toute leur saveur, toute leur portée. Le thème général, Traces, est décortiqué, tous les possibles, tous les sens sont vaguement énumérés.
Le seul bémol noté concerne son entrée en matière, citant Les Furtifs d’Alain Damasio - un quasi coup de cœur pour moi. Ce n’est pas tant la référence qui me titille mais le fait que l’essayiste en dévoile beaucoup trop sur le début du roman. En attendant, Ariel Kyrou nous fait une belle entrée en matière, j’ai maintenant hâte de lire la suite !
Adélaïde Legrand du Pôle ludique aux Utopiales fait le point sur les “traces” dans le jeu. C’est intéressant car elle ne se cantonne pas aux jeux de sociétés ou vidéos, elle ne se cantonne pas aux jeux en occidents mais multiplie les contextes et les ouvertures, évoquant le jeu en entreprise (avec la méthode agile), dans les formations (à l’armée ou à l’école), etc. Sans être enrichissant - je connaissais la plupart des points évoqués - j’ai trouvé la présence de cet essai pertinente car le thème s’y prête bien. Je suis curieuse de savoir si l’éditeur a réitéré la proposition pour l’année 2021 avec un thème différent : “Transformations”.
La surprise passée de découvrir autant de textes de non-fiction dans ce recueil, j’ai grandement apprécié la réflexion de Caroline de Benedetti (notamment co-directrice de collection à L’Atalante) autour de la frontière des genres. Partant du polar, genre qu’elle maîtrise apparemment à la perfection, l’autrice retrace la naissance du genre jusqu’à la croisée avec l’imaginaire, genre qui apparaît au départ timidement puis avec toujours plus d’ampleur dans d’autres genres, comme la littérature blanche. Comme elle le souligne si bien, les éditeurs non-concernés sont toujours frileux de parler de science-fiction ou de fantasy, pourtant l’imaginaire laisse souvent une trace dans les publications, tous genres confondus.
Bien que je l’ai finalement peu lu, Lionel Davoust est un auteur que j’adore et que je prends plaisir à suivre, que ce soit sur son site ou dans ses déplacements aux différents événements, notamment parce qu’il est très accessible, très drôle, avec des idées tout aussi intéressantes. En plongeant dans Une forme de démence, je n’ai pas boudé mon plaisir - ce n’est pas une nouvelle inédite, mais j’ai eu la chance de la découvrir dans ce recueil (et si ça n’avait pas été le cas, j’aurais pris plaisir à la relire). C’est un concentré d’idées, de l’hommage à un auteur de renom en fantasy au statut de l’auteur, à la pression subie par ces artistes, aux rêves touchés du bout du doigt. Le discours d’adieu de Prior m’a énormément émue malgré sa brièveté, insistant sur ce besoin de partager cet univers avec un public, cette envie de vivre une autre vie, de penser et d’espérer un autre univers ensemble. J’ai eu le sentiment que le narrateur/l’auteur a mis le doigt sur la raison pour laquelle j’aime autant la fantasy. Petit plus mais pas des moindres, le décor, bien qu’ayant une présence très discrète, plante parfaitement le décor et sert parfaitement la fin ! Bref, coup de cœur pour cette nouvelle. (20/20)
Je connais Morgan of Glencoe de nom, je sais qu’elle est éditée chez ActuSF et qu’elle est très sollicitée pour les événements. Pourtant son univers en deux tomes ne m’attire pas forcément. J’ai beaucoup aimé le début de La Piste des oiseaux. Ce qu’on apprend de ce monde post-apocalyptique est intéressant et le lien tissé entre les différents personnages m’a conquise. Je me suis d’ailleurs attachée à chacun d’eux. En revanche la fin m’a un peu déçue, on tombe dans le travers facile de la dystopie où un groupe veut s’emparer du savoir et par extension du pouvoir. Ça a servi un propos politique qui n’avait pas tant besoin d’étalage dans le discours de Crow. Par contre j’ai beaucoup aimé le traitement de la “trace” et la plume de l’autrice ! (15/20)
Comme précédemment, je n’ai qu’entendu parler de Thomas C. Durand. Le Premier Chapeau m’a fait l’effet d’un monde bordélique à la Pratchett. Le style d’écriture est très vivant, foisonnant, à l’image d’un magasin de tissus - ou de chapeaux. Le vocabulaire est plutôt soutenu et recherché, c’est vraiment agréable à lire. Je ne fus pourtant pas emportée par le contenu en lui-même, que j’ai trouvé très farfelu. Si cela passe à peu près bien en nouvelle, je ne pense pas être capable de lire la même chose au format roman. Cela reste une bonne découverte mais qui ne laissera pas un goût impérissable. (13/20)
Ce n'est pas la première nouvelle que je découvre de Sara Doke, pourtant avant de me lancer j'étais bien incapable de déterminer si j'avais aimé ou non ses autres productions. The Agony in the Ecstasy m'a beaucoup émue. C'est composé dans un style très lourd, haché, avec énormément de répétitions ce qu'habituellement je déteste. Ici, ça participe à cette ambiance particulière où les sens sont omniprésents. J'ai eu du mal à imaginer le décor en dehors de la première scène en concert mais je n'ai pas souffert du manque d'émotions. C'est très bien écrit, il se dégage réellement quelque chose de ce récit. Le point négatif porte sur l'absence d'intensité, si bien que je ne pense pas conserver un souvenir impérissable de cette œuvre. (14/20)
Je n’avais jamais vu le nom de Nicolas Martin en dehors d’un recueil des Utopiales. Le Cruciverbiste, paru pour l’édition 2019, m’a laissé un bon souvenir. La Mémoire de l’Univers est selon moi encore meilleure, bien que très différente. Je me suis énormément attachée aux personnages, ce qui avec le recul est étonnant car ce n’est clairement pas le but du récit. Le narrateur relate son histoire, leurs expériences, par le biais d’une sorte de compte rendu scientifique plus qu’un journal intime. Sans nous livrer ses émotions ou sa pensée intime, sa manière d’expliquer les étapes de leur découverte nous implique directement. Outre les personnages, l’intrigue en elle-même est intéressante. Alourdie de quelques termes scientifiques pour mieux ancrer le texte dans l’érudition et la cohérence, c’est une quête vers l’origine que l’on découvre au même titre que les scientifiques, avec appréhension et bonheur mêlés. La fin est pile comme il fallait, une incohérence liée à La découverte majeure, le secret de l’univers. Et la dernière ligne laisse entendre une fin plus ou moins ouverte, selon les considérations de chacun. Pour moi, c’est une très mauvaise nouvelle, qui clôt pourtant à la perfection ce récit. (18/20)
Ïan Larue est pour moi inconnue au bataillon mais je ne peux pas dire que sa nouvelle Sommes-nous pieuvres ou vampires ? m’ait donné envie de la découvrir… au bout d’une vingtaine de pages (sur soixante), je n’avais tout simplement plus l’envie de poursuivre, empêtrée dans le relation du narrateur avec son ex. On sent que c’est une introduction pour un objectif plus grand, des préliminaires avant une réflexion plus approfondie en quelques sortes mais on s’attarde trop sur les messages vocaux et les explications. Ca s’est donc soldé par un abandon. (06/20)
J’ai le même ressenti pour Christophe Dougnac, que je ne connaissais pas au préalable, et sa nouvelle T.H.R.A.C.E.S.. Autant le thème du recueil est clairement identifiable, autant j’ai eu du mal à m’immerger dans cette science-fiction entre rêves, réalité et cauchemars. C’est très basé sur le ressenti. Sauf que les personnages ne m’ont pas du tout transportée si bien que j’ai eu le sentiment d’être une étrangère. Ce n’est pas foncièrement mauvais, je pense simplement ne pas avoir été le public cible… (10/20)
Joëlle Wintrebert m’a fait un très bon premier effet avec sa nouvelle Te retrouver. Une fois de plus, j’ai apposé son intrigue à un épisode de Black Mirrors qui m’avait énormément marquée. Plusieurs thèmes sont évoqués ici, des notions puissantes et crescendo, dévastatrices. La maladie est au cœur de l’intrigue, et comment les proches réagissent.Bien sûr, cela va au-delà de ça, l’autrice nous offrant une réflexion sur la place de la technologie dans nos vies, comment celle-ci peut nous aider et nous supplanter. Amour, jalousie, égoïsme, tant d’émotions fortes qui nous bouleversent. (15/20)
Première découverte de Baptiste Beaulieu, médecin et auteur que je ne connaissais pas. Son texte Les 5 marques m'a bien plu et rentre dans le thème sans détour, avec une vérité sur ce qui définit la vie. Au final, le seul moment où ça a coincé concerne la divergence de point de vue entre art et sciences, où la voix de l'auteur se fait un peu trop présente. Autrement c'est une bonne expérience, à peine amoindrie par l'emploi de l'imparfait. (16/20)
Le recueil se termine en beauté avec un texte de Claude Ecken, que je connais uniquement pour ses précédentes participations à la collection des Utopiales. Considérée comme une novella plus qu’une nouvelle, La Présence est un texte remarquable qui allie plusieurs domaines, plusieurs temporalités. Je me suis très vite attachée à ce militaire retraité qui a accepté ses erreurs tout en cherchant à les réparer, à tout le moins progresser. La fin m’a fait l’effet d’un grand vide, j’aurais voulu en savoir plus ! (17/20)
Un bon recueil, même si l’intérêt et la sensibilité des textes sont inégaux. Toutefois on retrouve des nouvelles marquantes, puissantes, originales. Surprise au départ par la présence d’essais en guise d’ouverture, l’ensemble se cimente plutôt bien. Le thème “Trace” a été largement balayé dans son sens, on s’est retrouvé avec énormément de diversité dans son traitement. Bref, je relirai sûrement ce recueil dans quelques années avec un plaisir certain !
15/20
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