6 mars 2017

Testament, tome 1 - L'Héritière




Je m'appelle Agnès Cleyre et je suis orpheline. De ma mère sorcière, j’ai hérité du don de voir les fantômes. Plutôt une malédiction qui m’a obligée à vivre recluse, à l’abri de la violence des sentiments des morts. Mais depuis le jour où mon oncle notaire m’a prise sous son aile, ma vie a changé. Contrairement aux apparences, le quotidien de l’étude qu’il dirige n’est pas de tout repos : vampires, loups-garous, sirènes… À croire que tout l’AlterMonde a une succession à gérer ! Moi qui voulais de l’action, je ne suis pas déçue… Et le beau Navarre n'y est peut-être pas étranger.



Acheté au cours des Utopiales millésimés 2016, j’avais bien l’intention de lire ce premier tome rapidement, après la grande réussite de la « préquelle » Métaphysique du Vampire. Inscrit dans l’ABC Challenge Imaginaire pour m’assurer de lui faire un sort dans l’année, je n’ai finalement pas résisté bien longtemps à la couverture, me jetant sur ce livre avec un appétit vorace. Et je me suis régalée du début à la fin !

Ce premier tome met en scène Agnès, la vingtaine et récemment orpheline. Les premières pages la découvrent d’emblée sous une note d’humour, elle qui se retrouve dans un cimetière en pleine nuit affublée d’une tenue digne d’un gala. Cette entrée in medias res dans l’intrigue et la vie compliquée de l’héroïne va permettre de capter tout de suite l’intérêt du lecteur, par l’humour et les mystères que ce préambule renferme mais également par tout ce qui sera révélé. Car, et ce sans spoil, Agnès est considérée comme une Sorcière. Et la vie qu’elle mène, déjà complexifiée par la terreur que lui inspire les spectres de nos émotions, va en prendre un coup lorsqu’elle atterrira dans le cabinet de son « oncle » Géraud.

Alors vous devez vous dire, « encore une histoire de sorcières, on y a le droit à toutes les sauces depuis une bonne décennie ! ». Ouais, c’est un fait, mais vous ne n’avez jamais (ou alors je ne sais pas ce que vous faites là :P) revisité le mythe à la sauce Débats. Vous devriez, c’est excellent pour les zygomatiques !
Par sa maladresse et ce don maudit héréditaire, Agnès va multiplier ou être témoin de scènes cocasses où humour et cynisme ne sont jamais loin et se mêlent parfois pour un fameux mariage, suscitant parfois un rire, souvent un sourire. Entraîné par cette bande de fous, on se prend au jeu des questions-réponses, on attend avec appréhension le nom de cette fameux héritière, spéculant comme jamais sur son identité.
A ce propos, je fus surprise que le nom soit divulgué si tôt, entre guillemets car cela arrive vers les trois cents pages, c’est juste que vu la mise en forme du contenu, je m’attendais à ce que ce soit le cliffhanger final. Eh bien, non ! Jeanne A. Débats a trouvé le moyen de faire pire encore, répondant à certaines questions, suscitant d’autres interrogations qui donnent cette fabuleuse envie de se jeter sur la suite ! (Pa de bol, je dois attendre la sortie poche…)

Ce tome est également l’occasion de se réapproprier la ville de Paris. Oublié les lignes de métro, les gens pressés, le danger partout. Enfin non, pensez au danger car il est partout. Quadrillée en territoires, la ville regorge de vampires, de loups-garous, de féals et j’en passe. On peut même vor le bout du nez d’un Dieu se pointer, à quelques moments. Les mythes, aujourd’hui bien connus sur le marché du livre, sont ici revisités avec une bonne dose d’humour et de dérision qui prodiguent un aspect nouveau là où on penserait qu’on en a fait le tour. C’est rafraîchissant.
De plus, l’auteure multiplie les références, et je ne parle pas que de celles qui orbitent autour des mythes au cœur de l’intrigue. Je ne saurai en citer précisément, mais je peux vous assurer que ce premier tome regorge de culture intelligente ! Après, ne soyez pas inquiets à l’idée de ne pas les reconnaître, d’une part elles sont facilement repérables ; d’autre part, elles ne sont pas toujours nécessaires à la compréhension de l’intrigue, elles appuient davantage la dérision de l’ensemble.

Pourtant, j’ai trouvé qu’il manquait un petit quelque chose pour que cette pépite soit parfaite. Je ne saurai l’objet de ce manque, j’ai remisé cela sur le compte du cynisme, adoré dans la Métaphysique du Vampire, qui s’est faite oublié ici malgré la présence de Navarre, le héros de l’œuvre tout juste citée. Mais je le dis sans assurance, c’est davantage une supputation…

Les personnages vibrent d’authenticité, et le lecteur vibre avec eux.
Agnès est renfermée, et quand je le dis j’évoque à la fois sa manière de vivre comme une recluse et son tempérament introvertie. Vieillissant avec le poids de son don qu’elle appréhende comme une malédiction, la jeune femme ne se permet que de trop peu de choses, ce qui la conduit d’ailleurs dans ce fameux cimetière du Père-Lachaise, en pleine nuit. Combattive et motivée, elle finira par trouver un équilibre dans son nouvel emploi, et son évolution lente et construite rend sa situation sociale réaliste. On rit avec elle, on s’apitoie avec elle, on ne peut rester indifférent à elle.
Zalia est impossible à classer. Au début, je n’ai pas compris quelle espèce elle pouvait bien représenter, même si j’avais ma puce à l’oreille (et quand j’ai pigé, j’avais envie de me baffer toute seule, ahah !). Un coup gentille et adorable, un coup vil serpent perfide, elle permet un équilibre entre la gentille petite humaine et la méchanceté gratuite des créatures de l’AlterMonde, dans le sens où chaque race à ses défauts et ses pulsions incontrôlables… Elle n’en reste pas moins sympathique, quand elle n’essaye pas de trucider les gens selon ses sautes d’humeur.
Géraud, l’oncle autoritaire par excellence. Il parvient toutefois à se moquer de sa nièce par moment, ce qui allège son caractère bien trempé. Et puis, la position qu’il occupe dans l’AlterMonde suffit à disculper son sérieux – il en faut bien, des hommes comme lui. A côté de cela, il fait montre d’un tempérament protecteur à plusieurs reprises.
Navarre. Alors oui, j’étais trop heureuse de le voir réapparaître ici ! Je l’avais adoré dans la Métaphysique du Vampire et je l’ai toujours autant apprécié ici, même s’il est plus reculé et plus sombre du fait qu’il ne soit pas le personnage central. De plus, Herfauges, le vampire au cœur de toute l’intrigue, a permis de comparer tout au long de la lecture les habitudes de Navarre et on se rend compte que ce dernier n’est pas si différent que ses congénères, finalement. C’est juste qu’il est vieux et qu’il a appris le cynisme.
Les autres personnages sont multiples dans ce bouquin, c’est d’ailleurs tout ce qui fait la force de premier volume. Si les personnages sont foules, il est impossible de se perdre dans qui est qui et chacun occupe une place d’importance. On reconnaît les protagonistes des personnages secondaires mais il est impossible de discerner les secondaires des tertiaires (vous avez réussi à suivre ?).

Le style est vif et saisissant. Dés les premiers mots, Jeanne A. Débats nous happe par la force de sa plume, ne reste alors qu’à la suivre dans les méandres de son imagination pour une balade pas de tout repos au cœur d’une Paris revisitée. Un délice !

Petite précision à ceux qui ne connaîtraient pas l’univers, il est possible de lire L’Héritière avant la Métaphysique du Vampire ou vice versa. Navarre est ici suffisamment en retrait pour ne spoiler aucun détail du titre qui le concerne, et c’est également valable dans l’autre sens. N’hésitez plus, faites vous plaisir !



C’est au prix de cette critique fortement métaphorique que je me rends compte à quel point j’ai adoré cette saveur particulière de ces mythes revisités. L’intrigue, quoique banale, contient une force et une tension constantes qui rendent ce livre difficile à lâcher. Les personnages sont pour la plupart attachants, on est pris d’affection pour la plupart et ceux qui restent ne nous laissent pas indifférents non plus. Je suis heureuse d’avoir retrouvé cette plume efficace et sarcastique, encore que je suis déçue de ne pas avoir redécouvert toute l’ampleur du cynisme dont certains des personnages sont capables. Ca frôle le coup de cœur, et ça reste à manger à tous les repas !



18/20




Les autres titres de la saga :
Hors série. Métaphysique du vampire
1. L'Héritière
2. Alouettes
3. Humain.e.s, trop humain.e.s
- saga terminée -


6 commentaires:

  1. J'ai ce livre dans ma PAL tu me donnes vraiment envie de vite l'en sortir ! Ce qui me rassure c'est que j'ai hésité, à l'achat entre ce titre et "Métaphysique du vampire". Et, de ton ressenti, l'un et l'autre semblent vraiment bien !

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    1. Ils sont tous deux excellents. Métaphysique du Vampire aurait pu être un coup de coeur s'il n'avait pas été morcelé en trois petites intrigues. L'Héritière aurait pu être un coup de coeur s'il avait contenu autant de cynisme que le premier livre de cet univers. Que ce soit l'un ou l'autre, lance-toi, ça en vaut la peine, tu ne perdras pas ton temps ! =)

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  2. Je l'avais beaucoup aimé, un univers bien à lui, qui se distingue du lot et une intrigue très sympa avec Herfauges qui m'intrigue vraiment beaucoup xD

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    1. Ouais, c'est vrai que j'en parle peu dans la critique pour ne spoiler en rien mais Herfauges est un vamp très mystérieux et les rebondissements de la fin n'aident pas à calmer la curiosité ^^

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  3. Je l'ai dans ma PAL j'espère qu'il me plaira autant qu'à toi !

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    1. Sincèrement, je m'avance peut-être un peu en disant qu'on a en général les mêmes goûts littéraires mais... je vois pas pourquoi tu serais déçue par un tel livre. Il est parfait à un poil près ! ;)

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