Cela fait quelques temps que j'ai en tête de créer un petit coin à moi (bon, tout ce blog est un coin à moi, certes) où je pourrais poster tout ce qui me passe par la tête en matière de texte, que ce soit du théâtre, une nouvelle, un extrait de roman ou même un poème.
Pour cela, j'ai dans l'idée de mettre en forme un texte qui part d'une image m'ayant inspirée.
En premier viendra donc l'image, puis le texte et, en supplément, un poème de mon cru
pour clore le tout. Z'êtes partant ?!
Je reconnais que ça fait deux fois la même image, mais c'est celle qui m'a donné cette envie
et c'est une forme de reconnaissance que de débuter par celle-ci.
P.S : Ne pas confondre auteur et narrateur, ce sont bien deux notions différentes, même ici ! ;)
Tout autour, les adolescents soupiraient ou protestaient ardemment selon le tempérament de chacun. Ecrire par obligation sous les conditions de sujets plus alambiqués les uns que les autres mettaient déjà les plus flemmards à cran. Alors, avoir une professeur qui demande que l'on écrive ce que l'on souhaite, tout ce qui nous passe par la tête, et quand on le souhaite relevait de la torture pour la plupart des élèves.
Pas pour moi.
Je n'ai jamais connu le dilemme de la page blanche. Mes parents m'ont même déjà adressé le compliment d'être née avec une plume dans les mains, une remarque que j'avais pris au pied de la lettre dans mon plus jeune âge ! Vous imaginez ma mère avec une plume sortant pendant l'accouchement ? Je m'égare...
Le cours suivant - de l'anglais avec un professeur qui ne maîtrisait pas du tout l'accent britannique, si vous voulez tout savoir - fut consacré à déterminer mon sujet de rédaction. Je ne voulais pas quelque chose de trop simplet, dans le style mes dernières vacances ou les rêves récurrents. Je voulais un sujet fort, pas forcément en lien avec l'actualité, mais tout de même un sujet qui provoquerait une réflexion chez le lecteur - en l'occurrence ma prof, et elle serait sûrement à la hauteur de mes attentes.
Il m'aura fallu vingt minutes pour trouver le thème, dix de plus pour le plan global - j'aime bien rédiger au fur et à mesure que les idées me viennent en tête, mais je déteste développer sans fil conducteur, au risque de partir en vrille.
Le retour à la maison mit moitié moins de temps que d'ordinaire. En général, quand germe une envie d'écrire, je traîne beaucoup moins avec mes amis afin d'épancher tout cela sur du papier - à bas l'ère du numérique !
J'en étais là, assise devant mon bureau, la plume avec laquelle je rédigeais le plus vite en main. Ne restait plus que le premier mot à trouver et le reste coulerait tout seul, comme l'encre sortant de la plume.
Cela fait bien longtemps que rôde en moi la question de ce que représente pour l'auteur l'exercice d'écriture. Avide de réponses et de débats farouches entre une partie de mon cerveau et une autre - n'ai-je jamais signalé que j'étais schizophrène ? - il est grand temps que je me lance, et vous, lecteurs, serez les premiers à en prendre connaissance - de mes idées, pas du fossé de mon cerveau ! Quoique...
Je dois l'admettre, tandis que mes idées m'envahissent et que les mots s'entrechoquent pour être le premier à s'évader de leurs geôles, mon regard s'égare sur mon fond d'écran de bureau, une image où l'on peut voir une jeune femme, vêtue d'une toge terminée par une traîne étonnement longue. Une jeune femme qui se tient debout devant un précipice, bras écartés comme pour accepter l'inéluctable. Ou pour accueillir en elle le fruit d'un secret qui n'est destiné qu'à sa seule conscience.
C'est de cette manière que je conçois le rôle d'un auteur. De cette même position il s'offre à la magie des mots et au doux murmure de l'Imagination, cette terre fertile depuis bien longtemps foulée par les rêves d'hommes et de femmes en quête de connaissances ou d'aventures.
Il faut pour cela avoir le goût du partage, détenir l'envie de donner envie, justement. Envie de lire, de fouler les mêmes terres, mais aussi l'envie de prendre plume à son tour pour explorer d'autres contrées jusque-là inconnues, de devenir le maillon d'une chaîne vieille de plusieurs siècles, voire de plusieurs millénaires - ne pas oublier la poésie de tradition orale, comme celle des peuples finnois.
Être auteur, c'est également une façon de se livrer, pas seulement la pensée, mais également son être au travers de la plume, du style d'écriture, qu'elle soit onirique, brutale, envoûtante ou rebelle. Chaque auteur ne peut pas plaire à tous, mais chaque style d'écriture trouvera obligatoirement une force harmonieuse entre lui et ne serait-ce qu'un seul lecteur.
Ainsi, écrire est un exercice périlleux, où l'auteur caresse les étoiles, comme le funambule sur son fil, avant de lâcher prise - mais là, on oublie la métaphore du funambule, je ne voudrais pas voir ce dernier s'écraser - laissant toute liberté à l'Imagination pour faire son Oeuvre.
Voilà ce que représente, à mon sens, l'exercice d'écriture. Une dangereuse voltige dans les sphères les plus inaccessibles pour livrer un contenu inhérent à la personnalité de chaque voyageur doué de témérité.
C'était court, bien trop à mon goût. D'un autre côté, la prof n'avait pas précisé un nombre minimal de mots ou de lignes, sur cela aussi nous étions libres.
Et puis, je ne voulais pas gâcher le résultat de mon travail avec de la broderie ne servant qu'à combler la maigreur de mes pensées. Très peu pour moi !
Le jour vint où je dus rendre mon devoir. Le coeur serré d'être jugé comme une incapable, je cachais mon devoir sous la copie que ma voisine venait de me donner et tendit le tout au suivant, soulagée malgré moi d'un grand poids.
Et après cela, il fallait attendre la correction.
La date fatidique arriva rapidement et, avec elle, une désagréable surprise.
- Mes chers élèves, navrée de ce petit contretemps. Je savais que vous attendez tous le rendu de vos copies avec impatience, mais certaines d'entre elles me donnent à réfléchir et j'ai encore besoin de temps pour déterminer la qualité de leur style.
Si l'excuse que la professeur proférait titillait le doute quant à l'identité de le ou les élèves à l'origine du trouble, son coup d'oeil dans ma direction, qui dura l'instant d'un battement d'ailes, acheva toute interrogation. J'étais pleinement concernée.
L'attente débuta par quelques jours, mais les jours devinrent rapidement des semaines, et la professeur ne semblait pas pressée de rendre l'objet de notre labeur. Si les autres atteignaient une impatience folle, souhaitant savoir si leur note exploserait ou dégringolerait leur moyenne, ce n'était qu'une peccadille comparée à mon excitation croissante. Ce n'était pas la première fois que je rendais ce qui apparaissait pour moi comme un très bon devoir, mais bien la première fois que je n'en dormais pas de la nuit.
Et un beau jour, elle se décida enfin, alors que plus personne n'avait l'espoir de recevoir sa copie. La professeur se tenait perchée sur son bureau, assise les jambes croisées.
- Vous connaissez mes habitudes depuis le temps que nous nous côtoyons. J'élis toujours ce qui me semble la meilleure copie du lot. Mais comme je suis une méchante prof (quelques cris de protestation la détrompèrent), je vais rendre les copies avant de nommer la meilleure.
A nouveau le regard vint se poser sur moi, comme un rêve qui ne dura qu'une seconde, un si court laps de temps que je me demandai si je n'avais pas halluciné.
Les copies distribuées, la meilleure revint à Emily, élite de la classe dans les matières scientifiques. Si je fus déçue de ne pas avoir été nommée, un oubli m'obligea à intervenir.
- Madame, vous ne m'avez pas rendu ma copie...
- Je sais, je vais la garder jusqu'à la fin de l'heure et vous viendrez me voir à mon bureau à ce moment-là.
Le coeur serré, je me demandais quelle bêtise je devais avoir rédigé pour que la professeur souhaite garder mon travail... A moins qu'elle souhaitait discuter de la faible longueur ? L'heure passa pour une fois très lentement, je commençais à me sentir inquiète et nauséeuse. Timide et introvertie, je n'avais pas pour habitude de discuter avec mes enseignants après les cours, encore moins sur un devoir...
La sonnerie retentit enfin, et les plus flemmards devinrent les plus réveillés, fonçant vers la sortie comme s'ils avaient un train à ne pas rater. Moi, je m'approchai timidement du bureau. Est-ce un reflet de mon inquiétude ou la prof semblait vraiment mécontente ? Peut-être avait-elle une opinion différente du mien... Mais n'avait-elle pas dit en début d'année qu'elle ne jugerait pas les contenus, seulement la qualité du travail ?
- Il m'a fallu beaucoup de temps pour ingérer tout ce que tu as insinué dans ta rédaction, et il m'a fallu débattre après cela. C'est un travail de qualité, c'est indéniable, mais je n'ai pu m'empêcher de le titiller pour trouver une faille. Et la voici : que penses-tu des écrivains qui publient tous les ans dans le seul but d'avoir une rentrée d'argent, et non pour le simple partage, idée que tu réitères à de multiples reprises ?
- Vous voulez parler des Levy et des Musso ?
Un léger haussement de sourcil et un plissement à la commissure des lèvres trahirent l'amusement de la prof mais son ton garda tout son sérieux..
- Entre autre. Ne trouves-tu pas qu'ils... mmh, comment le formulerais-tu ? Moui, qu'ils assèchent l'Imagination juste pour obtenir une rente ?
- Ils ne l'assèchent pas, ils la gangrènent. Depuis leur apparition sur le marché, ce genre d'auteurs se multiplient, préférant la quantité à la qualité et le lectorat se transforme, s'adapte, recherchant davantage les lectures légères aux univers recherchés ou aux propos amenant la réflexion.
- Comme ton devoir.
Je rougis, mais la prof hochait pensivement la tête, visiblement en accord avec mes propos. Mon soulagement dut être perceptible, car elle osa même un sourire complice.
- Ta rédaction est un des meilleurs devoirs que j'ai eu la possibilité de lire depuis des années, toute classe confondue. Tu as un don, il faudrait que tu t'engages dans des actions ou des associations pour le mettre à profit, voire que tu te décides à écrire un ouvrage.
- Je préfère ne pas trop me mettre la pression. J'ai toujours apprécié les choses spontanées alors autant ne rien brusquer.
Ce coup-ci, ce fut un éclat de rire, franc et surpris, qui emporta la prof.
- Je ne m'y attendais pas à celle-là ! Eh bien, je n'ai plus rien à ajouter, si je ne peux recruter ton don nulle part.
Un clignement de l'oeil ponctua sa phrase. Elle semblait en avoir fini.
Pas moi.
- Si mon devoir est aussi bon, pourquoi ne pas l'avoir élu ?
- Comment, selon toi, auraient réagi les autres si j'avais fait l'éloge de ta rédaction devant eux ?
- De l'admiration ? osai-je bien malgré moi.
- De la jalousie excessive, bien qu'acceptable. Les plus ignares et jaloux d'entre eux t'auraient pris pour cible et tu aurais eu à supporter leurs remarques tout le reste de l'année. Je ne voulais pas te voir te flétrir à cause de cela.
- J'aurai tout simplement écrit un nouveau texte sur la connerie des adolescents. Enfin...
- Alors je t'ai empêché d'écrire un énième chef d'oeuvre. Allez, file !
Je sortis le sourire aux lèvres. Dans ce dialogue, ma prof m'avait adressé le plus beau des compliments. Si je gardais la tête froide devant mon talent, mon coeur, lui, gagnait en chaleur paisible.
Je m'appelle Atalante, et je me destine à partager mon don en acquérant le statut de romancière.
Le cours suivant - de l'anglais avec un professeur qui ne maîtrisait pas du tout l'accent britannique, si vous voulez tout savoir - fut consacré à déterminer mon sujet de rédaction. Je ne voulais pas quelque chose de trop simplet, dans le style mes dernières vacances ou les rêves récurrents. Je voulais un sujet fort, pas forcément en lien avec l'actualité, mais tout de même un sujet qui provoquerait une réflexion chez le lecteur - en l'occurrence ma prof, et elle serait sûrement à la hauteur de mes attentes.
Il m'aura fallu vingt minutes pour trouver le thème, dix de plus pour le plan global - j'aime bien rédiger au fur et à mesure que les idées me viennent en tête, mais je déteste développer sans fil conducteur, au risque de partir en vrille.
Le retour à la maison mit moitié moins de temps que d'ordinaire. En général, quand germe une envie d'écrire, je traîne beaucoup moins avec mes amis afin d'épancher tout cela sur du papier - à bas l'ère du numérique !
J'en étais là, assise devant mon bureau, la plume avec laquelle je rédigeais le plus vite en main. Ne restait plus que le premier mot à trouver et le reste coulerait tout seul, comme l'encre sortant de la plume.
Cela fait bien longtemps que rôde en moi la question de ce que représente pour l'auteur l'exercice d'écriture. Avide de réponses et de débats farouches entre une partie de mon cerveau et une autre - n'ai-je jamais signalé que j'étais schizophrène ? - il est grand temps que je me lance, et vous, lecteurs, serez les premiers à en prendre connaissance - de mes idées, pas du fossé de mon cerveau ! Quoique...
Je dois l'admettre, tandis que mes idées m'envahissent et que les mots s'entrechoquent pour être le premier à s'évader de leurs geôles, mon regard s'égare sur mon fond d'écran de bureau, une image où l'on peut voir une jeune femme, vêtue d'une toge terminée par une traîne étonnement longue. Une jeune femme qui se tient debout devant un précipice, bras écartés comme pour accepter l'inéluctable. Ou pour accueillir en elle le fruit d'un secret qui n'est destiné qu'à sa seule conscience.
C'est de cette manière que je conçois le rôle d'un auteur. De cette même position il s'offre à la magie des mots et au doux murmure de l'Imagination, cette terre fertile depuis bien longtemps foulée par les rêves d'hommes et de femmes en quête de connaissances ou d'aventures.
Il faut pour cela avoir le goût du partage, détenir l'envie de donner envie, justement. Envie de lire, de fouler les mêmes terres, mais aussi l'envie de prendre plume à son tour pour explorer d'autres contrées jusque-là inconnues, de devenir le maillon d'une chaîne vieille de plusieurs siècles, voire de plusieurs millénaires - ne pas oublier la poésie de tradition orale, comme celle des peuples finnois.
Être auteur, c'est également une façon de se livrer, pas seulement la pensée, mais également son être au travers de la plume, du style d'écriture, qu'elle soit onirique, brutale, envoûtante ou rebelle. Chaque auteur ne peut pas plaire à tous, mais chaque style d'écriture trouvera obligatoirement une force harmonieuse entre lui et ne serait-ce qu'un seul lecteur.
Ainsi, écrire est un exercice périlleux, où l'auteur caresse les étoiles, comme le funambule sur son fil, avant de lâcher prise - mais là, on oublie la métaphore du funambule, je ne voudrais pas voir ce dernier s'écraser - laissant toute liberté à l'Imagination pour faire son Oeuvre.
Voilà ce que représente, à mon sens, l'exercice d'écriture. Une dangereuse voltige dans les sphères les plus inaccessibles pour livrer un contenu inhérent à la personnalité de chaque voyageur doué de témérité.
C'était court, bien trop à mon goût. D'un autre côté, la prof n'avait pas précisé un nombre minimal de mots ou de lignes, sur cela aussi nous étions libres.
Et puis, je ne voulais pas gâcher le résultat de mon travail avec de la broderie ne servant qu'à combler la maigreur de mes pensées. Très peu pour moi !
Le jour vint où je dus rendre mon devoir. Le coeur serré d'être jugé comme une incapable, je cachais mon devoir sous la copie que ma voisine venait de me donner et tendit le tout au suivant, soulagée malgré moi d'un grand poids.
Et après cela, il fallait attendre la correction.
La date fatidique arriva rapidement et, avec elle, une désagréable surprise.
- Mes chers élèves, navrée de ce petit contretemps. Je savais que vous attendez tous le rendu de vos copies avec impatience, mais certaines d'entre elles me donnent à réfléchir et j'ai encore besoin de temps pour déterminer la qualité de leur style.
Si l'excuse que la professeur proférait titillait le doute quant à l'identité de le ou les élèves à l'origine du trouble, son coup d'oeil dans ma direction, qui dura l'instant d'un battement d'ailes, acheva toute interrogation. J'étais pleinement concernée.
L'attente débuta par quelques jours, mais les jours devinrent rapidement des semaines, et la professeur ne semblait pas pressée de rendre l'objet de notre labeur. Si les autres atteignaient une impatience folle, souhaitant savoir si leur note exploserait ou dégringolerait leur moyenne, ce n'était qu'une peccadille comparée à mon excitation croissante. Ce n'était pas la première fois que je rendais ce qui apparaissait pour moi comme un très bon devoir, mais bien la première fois que je n'en dormais pas de la nuit.
Et un beau jour, elle se décida enfin, alors que plus personne n'avait l'espoir de recevoir sa copie. La professeur se tenait perchée sur son bureau, assise les jambes croisées.
- Vous connaissez mes habitudes depuis le temps que nous nous côtoyons. J'élis toujours ce qui me semble la meilleure copie du lot. Mais comme je suis une méchante prof (quelques cris de protestation la détrompèrent), je vais rendre les copies avant de nommer la meilleure.
A nouveau le regard vint se poser sur moi, comme un rêve qui ne dura qu'une seconde, un si court laps de temps que je me demandai si je n'avais pas halluciné.
Les copies distribuées, la meilleure revint à Emily, élite de la classe dans les matières scientifiques. Si je fus déçue de ne pas avoir été nommée, un oubli m'obligea à intervenir.
- Madame, vous ne m'avez pas rendu ma copie...
- Je sais, je vais la garder jusqu'à la fin de l'heure et vous viendrez me voir à mon bureau à ce moment-là.
Le coeur serré, je me demandais quelle bêtise je devais avoir rédigé pour que la professeur souhaite garder mon travail... A moins qu'elle souhaitait discuter de la faible longueur ? L'heure passa pour une fois très lentement, je commençais à me sentir inquiète et nauséeuse. Timide et introvertie, je n'avais pas pour habitude de discuter avec mes enseignants après les cours, encore moins sur un devoir...
La sonnerie retentit enfin, et les plus flemmards devinrent les plus réveillés, fonçant vers la sortie comme s'ils avaient un train à ne pas rater. Moi, je m'approchai timidement du bureau. Est-ce un reflet de mon inquiétude ou la prof semblait vraiment mécontente ? Peut-être avait-elle une opinion différente du mien... Mais n'avait-elle pas dit en début d'année qu'elle ne jugerait pas les contenus, seulement la qualité du travail ?
- Il m'a fallu beaucoup de temps pour ingérer tout ce que tu as insinué dans ta rédaction, et il m'a fallu débattre après cela. C'est un travail de qualité, c'est indéniable, mais je n'ai pu m'empêcher de le titiller pour trouver une faille. Et la voici : que penses-tu des écrivains qui publient tous les ans dans le seul but d'avoir une rentrée d'argent, et non pour le simple partage, idée que tu réitères à de multiples reprises ?
- Vous voulez parler des Levy et des Musso ?
Un léger haussement de sourcil et un plissement à la commissure des lèvres trahirent l'amusement de la prof mais son ton garda tout son sérieux..
- Entre autre. Ne trouves-tu pas qu'ils... mmh, comment le formulerais-tu ? Moui, qu'ils assèchent l'Imagination juste pour obtenir une rente ?
- Ils ne l'assèchent pas, ils la gangrènent. Depuis leur apparition sur le marché, ce genre d'auteurs se multiplient, préférant la quantité à la qualité et le lectorat se transforme, s'adapte, recherchant davantage les lectures légères aux univers recherchés ou aux propos amenant la réflexion.
- Comme ton devoir.
Je rougis, mais la prof hochait pensivement la tête, visiblement en accord avec mes propos. Mon soulagement dut être perceptible, car elle osa même un sourire complice.
- Ta rédaction est un des meilleurs devoirs que j'ai eu la possibilité de lire depuis des années, toute classe confondue. Tu as un don, il faudrait que tu t'engages dans des actions ou des associations pour le mettre à profit, voire que tu te décides à écrire un ouvrage.
- Je préfère ne pas trop me mettre la pression. J'ai toujours apprécié les choses spontanées alors autant ne rien brusquer.
Ce coup-ci, ce fut un éclat de rire, franc et surpris, qui emporta la prof.
- Je ne m'y attendais pas à celle-là ! Eh bien, je n'ai plus rien à ajouter, si je ne peux recruter ton don nulle part.
Un clignement de l'oeil ponctua sa phrase. Elle semblait en avoir fini.
Pas moi.
- Si mon devoir est aussi bon, pourquoi ne pas l'avoir élu ?
- Comment, selon toi, auraient réagi les autres si j'avais fait l'éloge de ta rédaction devant eux ?
- De l'admiration ? osai-je bien malgré moi.
- De la jalousie excessive, bien qu'acceptable. Les plus ignares et jaloux d'entre eux t'auraient pris pour cible et tu aurais eu à supporter leurs remarques tout le reste de l'année. Je ne voulais pas te voir te flétrir à cause de cela.
- J'aurai tout simplement écrit un nouveau texte sur la connerie des adolescents. Enfin...
- Alors je t'ai empêché d'écrire un énième chef d'oeuvre. Allez, file !
Je sortis le sourire aux lèvres. Dans ce dialogue, ma prof m'avait adressé le plus beau des compliments. Si je gardais la tête froide devant mon talent, mon coeur, lui, gagnait en chaleur paisible.
Je m'appelle Atalante, et je me destine à partager mon don en acquérant le statut de romancière.
"Liberté de la plume
En quête vers l'insondable chemin
Des portes de l'Imaginaire..."
Mana
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