Le contrat Salinger

Synopsis :

            Journaliste sur le retour, Adam Langer s’ennuie loin de New York. Jusqu’à ce que sa route croise celle d’une vieille connaissance, Conner Joyce – auteur de thrillers à succès sur le retour –, venu à Bloomington, Indiana, pour assurer péniblement la promotion de son dernier roman. Bientôt, Conner révèle à Adam qu’il a reçu une offre des plus étonnantes : celle d’un certain Dexter Dunford (« Dex »), homme d’affaires richissime flanqué d’un inquiétant garde du corps, qui lui propose d’écrire un roman rien que pour lui, moyennant une rétribution considérable. Où est le piège ? Le contrat, précise Conner, s’assortit de certaines clauses bien spécifiques : d’abord, le livre rejoindra la collection privée d’exemplaires uniques de Dex, pour lequel ont déjà travaillé des écrivains aussi renommés que Thomas Pynchon, Norman Mailer ou J.D. Salinger, et disparaîtra avec lui. Ensuite, Dex se réserve le droit d’apporter quelques modifications au manuscrit. Pour finir, l’accord doit rester absolument secret.

Mon avis :

            Je souhaite tout d’abord remercier les éditions Super8 pour ce partenariat dont je ressors grandement enchantée !

            Le début ne paye pourtant pas de mine. Si les références littéraires dans divers genres littéraires abondent, suscitant curiosité et admiration devant un tel répertoire, on n’a pas l’impression que cela mène quelque part dans la narration, ce qui crée des effets de longueur. Je dois donc avouer que ce fut un début difficile et il m’a fallu lutter pour avancer.

            Toutefois, ce début lent permet de s’imprégner de l’ambiance, assez terne et morose, et des personnages qui vont cerner cette intrigue. Adam Langer, personnage à la première personne et Conner, un écrivain dont la réussite s’amenuise de publications en publications, mèneront la danse de cette narration, qui consiste à la création d’un manuscrit unique afin de satisfaire les désirs d’un milliardaire sexagénaire, d’où le titre.

            A partir du moment où l’on rencontre cet homme richissime, le rythme s’intensifie, une certaine forme de suspens languissant et accrocheur se développe et on est entraîné dans cette course de l’écrivain jusqu’à la fin, où le piège se referme progressivement avant que la vérité n’explose autour du protagoniste Adam. Ainsi, on sent bien le contraste entre le début de l’œuvre et la fin et, surtout, ca a tellement relevé le niveau que je suis ressortie vraiment conquise par cette lecture !

            Cette œuvre est également l’occasion de dépeindre le contexte dans lequel nous évoluons, comme la crise financière qui sévit depuis une dizaine d’années mais aussi la menace terroriste, etc. Tous ces phénomènes mondiaux ont des impacts sur les conditions de travail des écrivains, avec une dégradation dans les contrats et des sélections très élitistes des manuscrits, le tout nous étant dépeint et grandement pointé du doigt ici.

            J’ai trouvé cela également intéressant de découvrir les métiers du livre de cette façon, entre autre les directeurs de collection mais aussi les agents de presse et, bien sûr, les écrivains en eux-mêmes, qui n’ont pas un métier aussi reluisant que l’on croit.

            Cependant la grande réussite de cette intrigue réside surtout dans la confusion autour de la narration. Avec une perception à la première personne, le présent comme temps de repère, on a tout bonnement l’impression que tout se déroule sous nos yeux en temps et en heure,  l’impression que l’auteur ne fait que rapporter des faits réels, finalement. Pour tout vous dire, je suis devenue un peu paranoïaque autour de ce point, parce que j’ai eu l’impression que tout est mis en œuvre pour susciter le doute, et, si c’était l’effet escompté, c’est très réussi !

            Parmi les personnages, on découvre bien sûr Adam, le narrateur à la première personne, un journaliste jaloux de ce qu’il croit être le succès de Conner avant de découvrir la désillusion, et le regret. Son personnage est assez sombre et taciturne, très négatif, d’autant plus qu’il développe de la jalousie pour son ami qui se voit proposé une offre au cachet impossible à refuser.

            Conner Joyce fait figure de simple interlocuteur, au début. Puis, alors que l’intrigue gagne en aisance, les rôles évoluent et il devient celui qui raconte les faits mais également qui les subit. Ces interventions promettent toujours du suspens et on suit son histoire avec grand intérêt.

            Et puis on découvre le duo improbable Dex, le riche et Pavlof, le garde du corps amateur de polars. Un duo improbable qui fera naître des frissons à de multiples reprises !

            En conclusion, vous l’aurez compris, ce livre frôle le coup de cœur par ses personnages décalés, l’atmosphère assez sombre et, surtout, cette intensification d’intrigue appréciable. L’auteur nous offre même des rebondissements là où on ne les attend pas, avec cette richesse de références qui viennent donner du poids et étoffer la matière déjà présente. Je le conseille vivement à tous et si les premières pages sont difficiles, tenez bon, la suite ne pourra que vous plaire !