Rien ne semblait devoir arriver.
Rien ne semblait pouvoir exister d’autre que ce brouhaha cotonneux des
couloirs, ces bousculades adolescentes chaque heure à la porte d’une salle de
classe qu’on quittait, chaque heure, pour une autre salle de classe où tout
serait pareil : chaque heure le bruit de troupeau qui s’engouffre puis freine,
dérapages de semelles en caoutchouc doublés de grincements de chaises, et
ensuite l’ennui, la voix soporifique du prof, l’ennui, la craie blanche qui
crisse sur le tableau vert sombre, l’ennui, le néon qui crépite toujours un
peu, une gomme qui tombe, le vol métallique d’une punaise qui traverse la pièce
et bute sur la vitre, un papier qu’on froisse, un rire étouffé, l’ennui…
C’est arrivé pourtant. Dans le préfabriqué de tôle qui
tenait lieu de salle de dessin à l’écart des grands bâtiments. Une brèche
soudain dans le cœur lourd du géant noir.
Mon
avis :
Je tiens tout d’abord à remercier le
site Babelio et les éditions de la Rémanence pour ce partenariat.
Je dois avouer que je ne serai
jamais allée de moi-même vers un tel ouvrage, pourtant cette lecture fut
vraiment intéressante, voire enrichissante.
On découvre dans ce récit Lella,
jeune adolescente de quatorze ans, éperdument amoureuse de son professeur d’art
plastique, monsieur Marius Gracq. Elle ne voit et ne jure que par lui (et vous
pouvez voir là une petite pointe d’exagération).
Cette intrigue détient les couleurs
pastelles de l’amour naissant selon le point de vue d’une adolescente bien trop
mature pour son âge. Solitaire et indépendante, jamais Lella n’adoptera le
comportement d’une adolescente, la rendant presque étrangère aux yeux du
lecteur. Or, cette étrangeté s’intensifie par l’absence de personnalité auprès
des personnages. Tout tourne et se focalise sur leur idylle, oubliant en
parallèle la vie qui les entoure – une vie qui finira par les rattraper.
Un aspect intéressant de cet ouvrage,
c’est l’absence totale de dialogue. Les quelques paroles prononcées par tel ou
tel personnage se fond dans la masse narrative, passant ainsi inaperçues. Cela
prodigue un sentiment étrange, presque claustrophobique (je sais, ça ne se dit
pas mais vous comprenez l’idée…), mais cela permet surtout de mettre en avant
la rétrospection et le ressenti de l’héroïne, plutôt prépondérants dans ce
récit. Mais la maturité du protagoniste confère un degré de réalisme qui reste
accessible à tous, et ça se lit très bien.
De plus, ce roman est l’occasion d’évoquer
des thèmes graves comme la relation élève-professeur, la puberté ou encore les
viols, mais avec une certaine retenue et avec une sensation de tâtonnement, si
bien que nous sommes jamais choqués par le propos ou l’intrigue en général. On
découvre plutôt cela avec un détachement mêlé d’acceptation.
Comme j’ai déjà pu le laisser
entendre auparavant, les personnages se comptent sur les doigts d’une main, car
on en retient principalement que deux. Bien sûr, nos deux protagonistes
évoquent des proches, en rencontrent d’autres, mais de manière fortuite et
hasardeuse, si bien qu’on les oublie rapidement pour se focaliser seulement sur
leur idylle.
Lella est donc une adolescente pas
comme les autres. Très mature, bornée et amoureuse, elle ne se rend pas compte
que son obsession pour son professeur entraîne une relation immorale selon les
critères de notre société.
A ses côtés on découvre Marius Gracq,
professeur d’art plastique. Ce qui m’a le plus surprise avec lui, c’est que
presque lui qui paraît le plus immature dans le couple. En effet, âgé de plus
ou moins la cinquantaine ce qui inclue un écart d’au moins une trentaine d’années,
il n’a pas l’air de prendre conscience de « l’horreur » de cette
romance, l’entretenant au contraire, au lieu de prendre ses responsabilités
pour tout arrêter. Voilà, cela m’a un peu chatouillée à la lecture et j’avais
besoin de l’indiquer ici !
Ce qui m’a laissée la plus subjuguée,
et d’une surprise agréable, ce fut la plume de l’auteur. Douce, légère et
poétique, elle procure ce sentiment de voler au-dessus des mots et de butiner
avec délice les petites péripéties qu’elle nous propose (désolée pour cette
métaphore filée, mais c’est ainsi que j’arrive à exprimer mon ressenti). Très
agréable à lire donc, et surtout on ne voit pas le livre défiler grâce à elle.
Vraiment, c’est ce qui a conduit à rendre ce livre tout simplement unique.
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