Europe. Demain.
Dérèglements climatiques, terrorisme et guerres confessionnelles secouent les restes d'un ordre mondial en miettes et jettent des millions de réfugiés sur les routes. L'horizon est fluctuant ; le monde se recroqueville face à un futur incertain et menaçant. Et puis il y a les Elohim — ou prétendus tels. Des êtres exceptionnels, mystérieux, porteurs d'un espoir nouveau, et qui semblent s'incarner sur Terre de manière aléatoire.
Qui sont-ils ? D'où viennent-ils ? Que sont-ils ?
Valentine Ziegler est pigiste. Lorsque, depuis sa Suisse natale aussi préservée que sécurisée, elle entend parler de la présence possible d'un de ces êtres dans un camp de réfugiés tunisien géré par l'agence européenne Frontex, elle auto-finance en hâte son voyage dans l'espoir d'un reportage digne d'intérêt. Valentine est toutefois très loin d'imaginer au devant de quoi elle se précipite, l'étendue de la révolution à laquelle elle va se mesurer. Une possible épiphanie à même de changer sa vision du monde, si ce n'est le monde tout entier…
Pourquoi ce livre ? J’adore cette collection, des novellas qui proposent un traitement pertinent de thèmes lourds.
J’ai mis beaucoup de temps à comprendre quel était l’intérêt de cette œuvre, à l’intrigue entraînante mais à l’objectif nébuleux. C’est sous la douche (comme souvent) que j’ai eu le déclic.
Pour mieux comprendre la suite, il faut savoir qu’un Elohim est une sorte d’extraterrestre, un individu arrivé sur Terre, dans un futur plus ou moins proche, doté de quelques capacités hors normes. Toutefois ils sont difficiles à différencier des humains, si bien que quelques temps plus tard on est capable de déterminer si l’individu est réellement un Elohim ou si c’est un humain qui a su jouer de petits numéros magiques.
Issa est le dernier Elohim apparu sur terre, retrouvé finalement dans un camp d’immigrants en attente de papiers pour entrer dans les états développés. Proche de trois immigrants, c’est par intérêt politique et convoitise personnelle qu’il va les aider à passer la frontière.
L’intrigue est très intéressante, rythmée par les articles d’une journaliste, la véritable protagoniste de l’histoire. Elle qui cherchait un bon article, “humain”, sur les conditions des camps d’immigrés, elle se retrouve finalement avec une curiosité dévorante pour cet Elohim qu’elle a reconnu dès les premiers ragots. Entre l’altruisme et la géopolitique, on est servi en termes de valeurs et de notions.
La fin est certes brutale, elle met en scène un retournement de statut que je n’avais pas anticipé et, comme la journaliste, j’ai un doute sur tout ce qui est expliqué. Qui croire ? On essaye de mettre le doigt sur l’indice, le détail qui permettrait de clarifier la situation d’Issa.
Mais en parallèle, il faut également réfléchir sur la portée de ce texte. Comme je le disais, il m’a fallu plusieurs jours pour mettre les informations à plat. Et finalement c’est fort simple, une réalité dégueulasse. D’emblée je précise que ce n’est que mon interprétation…
Pourquoi lier l’immigration à un extraterrestre ? Tout simplement pour montrer, par le biais du personnage politique qui intervient à plusieurs reprises, combien les politiciens sont prêts à tout donner pour rencontrer la dernière “attraction”, un individu détonnant parce que lié au surnaturel, contre une politique migratoire dont l’engrenage s’enclenche très difficilement en raison de rouages grippés. Cette curiosité malsaine a aidé trois migrants mais porte préjudice à tous ceux qui attendent depuis des mois aux frontières, dans des conditions dramatiques.
L’intérêt de cette novella peut paraître bien moins percutant, il faut vraiment prendre le temps de se poser après cette lecture pour peser le pour et le contre de sa portée - enfin, c’est souvent le cas avec les parutions dans cette collection !
J’ai beaucoup aimé la plume, simple et directe. Elle ne prend pas parti et retranscrit fidèlement les émotions des uns et des autres, c’était sympathique et ça m’a donné envie de découvrir d’autres productions de Laurent Kloetzer.
Un bon roman qui soulève une réflexion intéressante bien que peu évidente. Le rythme est aussi parfait que les personnages qui composent le scénario et la plume rend bien compte des émotions. Encore une jolie parution dans la collection Une heure lumière.
15/20
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