14 févr. 2016

Mon bel orage

Synopsis :

            Rien ne semblait devoir arriver. Rien ne semblait pouvoir exister d’autre que ce brouhaha cotonneux des couloirs, ces bousculades adolescentes chaque heure à la porte d’une salle de classe qu’on quittait, chaque heure, pour une autre salle de classe où tout serait pareil : chaque heure le bruit de troupeau qui s’engouffre puis freine, dérapages de semelles en caoutchouc doublés de grincements de chaises, et ensuite l’ennui, la voix soporifique du prof, l’ennui, la craie blanche qui crisse sur le tableau vert sombre, l’ennui, le néon qui crépite toujours un peu, une gomme qui tombe, le vol métallique d’une punaise qui traverse la pièce et bute sur la vitre, un papier qu’on froisse, un rire étouffé, l’ennui…
C’est arrivé pourtant. Dans le préfabriqué de tôle qui tenait lieu de salle de dessin à l’écart des grands bâtiments. Une brèche soudain dans le cœur lourd du géant noir.

Mon avis :

            Je tiens tout d’abord à remercier le site Babelio et les éditions de la Rémanence pour ce partenariat.
            Je dois avouer que je ne serai jamais allée de moi-même vers un tel ouvrage, pourtant cette lecture fut vraiment intéressante, voire enrichissante.

            On découvre dans ce récit Lella, jeune adolescente de quatorze ans, éperdument amoureuse de son professeur d’art plastique, monsieur Marius Gracq. Elle ne voit et ne jure que par lui (et vous pouvez voir là une petite pointe d’exagération).
            Cette intrigue détient les couleurs pastelles de l’amour naissant selon le point de vue d’une adolescente bien trop mature pour son âge. Solitaire et indépendante, jamais Lella n’adoptera le comportement d’une adolescente, la rendant presque étrangère aux yeux du lecteur. Or, cette étrangeté s’intensifie par l’absence de personnalité auprès des personnages. Tout tourne et se focalise sur leur idylle, oubliant en parallèle la vie qui les entoure – une vie qui finira par les rattraper.

            Un aspect intéressant de cet ouvrage, c’est l’absence totale de dialogue. Les quelques paroles prononcées par tel ou tel personnage se fond dans la masse narrative, passant ainsi inaperçues. Cela prodigue un sentiment étrange, presque claustrophobique (je sais, ça ne se dit pas mais vous comprenez l’idée…), mais cela permet surtout de mettre en avant la rétrospection et le ressenti de l’héroïne, plutôt prépondérants dans ce récit. Mais la maturité du protagoniste confère un degré de réalisme qui reste accessible à tous, et ça se lit très bien.

            De plus, ce roman est l’occasion d’évoquer des thèmes graves comme la relation élève-professeur, la puberté ou encore les viols, mais avec une certaine retenue et avec une sensation de tâtonnement, si bien que nous sommes jamais choqués par le propos ou l’intrigue en général. On découvre plutôt cela avec un détachement mêlé d’acceptation.

            Comme j’ai déjà pu le laisser entendre auparavant, les personnages se comptent sur les doigts d’une main, car on en retient principalement que deux. Bien sûr, nos deux protagonistes évoquent des proches, en rencontrent d’autres, mais de manière fortuite et hasardeuse, si bien qu’on les oublie rapidement pour se focaliser seulement sur leur idylle.
            Lella est donc une adolescente pas comme les autres. Très mature, bornée et amoureuse, elle ne se rend pas compte que son obsession pour son professeur entraîne une relation immorale selon les critères de notre société.
            A ses côtés on découvre Marius Gracq, professeur d’art plastique. Ce qui m’a le plus surprise avec lui, c’est que presque lui qui paraît le plus immature dans le couple. En effet, âgé de plus ou moins la cinquantaine ce qui inclue un écart d’au moins une trentaine d’années, il n’a pas l’air de prendre conscience de « l’horreur » de cette romance, l’entretenant au contraire, au lieu de prendre ses responsabilités pour tout arrêter. Voilà, cela m’a un peu chatouillée à la lecture et j’avais besoin de l’indiquer ici !

            Ce qui m’a laissée la plus subjuguée, et d’une surprise agréable, ce fut la plume de l’auteur. Douce, légère et poétique, elle procure ce sentiment de voler au-dessus des mots et de butiner avec délice les petites péripéties qu’elle nous propose (désolée pour cette métaphore filée, mais c’est ainsi que j’arrive à exprimer mon ressenti). Très agréable à lire donc, et surtout on ne voit pas le livre défiler grâce à elle. Vraiment, c’est ce qui a conduit à rendre ce livre tout simplement unique.

            En conclusion, un livre très intéressant qui nous livre avec légèreté et poésie une idylle proscrite par les critères de notre société. Si les personnages manquent de personnalité et ont des rôles inversés, cela n’enlève en rien la curiosité que l’on ressent envers ce qu’ils vivent, et on se surprend à lire ce livre d’une traite. Une belle expérience !



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