Vendue par sa mère alors qu'elle n'était qu'une enfant, Phèdre nó Delaunay a appris l'histoire, la théologie, la politique, les langues étrangères et les arts du plaisir, sous l'égide d'un brillant mentor qui, seul entre tous, a su reconnaître la marque rouge ornant son oeil - le signe de Kushiel qui lui vaut d'éprouver à jamais le plaisir dans la souffrance - afin de devenir une courtisane accomplie... mais aussi une espionne de talent.
Ayant déjoué, au prix de nombreux sacrifices, un complot menaçant d'engloutir sa patrie, elle doit de nouveau affronter les nombreux ennemis qui menacent le royaume.
Car, si le peuple d'Angelin aime la jeune reine sur le trône, d'autres dans l'ombre ne pensent qu'à lui ravir la couronne... Et les comploteurs qui sont parvenus à échapper à la colère des puissants ont plus que jamais soif de pouvoir et de vengeance !
Récit plein de grandeur, de luxuriance, de sacrifice et de conspirations machiavéliques, La Marque dévoile un monde de poètes vénéneux, de courtisans assassins, de monarques trahis et assiégés, de seigneurs de guerre barbares, de traîtres grandioses... vu par les yeux d'une héroïne comme vous n'en avez jamais rencontré !
Pourquoi ce livre ? Depuis quelques semaines j'ai développé l'idée de terminer ou avancer quelques sagas pour réduire le nombre qui se sont commencées. Depuis, Kushiel me fait de l’œil, aguicheur, parce que je me souviens du profond coup de cœur pour cet univers et ses personnages.
Ce tome reprend quasiment le récit là où on l'a laissé. Si quelques semaines ont passé depuis l'installation de la nouvellement Comtesse de Montrève Phèdre dans son domaine, héritage de son mentor Anafiel Delaunay, et depuis la réception de son manteau sangoire, c'est au début de ce tome, après mûres réflexions, que la servante de Naamah décide de retourner à la Ville d'Elua. Et oui, l'ennemie public numéro un, Melisande Shahrizai, lui lance un défi de taille, la retrouver et dénicher qui sont les traîtres à la couronne. Commence alors une partie d'échec où les pions doivent être bougés avec parcimonie.
C'est aussi l'occasion pour Phèdre de reprendre du service auprès d'Ysandre de Courcel, reine de Terre d'Ange, mais aussi auprès de Kushiel et Naamah, des divinités auxquelles elle s'est rattachée. Car si la politique est toujours au cœur de ce récit, la religion revêt une importance majeure. Je suis d'ailleurs heureuse que les voyages de Phèdre, certes malencontreux, offrent l'opportunité de diversifier les mythes et les divinités, dans une cohérence exemplaire et des détails qui tendent à rendre le tableau réaliste !
La résolution de l'intrigue va nécessiter à Phèdre de quitter les sentiers battus pour des territoires inconnus. Si on ne s'ennuie pas réellement, j'ai trouvé qu'il y avait quand même quelques longueurs dans le fait de côtoyer ces civilisations invisibles dans le premier tome. La plume sait trouver les mots justes pour que l'ensemble se lit tout seul, sans qu'on ait à sauter quelques passages, mais j'aurais sûrement apprécié quelque chose de plus concis (et en même temps, plus court aurait été frustrant, tellement cet univers est un cocon de douceur dans lequel j'aime me glisser !).
On ne se le cache pas, ce livre est également une ode à l'amour ("Aime comme tu l'entends", du culte d'Elua, est d'ailleurs répété à plusieurs reprises) et au sexe. Toutefois, si je vois mal un jeune adolescent parcourir un tel livre, aucun détail n'est obscène dans les scènes érotiques. En effet, Jacqueline Carey remporte la palme de la main de velours : l'émotion passe, réelle, on perçoit très bien la beauté du moment et le plaisir de Phèdre, sans que cela se transforme en une gêne quelconque. Moi qui ne supporte pas les scènes sexuelles, j'ose dire sans honte que, de tous les romans que j'ai lus qui comportaient de telles scènes, c'est l'autrice qui maîtrise le mieux ce domaine ! Tout est dans la métaphore, la poésie et le non-dit.
Ainsi les quatre cents premières pages posent le décor de l'intrigue politique et listent les potentiels traîtres. Puis Phèdre voyage et vient le temps des longueurs, que quelques rebondissements viendront heureusement divertir. Les huit cents pages atteints, je suffoquais clairement et je n'ai plus lâché le livre ! Jacqueline Carey manie ses personnages, leurs émotions, avec un savoir faire rare ! Les morts surprennent, font mal, preuve qu'on s'attache.
La fin vient au bon moment, sans lassitude ni rapidité. J'ai savouré chaque mot et j'ai fini les deux dernières pages la bouche en cul de poule (je vous le promets).
Comme je le disais, les personnages sont magistraux. Je ne parlerai que des principaux, mais il faut savoir qu'ils sont foule, l'autrice ayant donné bon nombre de visages et de noms pour composer les nobles de la royauté ou les soldats de l'armée. On s'y perd et en même temps on finit par les reconnaître et les situer…
Phèdre n'a pas changé. Presque seule dans sa lutte, elle est assaillie de doutes et les conséquences de ses actes pèsent énormément sur sa conscience. C'est une femme forte que ses capacités rendent à la fois indépendante et désirable. Humaine jusqu'au bout des ongles, elle éprouve des désirs et de la souffrance, mais sa dévotion à l'égard de sa reine et son respect pour son culte et ceux des autres la rendent arrachant à souhait.
Joscelin est également un personnage que j'adore, même si je lui aurais bien administré quelques claques ! Une nette évolution est perceptible entre le début et la fin du livre et j'ai hâte de voir ce que l'autrice lui réserve dans la suite.
Que dire de Fortun, Rémy et Ti-Philippe, la garde rapprochée de Phèdre. Drôles, leur sort n'est pas des plus enviable, ils m'ont même arraché un cri d'effroi.
J'aime également beaucoup la reine Ysandre et son mari Drustan, nobles sans être hautains, ils savent profiter de la vie et faire confiance à leur entourage.
Et puis Melisande, encore et toujours elle. Par la perception du regard de Phèdre, j'éprouve beaucoup de mal à la voir comme une ennemie, je pense même que son argumentation finale la place comme un génie. Un génie qui a mal choisi son camp ou sa façon d'opérer. Je l'apprécie par certains côtés, mais je l'étranglerais pour d'autres.
La plume est un des atouts majeurs de ce récit. Le style use d'une certaine légèreté, rendant l'ensemble entraînant, sans se départir d'un degré noble… Je ne sais pas comment l'expliquer, si ce n'est que j'ai le sentiment que la plume correspond au tempérament de Phèdre : attachante et pleine de noblesse. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que c'est un point de vue interne, puisque l'héroïne est l'unique narratrice du récit.
Ce n'est pas un coup de cœur puissant, une certaine longueur a empêché cela, néanmoins Jacqueline Carey a une parfaite maîtrise de son univers, que ce soit dans la politique ou la religion. Elle maîtrise également les temps, entre exposition de l'intrigue, action, rebondissements, découvertes et résolution. Les personnages sont toujours aussi intéressants, attachants, drôles, attendrissants. Vivants. Et la plume est fidèle à l'esprit du personnage. Mon palmarès des auteurs étrangers préférés manquaient de figure féminine, j'ai trouvé la meilleure voix possible pour pallier à ce défaut. Il me tarde de découvrir la suite !
19/20
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