23 juil. 2020

Kushiel, tome 3 - L'Avatar




La marque de Kushiel dans l'oeil de Phèdre nô Delaunay fait d'elle une élue, et lui vaut d'éprouver à jamais le plaisir dans la souffrance. Sur son chemin semé de dangers, elle peut compter sur le moine guerrier Joscelin. Bien que la nature de Phèdre soit une source perpétuelle de tourments pour eux deux, Joscelin lui demeure indéfectiblement fidèle. Jamais il n'a trahi son serment: protéger et servir. Mais le destin lui réserve une ultime épreuve. En effet, Phèdre n'a jamais oublié Hyacinthe, son ami d'enfance et, depuis dix ans, elle cherche en vain la clé qui le libérerait de son asservissement éternel. Car Hyacinthe a conclu un pacte avec les dieux pour se sacrifier à la place de son amie et sauver sa patrie. Aussi Phèdre saisit-elle la dernière chance qui lui est donnée de le sauver. Cette quête la conduira au bout du monde, par-delà des royaumes où règne la folie, à la merci de seigneurs de guerre déments et cruels, et face à un pouvoir si immense et terrifiant que personne n'ose en prononcer le nom...



Pourquoi ce livre ? Je m’étais offert la saga à la sortie des épreuves de bac, histoire de marquer le coup de la liberté, voyez. (Je n’aurais pas pu mieux tomber qu’avec cette saga, vu les sujets abordés, d’ailleurs.) Les trois pavés de mille pages auront dormi une paire d’années. Malheureusement. Si j’avais su que dormait un tel bijou…

Si l’univers n’est pas terminé, car je sais que six tomes dont trois traduits m’attendent encore derrière, cela ne m’a pas empêché de refermer ce tome avec des larmes noyant les yeux. Mon premier ressenti fut le soulagement. L’Avatar nous fait passer par des obstacles plus insurmontables les uns que les autres, comme des voyages longs et éprouvants, des remises en cause de ce qui forge notre être, des cultes émergents qui frôlent le cthulhunisme. Je ne mens pas quand j’affirme avoir frémi, de dégoût, d’horreur en voyant tout ce que Phèdre est prête à subir pour parvenir à ses fins - ou à ceux de sa némésis... ou à ceux de son Dieu ? Toutefois, elle n’est pas la seule victime dans ce périple long aux confins des terres connues, son entourage subit autant de pression qu’elle. Je pense notamment à Joscelin, son fidèle protecteur Cassilin et consort, pour qui j’ai serré les fesses jusqu’au bout, et cet enfant rejeté par tous - même par lui.
Outre les larmes de soulagement, il y a aussi le sentiment de déchirement. Dix ans ! Dix ans se sont écoulées entre le deuxième et le troisième opus. On sent que Jacqueline Carey, sans se débarrasser de ses personnages, soulève les jalons de la transition entre ses deux cycles… Et pourtant, la fin qui apporte une réelle fin mais qui laisse néanmoins une porte ouverte, donne le sentiment que tout n’est pas fini, que ça ne peut finir...

… Pas maintenant, ni jamais. C’est ce qui restera dans ma mémoire. Entre Kushiel et moi, c’est une histoire d’amour qui ne risque pas de s’éteindre, tant la saga est si intense, douce amère.

Les personnages sont forts, poignants par leur sincérité, leur naïveté parfois, par leur foi aussi. Moi qui ne suis pas croyante, j’ai admis, voire cru, en ce panthéon qui est à l’origine de tous les tracas de chacun des personnages - et cette crédibilité me semble un point fort majeur.
Les personnages, donc, me manqueront énormément. Phèdre évidemment, par sa douceur et sa détermination à suivre sa reine sans pour autant remettre en cause son service à Namaah et à Elua le béni. On la prend en pitié malgré nous dans ce troisième volume, alors qu’elle est prête à tout perdre pour sauver ce qui peut encore l’être. Sa relation avec Joscelin en prend également un coup, et j’ai eu peur que cette ultime épreuve vienne à bout de leur tortueux, instable, lien d’affection.
J’ai en revanche ressenti quelques réticences à apprécier le garçon qu’ils ont allés chercher. Non pas à cause de ses origines, on ne choisit pas sa famille comme on dit, mais en raison de cette représentation d’animal blessé, devenue sauvage. Je pense qu’il m’a trop rappelé mon enfance si bien que je suis restée sur le qui-vive, pas prête à l’accepter. Finalement, la douceur de Phèdre et la tranquillité de Joscelin l’ont amadoué, pour mon plus grand plaisir.
Sans surprise, on retrouve également la Némésis de Phèdre. Sa position est plus précaire et la demande, la supplication, la rend plus humaine encore. J’ai cru que son jeu de manipulation ressortirait à nouveau, j’ai eu la joie de voir que l’ennemie était en partie pieds et poings liés - en partie, car elle parvient tout de même à motiver Phèdre à prendre le départ pour les fameuses contrées lointaines. En revanche, un murmure (celui du Maître du Détroit) me dit qu’on n’en a pas fini avec elle…
Ce tome signe également le grand retour de l’ami d’enfance. Enfin, “grand”, il est toujours coincé sur son île mais au moins ne reste-t-il pas un souvenir douloureux dans l’esprit de Phèdre et Dunctan, il apparaît de chair et de sang. Là aussi, son grand retour m’a fait craindre le pire pour la romance de Phèdre, qui ne savait qui choisir dans le premier opus.

Déjà les longueurs des tomes précédents étaient éclipsées par cette plume tout simplement fabuleuse, la voix de Phèdre, autant ce dernier opus ne souffre d’aucun ennui. L’ellipse permet de trancher sans vergogne avec l’intrigue précédente si bien que Phèdre prend quasiment la route en cinquante pages - ce qui choque vraiment. Puis le temps passe, les personnages avalent les lieux et on voyage avec eux, subissant la douleur, l’émerveillement, la crainte de l’inconnu comme si on faisait partie intégrante du groupe. Et ce jusqu’à la fin. Pas un instant je me suis ennuyée, pas un instant je ne voulais pas attraper mon livre. Je lisais dès que je le pouvais, à raison de deux cent pages à chaque fois, tellement j’étais happée par le rythme des aventures. Je crois avoir déjà dit ça pour le second tome, mais ce troisième volet doit être mon préféré.

La plume est magique et magistrale. J’ai rarement parcouru un style, certes une traduction, avec un vocabulaire si soutenu et si compréhensible. Ça roule sur la langue, tellement c’est fluide, avec une richesse et une noblesse qui nous rappelle la cour en Terre d’Ange. Indéniablement, ce style si intime me manquera.



Que dire d’autre si ce n’est crier au coup de cœur ? De la plume aux personnages en passant par l’univers prodigieux, proche du nôtre finalement, et des péripéties à couper le souffle, ce troisième est une magnifique conclusion à une saga de fantasy développée. J’ai rarement lu une plume si parfaite, des personnages si attachants par leur humanité et une intrigue aussi douloureusement piquante. Tous les fans du genre, adultes, devraient lire cette saga. Lisez la, vraiment, vous n’y perdrez pas au change !



20/20





Les autres titres de la saga :
1. La Marque
2. L'Élue
3. L'Avatar
- saga terminée -


6 commentaires:

  1. Très belle chronique pour ce tome qui est vraiment dur par moments. Je crois que je prendrais plaisir à retourner en Terre d'Ange un jour.

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    1. Merci, My !
      Il va de soi que je le relirai un jour, quand j'aurai tout oublié en dehors du souvenir de cette plume. D'ailleurs, j'ai confié les trois volumes à ma mère, je suis à peu près certaine que passé les trois cent premières pages, elle appréciera !

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  2. Je me retrouve tellement dans ce que tu en dis ! J'ai aussi fermé ce tome les larmes aux yeux, le souffle coupé devant la beauté et la richesse de cette (première) trilogie.
    Concernant la trilogie d'Imriel, le premier tome - même s'il m'a plu (cette plume, par Elua ;-)) - m'a fait un peu peur à cause de certaines longueurs et d'une difficulté - à mon sens - à justifier certaines scènes sensuelles ; mais le second tome est tellement beau. Le troisième attend sagement depuis plus de deux ans ... Impossible de l'ouvrir, car finir cette trilogie, ce serait comme quitter Terre d'Ange définitivement !

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    1. Et pourtant, il existe une troisième trilogie dans cet univers, non traduit mais peut-être qu'un jour..?
      De mon côté il me tarde d'avoir Imriel. Et je ne sais pas si la difficulté liée à la sensualité soit gênante, après tout le personnage est jeune (à moins qu'il ait grandi dès le premier tome ? Mais je ne veux pas savoir, je veux garder la surprise ;-) ). Il faudra bien finir ce troisième opus si tu veux le dernier mot de l'histoire =)

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  3. J'avais trouvé que ce tome était le plus dur et le plus noir de la trilogie. Et je te conseille évidement de lire Imriel ! Quant à moi je suis trop déçue que bragelonne n'ait jamais terminé la série. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé car au début il l'annoncait.

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    1. En effet, on s'enfonce réellement dans la noirceur la plus abjecte ici... c'est ce qui rend ce tome marquant. Il est évident que je poursuivrai avec Imriel, voire avec la trilogie non traduite (pas pour rien que je me remets à la lecture VO ^^).
      Bragelonne est la maison d'édition qui a le plus abandonné de sagas en cours, je ne suis pas étonnée de ce revirement, même si je suis forcément déçue car c'est une saga géniale...

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