4 avr. 2022

Kabu Kabu




Au bord d'un pipe-line, une jeune femme joue de la guitare pour un zombie d'un genre particulier. Dans un village nigérian, deux soeurs investissent une maison que leurs parents ont fait construire mais qui, curieusement, n'est pas meublée. Au lieu de l'amener à l'aéroport, un chauffeur de kabu kabu, ces taxis clandestins qui hantent les rues de Lagos, emmène sa cliente au coeur des légendes africaines. Sur la côte de Calabar au début du vingtième siècle ou sur l'étrange planète Ginen, Arro-yo est une coureuse de vents, obligée de se battre pour exister malgré sa chevelure qui la désigne aux autres comme maudite.



Pourquoi ce livre ? Depuis la découverte magique de Qui a peur de la mort ? de la même autrice, c’est comme l’introduit Whoopi Goldberg dans l’avant-propos : j’ai envie de lire toute la production de Nnedi Okorafor ! Je poursuis donc mon périple dans sa bibliographie avec ce recueil de nouvelles.

Comme d’habitude depuis quelques années, je vais essayer de vous retranscrire mon ressenti nouvelle par nouvelle.

On commence avec légèreté avec Le Nègre magique. Si je n’ai pas du tout compris le but de cette nouvelle, s'il y a une morale ou non, j’avoue avoir beaucoup souri, voire ri, devant tant de vulgarité et de référence en… six pages ! Elle ne me laissera aucun souvenir malheureusement mais elle aura bien diverti ! (13/20)

Kabu Kabu est bien plus marquant, même si je déplore avoir deviné la fin dès que Ngozi, l'héroïne, vit l'étrange taxi. Toutefois le voyage compte davantage que l'arrivée, avec des rencontres hasardeuses, étranges. Et ce sentiment de planer qui ne nous lâche pas. Rien d'original dans cette nouvelle mais j'ai adoré l'arpenter. (15/20)

J'ai beaucoup aimé La Tache noire, qui rappelle certains termes, certains aspects de Qui a peur de la mort ? avec bien plus de violence. C'est une lecture choquante, en raison d'une foi jugée barbare. Si tout cela est vrai, alors même leur déesse Ani est violente, à cause du fléau qu'elle envoie et à cause du racisme dont elle fait preuve. C'est une lecture révoltante et marquante. (15/20)

Je ressors totalement dubitative au sujet de Tumaki. Autant j'ai aimé le vent de la révolte qui enfle, autant toute la partie sentiment entre les deux personnages m'a laissée indifférente. La nouvelle dégage néanmoins un message fort, condamnant la bêtise humaine et l'intolérance des communautés pourtant voisines. (13/20)

Comment Inyang obtint ses ailes bouleverse nos valeurs. J'ai été horrifiée par le traitement subi par la jeune fille, alors même que celle-ci tente de s'émanciper. C'est une nouvelle ni sombre ni glauque, seulement le reflet d'une société, ou plutôt des communautés minoritaires, qui ne parvient pas à évoluer, qui reste ancrée dans ses traditions. C'est un récit qui fait réfléchir. (16/20)

Je me suis un peu ennuyée sur Les Vents de l'Harmattan. Je n'ai rien contre la nouvelle en elle-même mais elle reprend le cadre de la précédente, avec le sentiment qu'on suit une intrigue parallèle. Un peu déçue donc… (11/20)

J'ai ressenti un petit coup de cœur pour Les Coureurs de vent. C'est un texte puissant, avec l'émotion au cœur du récit. De l'amour à la haine il n'y a qu'un pas et cette nouvelle met parfaitement en scène ce dicton, éprouvant les limites de ces deux âmes sœurs que tout attire et tout oppose. Je ne m'attendais pas à une fin si brutale, mais cela va dans le sens de l'idée. Magnifique. (19/20)

Passé la surprise de retrouver Arro-yo, qu'on découvre dans la nouvelle précédente, j'ai savouré les descriptions de cette humanité qui se déchire dans les multiples guerres, chair à canon impossible à différencier, tant dans les couleurs de la patrie que dans les valeurs qu'ils défendent. Biafra nous plonge ainsi dans les luttes africaines et apporte le frisson - de la révolte ou du dégoût, à vous de juger. (16/20)

La Maison des difformités est un hommage à Stephen King ou encore Clive Barker. Contente de retrouver Ngozi, j'ai assez vite été agacée par les moqueries adressées à sa soeur, parce que celle-ci lit beaucoup, et des romans qui lui font peur. La fin fut pour moi un beau revirement, on sent qu'elle apprend de ses erreurs et souhaite faire amende honorable, même si elle reste plus ou moins hautaine. J'ai bien aimé même si j'ai trouvé le texte un peu long. (14/20)

Le Tapis est un peu dans la même ambiance que la précédente nouvelle. A glacer le sang, on suit deux sœurs en voyage dans leur Nigeria natale. J'ai bien plus aimé la touche de frisson que pour La Maison des difformités. Ça manque évidemment de surprise sur la cause des "gratte gratte" sur le plancher nu, j'ai quand même ressenti des frissons lors de leur découverte macabre. Une très bonne ambiance, avec de bons personnages. (15/20)

J'ai moyennement aimé Sur la route. Pourtant l'ambiance est parfaite, sombre sans être angoissante, avec un personnage féminin fort, plutôt indépendant. De plus la culture du pays est bien présente et m'a régalée. Mais voilà, j'ai trouvé que la fin manquait de surprise et le rythme est un peu long. Une lecture sympa mais vite oubliée (11/20)

Je n'ai pas tellement apprécié Icône. Déjà j'ai eu du mal à déterminer si c'est vraiment ainsi au Nigeria. De plus, j'ai eu du mal à comprendre pourquoi ces Américains voulaient absolument rencontrer ces rebelles. D'accord, certains reporters cheminent au coeur du danger et recherchent ça, par amour du frisson et pour la quête de la vérité. Mais là… j'ai eu du mal. Seule chose qui me restera en tête, l'état de Souffre-Douleur à la fin, un joli mystère qui restera non-resolu. (12/20)

Popular mechanic rappelle les paradoxes des pays africains, riches de matières mais pauvres en développement puisque les gouvernements décident de tour exporter pour s'enrichir. La relation père-fille est bien développée, même si je n'ai pas réussi à m'attacher aux personnages. Une bonne nouvelle, qui manque peut-être d'originalité. (13/20)

L'Artiste araignée aurait dû être un coup de cœur mais j'ai trouvé la fin un peu plate. Sur fond de violence conjugale, l'autrice reprend le sujet des pipelines et crée une relation entre l'homme et la machine. Beaucoup d'émotions, qui retombent malheureusement comme un soufflet. J'aurai souhaité quelque chose de plus fort étant donné cette relation unique. Cela reste une très bonne nouvelle! (17/20)

Bakasi m'a laissée plus indifférente, bien que j'aie conscience que c'est là une grosse partie de l'Histoire du Nigéria, et de l'Afrique de manière générale. C'est de la révolte à l'état pur, de l'arrivée du dictateur au soulèvement de ceux qui osent se salir les mains. C'est poignant et violent. (15/20)

À l'inverse de L'Artiste araignée, Séparés ne devait pas être un coup de cœur, le début ne me plaisant pas forcément. Je ne suis pas très portée sur la romance, même dans les récits où ce n'est pas le thème central. Je me suis laissée surprendre par cet étrange duo, puis par cette nouvelle qui vient bouleverser leur bulle. L'émotion est très bien décrite et m'a scotchée au bouquin. La fin m'a fait craindre le pire mais finalement je n'aurai pu rêver mieux. Bref, j'ai adoré ! (17/20)

Étant donné le titre, je ne m’attendais pas du tout à ça pour La Guerre des babouins. Trois filles contre une armée de singes, on peut dire qu’il faut de la témérité et un soupçon de folie pour leur tenir tête jour après jour sur le chemin de l’école, jusqu’à risquer le déjeuner (impensable !). Autant le développement m’a bien amusée, autant la fin m’a surprise et je ne saurai dire si c’est agréablement ou non… (13/20)

Je suis toujours frustrée quand je passe totalement à côté d'une lecture d'un auteur que j'aime. C'est le cas avec L'Affreux oiseau. Pourtant le personnage est sympa et la réussite de sa quête est belle, avec énormément d'émotions. Mais voilà, malgré les huit pages que comptent la nouvelle, je me suis ennuyée, j'ai senti que je n'ai pas totalement accroché. (09/20)

Idem pour Le Bandit des palmiers, sauf que là je ne peux pas affirmer que le sujet m'ait passionnée. Je me suis ennuyée tout du long, avec le sentiment de ne rien apprendre sur l'Afrique et son imaginaire… (07/20)

J'ai bien plus apprécié L'Homme au Long Juju. Ce dernier en tant que personnage est assez spécial et je ne peux pas dire que je me sois attachée aux protagonistes mais j'ai ressenti un petit frisson pour ce récit bien sympathique après deux déconvenues. (13/20)

Une fois encore je me suis ennuyée sur Zula, de la cour de récré de quatrième. Autant le regard sur le racisme est important, autant le cadre et les personnages ne m'ont pas forcément convenu. (10/20)

Sur le même sujet, j'ai bien plus apprécié La Fille qui court, avec le rêve américain qui prône le racisme. Pas d'imaginaire ici, juste la force d'enfants qui tentent de grandir en faisant fi des remarques acerbes des camarades et des professeurs. Glaçant. (14/20)



Un peu déçue par la fin du recueil, je terminerai sur une note surtout négative alors que l'ouvrage contient de jolies perles. Je pense préférer de manière générale les romans aux nouvelles de l'autrice, car on s'attache plus facilement et elle a tout son temps pour développer son imaginaire. Ce recueil est néanmoins une bonne porte d'entrée pour qui souhaiterait se frotter à l'imaginaire africain.



14/20




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