16 juin 2022

Widjigo




En 1793, Jean Verdier, un jeune lieutenant de la République, est envoyé avec son régiment sur les côtes de la Basse-Bretagne pour capturer un noble, Justinien de Salers, qui se cache dans une vieille forteresse en bord de mer.
Alors que la troupe tente de rejoindre le donjon en ruines ceint par les eaux, un coup de feu retentit et une voix intime à Jean d'entrer. A l'intérieur, le vieux noble passe un marché avec le jeune officier : il acceptera de le suivre quand il lui aura conté son histoire.
Celle d'un naufrage sur l'île de Terre-Neuve, quarante ans plus tôt. Celle d'une lutte pour la survie dans une nature hostile et froide, où la solitude et la faim peuvent engendrer des monstres...



Pourquoi ce livre ?J’ai toujours été fascinée par les créatures qui peuplent les différentes régions du monde. Or, je n’avais jamais entendu parler de ces widjigo (également appelés wendigo), j’étais donc curieuse de les découvrir par le biais de ce roman.

Widjigo est un roman d’ambiance (je les enchaîne en ce moment). En Terre Neuve, la pluie ne fait clairement pas le beau temps et les personnages, malmenés par le passé, torturés par leurs expériences, sont réunis dans la quête vaine de retrouver une précédente expédition. Il fait moche, il fait sombre, la famine crie à leur porte, c’est une ambiance que les couleurs de la couverture représentent parfaitement.
Le groupe est hétéroclite. Deux enfants, une femme, un pasteur, un biologiste, quelques soldats et autres nobles. Ils étaient moins d’une dizaine en partant, mais qui sait ce que la route va leur réserver ?

J’ai beaucoup apprécié ce choix de récit emboîté. En effet, on commence la lecture près de trente ans après l’expédition, alors qu’un des membres raconte son histoire avant de subir le châtiment pour des troubles qu’il aurait commis il y a de cela des années. Une fois l’introduction donnée, on suit les deux époques en parallèle, même si on est bien plus plongés du côté du passé.
C’est d’ailleurs la partie que j’ai préféré. En dépit d’un petit coup de mou que je déplore dans le premier tiers du roman, la violence de certaines scènes, la cruauté à la fois cru et cachée, m’ont littéralement fascinée. On ne sait pas bien dans quoi on met les pieds, au même titre que les personnages. Puis, quand les événements s’enchaînent et que les disparitions inquiétantes se succèdent, un frisson glacial m’a pris de court. Bien sûr on fait des hypothèses sur l’origine des disparitions ou des morts, on devine qu’un widjigo est à l'œuvre, mais j’ai été effarée par la manière dont l’autrice nous balade, et ce jusqu’à la fin. A aucun moment je n’ai vu venir de telles révélations, alors que les indices se multipliaient. C’est surtout pour ça, et l’ambiance, que j’ai adoré cette lecture, cette façon de n’avoir rien vu venir.

J’ai adoré les personnages également. Certains sont laissés de côté et on devine qu’ils ne seront pas le centre de l’intrigue. Mais ceux qui sont développés, sans être attachants, dégagent une telle force que j’ai été subjuguée. Et puis sans connaître une évolution au moment T de l’histoire, on les découvre sous différents jours, notamment lorsque le pasteur comment à voir le vilain sur leur chemin. Ce fut vraiment intéressant de voir les personnages restants sous un nouveau jour.
Ce sont les enfants et la femme que j’ai préférés parmi tous. L’adulte, parce qu’elle semble sûre d’elle et indépendante, une figure assez étonnante étant donné l’époque dans laquelle on évolue. Quant aux enfants, c’est d’abord l’interrogation de leur présence puis leur relation touchante jusqu’à la fin qui m’a beaucoup plu. D’ailleurs, le rôle de la petite fille est assez intriguant et j’ai été curieuse qu’elle gagne tant d’importance.

Le style d’écriture d’Estelle Faye atteint son sommet dans ce roman. Même si je la connais surtout pour ses romans jeunesse, j’avais également lu son diptyque autour de l’univers de Bohen. Rien de comparable toutefois avec Widjigo, où la plume crée une sombre ambiance, glaçante à souhait.



Un roman qui se prête à une lecture de nuit ou pour célébrer Halloween. C’est une lecture intense où chaque détail compte. Les personnages ne sont pas attachants mais présentent tous quelque chose de puissant, notamment lors des révélations où on apprend le passé torturé de tous. Et puis ce roman cache un petit côté thriller et j’admets avoir été baladée jusqu’au bout ! Bref, une lecture marquante, que je relirai avec plaisir !



16/20




2 commentaires:

  1. C'est vrainque c'est tout à fait une lecture d'ambiance qu'on pourrait vouloir réserver à certains moments !

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    1. Yep ! Estelle Faye a réalisé un joli tour de force avec cette ambiance poisseuse et ses indices distillés au compte-goutte. Il m'arrive encore d'y penser, plusieurs semaines après ma lecture.

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