Arbres insurgés (Je suis forêt) et dieu des eaux déprimé (Mal de mer), affrontement d’alpinistes-sorciers sur les pentes de l’Himalaya (Les Enfants d’Inanna) et lutte désespérée contre un désastre écologique (La Lumière de Malia), ou animaux annonçant le début des représailles (La Mer monte), les récits proposés par les seize auteurs de l’anthologie des Imaginales 2019 nous rappellent que la nature est belle, mais fragile, et qu’il va falloir se battre pour la protéger.
Entre crise intérieure (La Traversée du désert) et loup-garou en fuite (L’âme et le coeur), petite fille discriminée (Comme ça) et dystopie cruelle (Seigneur de Colère), ou ruines hantées par le souvenir d’un animal féroce (Qui se souvient des hômlas ?), Natures nous annonce que, si le passé n’a pas toujours été facile, le futur risque d’être pire encore. Préparons-nous à la grande pandémie (Malaria), essayons de ne pas oublier d’où nous venons (Par-delà les ruines), et fuyons à temps une Terre bientôt ravagée (Jardins).
Pourtant, ici ou là, l’espoir en l’être humain persiste : Armée d’un livre et d’un crayon, une petite fille trace une voie. Résistance !
Pourquoi ce livre ? C’est le petit Ratkiller qui, le premier, a craqué aux Imaginales 2019 pour acheter ce recueil de nouvelles (c’est également lui qui a quasi tous les Utopiales). Les noms des auteurs participants sont très racoleurs et j’ai profité de mes yeux de biche pour avoir le droit de le lire… avant lui (mais le jour où il arrêtera d’acheter pour lire ce qu’il a déjà, aussi… hum !).
La préface m’a quelque peu déçue. Je m’attendais à une ouverture sur le thème de la nature, au sens large comme restreint, or Stéphanie Nicot se borne à présenter le collectif et les nouvelles de chacun par ordre de passage, avec peut-être une petite phrase en commentaire. Non seulement j’ai trouvé que ça spolié le récit mais j’ai également considéré que cela n’apportait rien de plus à la réflexion, ce que j’ai trouvé déplorable. Si les Utopiales ne remportent pas mon concours à chaque millésime, au moins la préface est-elle une excellente mise en bouche avant d’attaquer le plat de résistance. Ca commençait mal !
La nouvelle de David Bry, Je suis forêt, ouvre le bal avec succès. En se rapprochant de la nature de manière originale, l’auteur a su développer en quelques pages seulement une atmosphère et une haine de l’humanité pour ce qu’ils ont fait à des êtres innocents, quelle que soit notre définition du mot “être”. L’émotion passe en peu de mots et c’est le cœur serré que j’ai terminé ce récit. Et si Que passe l’hiver est aussi bien écrit qu’ici, je signe tout de suite pour le lire (heureusement, Mister l’a également acheté aux Imaginales) !
Un ami de la team Critic me tance sans cesse pour que je lise du Ketty Stewart. Si ce n’est pas un texte aussi long qu’il doit sûrement l’espérer, c’est maintenant chose faite avec Mal de mer. J’ai beaucoup aimé ce texte aux idées originales car issues d’un autre contexte mythologique. Cependant j’ai trouvé que la fin manquait de souffle et tombait à plat sur des idées arrêtées, j’aurais souhaité quelque chose de plus grand, à la hauteur des rencontres dans cette mini intrigue. Toutefois je constate qu’il y avait de l’idée et je ne dis plus non à la possibilité d’aborder à nouveau cette autrice.
Il est difficile de parler de La Mer monte d'Aurélie Wellenstein. Préquel à Mer morte, il décrit une situation malaisante (cet euphémisme…) horrible, catastrophique où les océans ne seraient plus là, envolés sans explication concrète. Si le scénario me paraît peu crédible d'un point de vue écologique (mais je ne suis pas une experte, ça tombe je me gourre totalement), l'originalité du danger et la fin ouverte donnent clairement envie de poursuivre. Ce que je ferai très certainement.
Les Enfants d'Inanna de Stefan Platteau m'a paru étrangement longue mais je l'ai lu en étant extrêmement épuisée, ce qui a sûrement faussé mon ressenti. Il s'y passe peu de choses, toutefois il insuffle une certaine tension au fil des pages. Un peu de magie, aussi, dans ce rêve qui devient réalité. J'ai bien aimé qu'il personnifie le décor, le vent et la montagne elle-même pour en faire des entités sauvages, violentes, difficilement domptables. La plume, bien que moins poétique que dans son cycle des Sentiers des astres, a su décrire à la perfection ces paysages de sorte qu'on les visualise et ressente, avec ce froid mordant et ce souffle manquant. J'ai donc moins aimé la forme que prévu mais le fond est toujours aussi puissant.
Si j'ai rencontré plus de livres décevants dans l'oeuvre de Charlotte Bousquet, le premier de tome de Shâhra avait été une lecture bluffante par son univers et ses personnages, c'est donc avec grande joie que je le retrouvais ici avec La Lumière de Malia. Encore une fois, elle étoffe en si peu de mots un monde violent et corrompu par l'homme. Je ne suis pas certaine d'avoir bien compris la fin, il n'empêche que j'ai beaucoup aimé cette nouvelle dans son ensemble, même si j'ai préféré l'intrigue longue au format de la nouvelle.
La Traversée du désert d'Ariel Holzl ne m'a pas totalement convaincu. J'ai aimé l'intrigue en elle-même, toutefois je ne pense pas avoir apprécié la fin à sa juste valeur, ayant l'impression qu'il est resté en surface.
Je sais qu'il est l'auteur du gros carton Les Soeurs Carmines, mais cette nouvelle ne me donne pas forcément envie de les lire, du moins de les acheter.
Je n'ai jamais entendu parler d'Estelle Vagnur si bien que j'ai abordé sa nouvelle L'âme et le coeur avec appréhension. C'est presque avec soulagement que je me suis rendu compte que j'ai beaucoup aimé ! Le récit, sans être totalement original, fait preuve de poésie et de douleur dans un mariage maîtrisé. L'émotion de la fin est belle et j'ai senti un sourire poindre malgré la tension. Chouette découverte, qui me donne envie d'en lire davantage !
Comme ça de Grégory Da Rosa fut une nouvelle violente mais excellente, un des meilleurs récits jusqu'à maintenant. Avec un style qui m'a fait penser à Chien du heaume de Justine Niogret et une violence crue comme dans de nombreux romans de fantasy moderne, l'auteur évoque une multitude de thèmes comme la guerre, la crainte de l'autre, la tolérance, l'amour d'une mère, l'alcoolisme. Dur, haletant, mais tellement marquant dans la durée.
Seigneur de colère de Claire et Robert Belmas parvient à créer un univers solide et hostile, effroyable, en quelques descriptions rapides. Très vite, la violence est de mise. Récit d'adaptation à son environnement, c'est bouleversant comme les faibles sont sacrifiés. Et la fin… Je ne dis pas que la nouvelle m'encourage à découvrir d'autres textes de ce duo d'auteur mais si un jour je croise la route d'un de leur ouvrage, pourquoi pas.
Qui se souvient des hômlas ? de Philippe Tessier m’a fait penser à la Geste avec tous ces animaux qui se croisent dans une société définie. J’ai franchement beaucoup aimé l’emballage du bonbon, ça se lit très bien et la fin est très bien amenée. On retrouve les caractères de chacun, la tolérance qui les unit, et le mot final qui révèle la place malsaine mais “nécessaire” des hômlas (jeu de mots pas mal) dans cette société. Cette nouvelle me donnerait l’envie de me projeter dans d’autres oeuvres de l’auteur si cela n’avait pas déjà était fait.
J’étais trop heureuse de voir que Jean-Laurent Del Socorro apparaît dans ce recueil ! En l’espace de six mois (le temps pour moi de lire deux de ses ouvrages), j’ai accepté cet auteur dans le champ des romanciers francophones à suivre de près. Armée d’un livre et d’un crayon est une nouvelle grandiose, où de simples mots s’aiguisent comme des armes, où les écoles créent les armées les plus pensantes. Ce fut une lecture magique car pertinente et surtout percutante. Une des meilleures du récit, un bel hommage.
Je n'ai pas tellement aimé Malaria de Loïc Henry. Si la nouvelle colle bien au thème, j'ai trouvé qu'il y avait un gros manque d'émotions. De plus, l'auteur a recours à bon nombre d'ellipses, idéal pour avoir une grande plage temporelle sur une nouvelle mais peu agréable au regard de l'empathie envers les personnages.
Néanmoins, j'ai vu que l'auteur avait écrit un livre sur la génétique, thème que mon compagnon adore donc je pense lui prendre et le lire après lui (:D).
Par-delà les ruines de Vincent Mondiot fut une excellente surprise ! Si je le connais de nom, je ne me suis jamais arrêtée devant l'un de ses titres, cette nouvelle m'a donné envie de le faire ! Si la plume est assez classique, l'idée, peu originale, fut sympathique et maîtrisée du début à la fin. Une chouette découverte, que j'ai envie de poursuivre.
Jardins d'Estelle Faye m'a laissée une bonne impression. Traitant de l'acceptation de son idée, ses convictions, ses passions, ce n'est pas forcément une lecture marquante mais elle a le point fort d'être maîtrisée.
Epinaturellement de Jean Pruvost est un point final ardu. Bien qu'il ne fasse que quatre pages, sa complexité se développe dès les premières lignes. Plus une histoire de la langue autout de nature et Epinal qu'une nouvelle, l'auteur a su mettre en exergue des détails qui ont ravi l'ancienne étudiante en lettres modernes que je suis. Un mot fin complexe mais instructif.
Les meilleures nouvelles ne sont pas forcément écrites par les auteurs auxquels je m'attendais mais c'est aussi là l'intérêt des recueils : être surpris par l'inattendu. Les éditeurs ont su faire une sélection variée pour traiter tous les aspects et les rapports à la nature. En dehors d'une préface totalement inutile à mon sens, je garderai un très bon souvenir de ce premier essai dans la collection Imaginales.
15/20
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