1890. Après une épuisante campagne militaire, le royaume de Coronado a conquis l'essentiel de la péninsule de la Lune d'Or. Seul l'Empire du Léopard, perdu dans les montagnes, lui résiste encore. Dans l'attente des renforts promis par sa hiérarchie, le colonel Cérès Orkatz - surnommée la Salamandre - peine à assurer l'ordre sur place, la faute à un vice-roi bien intentionné mais trop faible. Dans ce monde de jungle et de brume, les colons venus faire fortune s'épuisent et meurent à petit feu, même si certains au sein du régiment espèrent toujours découvrir la mythique cité de Tichgu, qui abriterait selon les légendes locales la Fontaine de Jouvence...
Un grand merci à Cathy et aux éditions Critic pour ce partenariat.
Pourquoi ce livre ? Ce n'est pas le premier Chastellière dans lequel je me lance. Ayant lu son tout premier ouvrage avec Le Village, une aventure fantasy en huis-clos, je me souviens d'une histoire entraînante, presque angoissante, le tout servi par une plume fluide. Curieuse de voir ce que cela donnait sur un plus gros volume, Cathy m'a gentiment confié cet ouvrage pour que j'en fasse mon avis. Un grand merci à elle pour cette perle !
On dit qu'une perle naît d'une impureté. Je serai vache de dire que c'est le cas ici, mais ce ne fut pas une immersion aisée. Avant de passer à l'action, l'auteur a décidé de développer son univers, les paysages comme la politique et ses personnages, leur personnalité comme leur background. De fait, les premières pages nous plongent dans un monde sombre, avec énormément d'informations et de noms à assimiler. Et Emmanuel Chastellière a pris son temps pour étayer l'ensemble dans une cohérence parfaite. Encore que, si l'univers semblait alléchant, desservi par une plume magistrale, le manque d'action fut un frein considérable à mon plaisir : c'est gentil de prendre le temps de poser les bases, mais faut également un élément pour décrocher l'intérêt. Finalement, outre par la plume qui m'a envoûtée dès les premières lignes, c’est la curiosité qui m'a poussée à tenir les trois cents pages.
Trois cents pages et tout bascule. Enfin. Pour notre plus grande délectation ! Je dois être un peu sadique d'employer un tel qualificatif pour décrire mon ressenti mais ce fut tellement cela ! Comprenez-moi, l'auteur rapporte en long, en large et en travers que les peuples soumis à la colonie sont dangereux et totalement opposés aux colons. Pourtant aucune attaque n'est subie en l'espace de trois cents pages, reléguant ce danger au rang de vague menace. Alors quand tout bascule enfin via une attaque désemparée et que le sang gicle, on se passe la langue avec l'idée qu’on va enfin en prendre plein les mirettes.
De là, la tension ne fait que grimper à son comble jusqu'à l'épilogue. Je ne vous devoilerai rien, si ce n'est que chaque participant, chaque personnage va devoir faire face à ses démons, un ennemi bien plus redoutable qu'une simple épée ou massue. Et si le goût de la trahison est certain pour beaucoup, la survie de chacun d'eux n'est pas assurée…
Pour vous confier mon ressenti sur cette fin, j'ai jubilé. J'ai retenu mon souffle parce que je me suis attachée à bons nombres de personnages et que je m'inquiétais pour leur sort ce qui est, pour moi, un preuve suffisante que la longue introduction a fonctionné. Mais oui, la fin vaut vraiment la peine de tenir jusque-là !
En guise de décors, j'ai nettement eu ce sentiment que l’auteur inscrivait son intrigue dans les pas de conquistadors en quête de l'Eldorado, avec des indiens entre les deux. Dans tous les cas, on est clairement dans le thème des colonisateurs prêts à tout pour obtenir l'objet de leur désir (je parle des puissants, pas de l'armée elle-même). D’ailleurs, c'est amené sans qu'on juge qui que ce soit, si ce n’est ceux qui ne se seront jamais déplacés...
Comme je le disais, je me suis énormément attachée aux personnages. La Salamandre d'abord, de son vrai nom Cérès Orkaz, fait preuve d'un sérieux et d'une autorité à toute épreuve, même si son arrivée à la colonie fut un exil et non un choix.
Camellia, l'indigène rejetée touche forcément par son passé. Si on apprend celui-ci au compte goutte, rien ne peut laisser indifférent, que ce soit son passé ou son présent.
Dumelin, ah !, que j’ai adoré cette intendante de camp discrète mais ferme, un véritable pilier sur lequel pouvait s'appuyer Cérès. J'ai adoré sa loyauté, sa dévotion, mais également ses conseils et son amitié pour l'autre jeune femme. Elles se voient peu mais on apprend d'elle que Cérès était sa meilleure amie et j'ai été touchée par cette déclaration.
Il était impossible de ne pas parler de Philomé, cel petit bonhomme qui est prêt à tout sacrifier, pour sa patrie plus que son honneur. Affectueux et tolérant, sa gentillesse n’a d'égal que sa grandeur d'âme.
Et enfin, Cortellan et son second Kamil. Lejr rôle dans tout cela m'a paru ambigu du début à la fin. Et pourtant, j'ai adoré leur audace et leur tempérament d'apparence sans peur et sans faiblesse. Mais des faiblesses, leur route en est jalonnée et ce sous plusieurs formes… Cette réalité est valable pour tous les personnages.
Une petite ligne pour Constance, que j'aurai bien baffée si elle s'était tenue devant moi !
La plume est géniale. Plus mature que pour Le Village, elle use de phrases construites avec soin et de lexiques de niveau courant tourné de manière à ce que cela donne l’impression d'être soutenu. C'est difficile à expliquer mais en réalité c'est un style relevé qui reste accessible. Sans aller jusqu'à dire que c'est de la poésie, je me suis enivrée par ce style puissant.
J'ai écrit cette critique une nuit d'insomnie. Au réveil en y repensant, je me suis sentie vidée, comme si les personnages et l'univers m'avaient définitivement quittée lors de l'écriture... Et une réalité dans tout ça, c'est qu'ils me manquent tous. Preuve inconditionnelle que je me suis attachée aux caractères, que j'ai été embarquée par cette aventure... Merci !
Ce one shot de la Fantasy française m'a fait l'effet d'une locomotive à vapeur : elle est longue à se lancer mais une fois en branle, on ne l'arrête plus et c'est un délice. Portée par une plume magistrale, on découvre une renaissance à la sauce fantasy, où mythes païens flirtent avec les projets des grands conquistadors. Une fois lancés, les événements s'enchaînent, l'horreur entre en action et le lecteur n'a plus qu'à se délecter, à jubiler. Je ne regrette pas d'avoir passé le cap de la longue introduction et je ne saurais trop conseiller à chacun de lire ce livre jusqu'au bout : il vaut la peine de trôner sur vos étagères !
17/20
J'ai beaucoup aimé l'écriture aussi :)
RépondreSupprimerCa ne m'étonne pas de toi ;) Mais oui, c'est un des points forts de l'histoire !
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