21 févr. 2024

Utopiales 2013




14 nouvelles, 14 univers qui se télescopent.
Et si les nuages possédaient une forme d’intelligence ? Que faire lorsqu’on découvre un satellite artificiel qui a la texture d’une grosse grenade ? Comment agir lorsque l’on est un vampire en mission dans l’espace ?
L’anthologie officielle des Utopiales 2013 réunit, cette année encore, auteurs étrangers et francophones, pour défricher les possibles et explorer le futur. Pour être, en somme, au cœur même de notre vocation : la science-fiction.



Pourquoi ce livre ? Cela fait quelques années maintenant que je suis tombée dans la marmite des recueils de nouvelles. Appréciant le format court pour ce qu'il apporte en impact, c'est une habitude dans notre couple d’acheter les anthologies des Utopiales. Et on n’a pas pu résister à obtenir ce millésime quand ils l’ont à nouveau proposé à la vente sur le stand officiel, quelques années plus tard.

Pour vous faire un aveu, j'ai lu la première nouvelle avant de m'intéresser au thème de l’année 2013. Ce fut une chouette expérience car je me suis interrogée à plusieurs reprises sur ce qui pouvait amener à produire un tel récit. Et j’aurais pu pousser le jeu jusqu'à lire l’ensemble du recueil avant de me renseigner sur le thème qui le cimente. Mais la curiosité est un vilain défaut et je n'ai pas su me réfréner. Le thème est donc “autres mondes”.

Dougal désincarné de William Gibson ouvre le bal. Et j’ai franchement eu du mal avec ce texte. Le style manque clairement d'âme, à un point où c’est avec une politesse timide que j’ai suivi cette relation très étrange entre le narrateur et le désincarné. Une certaine gêne s’est installée vis-à-vis de Dougal, lui qui est dépendant des autres pour pouvoir faire des activités, pour pouvoir vivre. Je me réconforte à l’idée que l’intrigue est originale, étant donné le thème. (12/20)

Je ne connais pas du tout Jean-Louis Trudel et il semblerait que ce soit normal puisque sa petite présentation le présente comme un auteur international reconnu de l’autre côté de l’Atlantique. Auteur jeunesse et grand nouvelliste, c’est effectivement ce que j’ai ressenti avec son texte, Trois relations de la fin de l'écrivain. C’est une nouvelle sans prétention, qui évoque les affres d’un auteur qui n’a plus rien à écrire parce qu’il n’y a plus de lecteur. La technologie a supplanté l’art des mots. Au-delà de ça, l’auteur parvient avec brio a ajouté un autre sujet majeur sur notre société, la manière dont on produit et exploite, la façon de consommer. J’ai trouvé l’ensemble percutant, avec un petit d'émotion sur la fin, un exploit étant donné que la nouvelle compte une douzaine de pages. Bref, j'ai beaucoup aimé et j’ai en tête de me pencher sur d’autres nouvelles de l’auteur. (17/20)

Enfin un auteur que je connais ! Andreas Eschbach est en plus un auteur que j'apprécie particulièrement pour la poésie qui se dégage de ses œuvres. J’ai beaucoup aimé Les Fleurs de ma mère. C'est très simple, très doux, avec un regard sur la différence de l’autre et le besoin de bien faire. L'échec est douloureux, d’autant plus quand ce n’est pas de sa faute. J’ai éprouvé de la compassion pour ce personnage torturé, totalement innocent. Encore une bonne nouvelle qui interroge efficacement un sujet fondamental, tel que l’écologie, de manière totalement détournée. (15/20)

Je ne suis pas certaine d’avoir déjà lu un texte d’Orson Scott Card, à l’exception d’une ou deux nouvelles peut-être. Je ne savais vraiment pas à quoi m'attendre avec Noël en enfer mais ce fut une excellente découverte. J’ai adoré le rythme efficace de l’intrigue, dû à la vision à la première personne et au fait que le personnage, qui se présente lui-même comme un mauvais gars de son vivant, offre quelques dialogues intéressants. De bonnes idées dans la réflexion, sur comment améliorer notre vie et celles des vivants en général, mais rien non plus de transcendant dans le discours. Cela dit, l'auteur échappe à l'écueil du ton moralisateur pour un tel sujet, ce que j’ai apprécié. Une très bonne nouvelle ! (17/20)

Ce n'est pas souvent que ça m’arrive mais j’ai abandonné la nouvelle suivante, La Main tendue de Norman Spinrad. Un abandon qui me choque, étant donné la renommée internationale de l'auteur. Je me suis ennuyée. La succession d’articles de journaux ne m’a pas aidée à entrer dans l'univers. Derrière, la longue description d’un scénario, avec sa mise en scène, m’a laissée totalement indifférente. Le sujet me laissant de marbre, j’ai décidé de passer à autre chose. J’ai lu dix pages et j'ai eu l’impression d'y avoir passé une heure. Pas une bonne expérience, pas un bon souvenir… (04/20)

J’ai beaucoup apprécié la nouvelle de Sylvie Lainé mais ce n’est pas une surprise, puisque j’avais déjà adoré un de ses recueils. Grenade au bord du ciel pose un débat intéressant sur l’importance des émotions, bienfaisante comme néfaste, et l’attrait de l’humanité pour capitaliser tout et n’importe quoi, du moment que ça rapporte de l’argent. Ici, j’ai ressenti un profond malaise face à la conclusion du récit, avec ce sentiment que les personnages volaient quelque chose d’essentiel à une autre civilisation, même si celle-ci souhaitait étrangement s’en débarrasser. Ce fut un récit dérangeant mais bien mené ! (15/20)

Je n'ai lu que Le Déchronologue de Stéphane Beauverger et ça avait été une excellente lecture, passée à deux doigts du coup de cœur ! Je partais donc confiante avec Vert dur et je ne fus pas déçue. Par le biais d’un journal à la direction éditoriale étonnante par son engagement, on découvre une nouvelle société dirigée par les femmes. Sans tomber dans la niaiserie, la détresse d’Apollon et l'écoute de Carmen offre énormément d'émotions au travers de toutes les scènes. L’auteur n’a pas cherché à faire dans l’explosif et le marquant, mais c’est justement cette représentation d’un quotidien qui pourrait être parallèle au nôtre qui rend ce court texte intéressant. Il me restera un moment en mémoire. (16/20)

Je ne connais pas Lucas Moreno et je ressors circonspecte face à son Comment je suis devenu un biotech. J’ai bien aimé le voyage et l'évolution dudit biotech, avec un parcours original et glaçant. C’est très technique sans basculer entièrement dans la hard science. En fait, on s'approche un peu de Maître de la matière d’Andreas Eschbach par certains côtés. Mais je me suis ennuyée une partie de ma lecture, malgré mon intérêt, parce que le développement a pris son temps. L’auteur aurait pu faire plus court sans qu’on perde la saveur et les spécificités de son intrigue. Là, je suis satisfaite tout en étant certaine que ça sera vite oublié. Une sensation très étrange… (12/20)

Déjà lu avec Le Monde enfin, je ne savais pas trop à quoi m'attendre avec Dans les mines de Mars de Jean-Pierre Andrevon. Je ressors complètement déçue. Le chemin vers Mars est long et laborieux, sans intérêt pour moi. J’ai compris la portée de l’histoire, toutefois je considère que ça manque d’ambition, étant donné le thème et la noirceur des personnages. Et puis Steve m’a paru imbuvable, surtout dans les moments où le sexe est évoqué. Bref, une grosse déception. (06/20)

Il m’a déjà été donné de lire une œuvre de Thierry Di Rollo, qui m’avait laissé un bon souvenir malgré un univers très sombre. Il en va de même pour J’ai eu trente ans, une nouvelle sur le lien entre le pouvoir, monétaire ou non, et l'accessibilité à la survie voire à l’immortalité. Immortel mais immoral, c’est là ce qui décrit ce personnage odieux. En dehors de l'univers chaotique, ténébreux, je déplore malheureusement un manque d'originalité, d’ambition dans le propos. Une bonne lecture, qui sera finalement vite oubliée… (13/20)

Je me souvenais avoir lu Ian McDonald auparavant mais j'étais incapable de me rappeler quel texte c'était. Quand j’ai vu ma note sur Roi du jour, reine du matin (07/20), ça m’est revenu en bloc. Heureusement, j’avais regardé après avoir lu la nouvelle, qui m’a parue bien mieux menée, sans temps morts ni ennui. Nouvelle découpée en trois petits récits avec un lien entre eux, j’ai beaucoup apprécié la forme de chacune, qui donne plus d’impact au contenu. Le mélange entre les deux m’a d'ailleurs semblé original. En bref, j’ai passé un bon moment de lecture même si, comme pour la précédente nouvelle, je crains que ça ne soit trop vite oublié… (13/20)

Je connais la réputation de Thomas Day et j’ai lu quelques-uns de ses écrits. Avec un retour en fantasy par sa nouvelle La Femme aux abeilles, j’ai été surprise d’aimer le contexte, l'évocation aux différents dieux et les relations qu’entretient Theena. J’ai d’ailleurs tellement apprécié que je me suis demandée si la nouvelle s’inscrivait dans un univers visité dans un roman de l’auteur, auquel cas j’irais bien y faire tour pour voir ce qu’il s’y passe de beau (et de moins beau). Je me souviendrai longtemps de cette ambiance poisseuse et de ce personnage fort. (14/20)

Je ne connais pas Peter Watts mais j’ai adoré Nimbus, à un point où je creuserai bien sa bibliographie pour en découvrir plus ! J’ai adoré cet univers à la limite du post-apo, qui interroge les faiblesses et les fautes de l’Homme. Pas de chichi ou de finasserie ici, le discours va en ligne droite, jugeant, interrogeant le passé et l’avenir en un même mot. La traduction rend la lecture très poétique, sans perdre la violence du décor et l’ignorance de ce nuage vengeur. Une lecture percutante !

Je n’avais pas de doute sur le fait d’adorer la dernière nouvelle car on plonge dans un univers très connu de Jeanne-A. Debats avec son personnage emblématique, Navarre. Encore une fois j’ai beaucoup aimé ce texte, même si son ton mordant semble usé avec l'âge. Le décor est sympathique, l’intrigue est bien ficelée et nous emmène au confin de l’univers, je déplore cependant cette visée toujours aussi féministe, avec un discours, des propos qui ne m’atteignent pas. Une bonne lecture ! (15/20)



Comme toujours, la lecture du recueil fut assez inégale, jusqu'à l’abandon d’une nouvelle et un désintérêt pour quelques autres. Mais certaines nouvelles furent très marquantes et/ou m’ont fait passer un excellent moment, avec en prime quelques bonnes réflexions. Étant donné la moyenne du recueil sur Livraddict, je m'attendais à pire. Ça reste dans l'ensemble une bonne pioche.



13/20


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