10 nov. 2020

Druide




1123 après le Pacte.
Au nord vivent les hommes du froid et de l'acier, au sud errent les tribus nomades et au centre du monde règnent les druides. Leur immense forêt millénaire est un royaume d'ombres, d'arbres et de mystères. Nul ne le pénètre et tous le respectent au nom du Pacte Ancien. Les druides, seigneurs de la forêt, aident et conseillent les hommes avec sagesse mais un crime impensable bouleverse la loi de toutes les couronnes : dans la plus imprenable citadelle du Nord, quarante-neuf soldats ont été sauvagement assassinés sans que personne ne les entende seulement crier.
Certains voient là l'oeuvre monstrueuse d'un mal ancien, d'autres usent du drame comme d'un prétexte pour relancer le conflit qui oppose les deux principales familles régnantes. Un druide, Obrigan, et ses deux apprentis ont pour mission de retrouver les assassins avant qu'une nouvelle guerre n'éclate. Mais pour la première fois, Obrigan, l'un des plus réputés maître loup de la forêt, se sent impuissant face à l'énigme sanglante qu'il doit élucider… Chaque nouvel indice soulève des questions auxquelles même les druides n'ont pas de réponses.
Une seule chose lui apparaît certaine : la mort de ces quarante-neuf innocents est liée aux secrets les plus noirs de la forêt.



Pourquoi ce livre ? Depuis que j’ai lu et dévoré le premier tome de Martyrs, je ne rêve que d’une chose : lire tous les romans de cet auteur - souhait pas bien compliqué à réaliser puisque ce dernier compte peu de romans dans sa production. Il m’aura fallu attendre plusieurs années pour mettre mes envies en pratique… mais ça valait la peine !

Lu en lecture commune avec pas mal de monde, je suis heureuse de voir que la plupart des participantes ont ressenti ce même amour (à différents degrés, certes) pour ce roman : ce fut un petit coup de coeur. Tout est parfait, à un ou deux détails près !

Dans un environnement et une ambiance rares en fantasy, Olivier Peru nous conte, avec une “voix” de barde qui n’est pas sans rappeler le style du francobelge Stefan Platteau, l’histoire d’un druide, Obrigan, de ses deux élèves, Kesher et Tobias, et de deux rois orgueilleux assoiffés de sang. Le point de départ de tout ceci est un massacre au coeur d’une citadelle d’un des deux royaumes. Je dois dire que les détails sont marquants, glauques, classant aisément ce roman dans le sous-genre de la dark fantasy. Cela ne me déplaît pas, au contraire, mais je dois signaler que les âmes sensibles devraient s’abstenir car l’auteur ne nous épargne jamais.
Si les cinquante premières pages sont plutôt basées sur un rythme lent qui nous font apprendre les coutumes, le décor et le tempérament des personnages, tout finit très vite par s’accélérer et cela devient alors un réel bonheur. En parallèle, la taille des chapitres ne fait que gonfler au fil de la lecture, preuve qu’il se passe de plus en de plus de choses. Et pourtant, ça se lit très vraiment tout seul et les chapitres défilent au fil du compte à rebours à une vitesse incroyable : j’ai été embarquée, à fond dedans, au point où j’avais des difficultés à émerger de ma lecture.
L’univers est original et les rebondissements qui découlent des péripéties sont de réelles surprises, apportant tension et plaisir de lecture. Je dois dire que l’intrigue ne possède aucune faille, c’est bien pensé, bien amené, avec le soin du détail.
Même la fin me semble parfaite. Je craignais un deus ex machina, ou l’arrivée d’un énième parti qui sauverait la mise des défenseurs, mais l’auteur a une fois de plus su jouer la carte de la finesse pour nous offrir quelques plaisantes surprises. Je valide totalement le choix de l’émotion pure.

L’ambiance est une des forces qui façonnent ce one shot. Je n’ai pas souvent l’occasion de lire des récits autour des rites druidiques, dans un décor totalement planté dans une forêt. Je pense que ce genre d’aventures ne courent pas les rayons des librairies ! De fait ce fut rafraîchissant voire enivrant, surtout qu’Olivier Peru parvient à donner corps à son décor, par sa plume et des artifices comme la présence des animaux, qui reviennent très souvent. Bref, je pourrais épiloguer très longuement sur les sensations et les images qui découlaient de la narration, mais retenez que l’auteur parvient parfaitement à planter le décor et à nous immerger dans cette atmosphère boisée et sombre, parfois viciée.

Les personnages sont une des autres grandes forces de ce récit. À l’image du premier tome de Martyrs, la plupart des personnages sont l’opposé des stéréotypes : ni trop blancs ni trop noir, chacun est nuancé en fonction de son passé, de son rôle et de sa position actuelle. De fait, il n’est pas anodin de suivre un roi vengeur et de l’entendre rire ou respectueux ou de surprendre un druide qui tue.
Obrigan est bien entendu le personnage auquel le lecteur va le plus s’attacher. Parce qu’on le suit bien plus que les autres, qu’on a le temps de l’appréhender, de l’apprécier et de s’attacher à lui. Ses valeurs sont pures, il est empli d’amour sans pour autant se laisser marcher sur les pieds. Il est discret mais n’hésite pas à se faire entendre. Il a ses forces et ses faiblesses, et sa situation finale m’a tirée un sourire de tendresse. Je l’ai adoré et je pense ne pas me tromper qu’il deviendra ma référence en matière de druide à partir de maintenant (désolée Merlin de Kaamelott, mais tu ne joues pas dans la même cour !).
Et pourtant, Obrigan n’est pas mon personnage préféré. Jarekson, prince du Rahimir, a le caractère qui m’a le plus envoûtée. Fort en gueule, toujours un sourire taquin au coin des lèvres, tout cet étalage de moquerie légère cache en vérité des blessures qui ne cicatrisent pas et un poids trop lourd à porter. Sa vie est pensée pour son royaume et son individualité rencontre des difficultés à émerger. Je l’ai très vite pris en compassion, et pourtant je me laissais séduire par sa répartie et ses secrets. C’est le genre de nuances que j’aime chez un personnage, le ténébreux à la fois énigmatique et charismatique.Ce n’est pas pour rien que ce qu’on sait de lui à la toute fin m’a fait grimacer, j’ai trouvé son dernier choix débile même si je comprends ses raisons. J’aurais tellement souhaité autre chose...
Puisque j’en suis à parler d’un futur roi, je vais évoquer son adversaire de toujours : Yllias, roi du Sonrygar. Je pense que c’est celui que j’ai le moins apprécié du lot parce que c’est le moins nuancé. Présenté sous un angle bagarreur et sanguinaire, on apprend à ses côtés qu’il est loin de ne voir que par le sang. Dans son royaume, il semble même simple, facile d’accès, oublieux du protocole. Mais voilà, son empressement à désigner un coupable et à vouloir tirer la lame me l’a rendu antipathique au départ et il m’a fallu un peu de temps pour comprendre que lui aussi possède forces et faiblesses, sourire et rage. J’ai fini par l’apprécier, mais cela aura été plus long et doux que pour les autres.
Les deux élèves d’Obrigan, qu’on suit pas à pas dans cette aventure sanglante, permettent d’appréhender les différents caractères qui composent les quatre ordres des druides et d’avoir une idée du genre d’apprentissage qu’ils sont amenés à suivre pour gravir les échelons et mériter son statut de maître druide. J’ai beaucoup Kesher et Tobias, si différents et si complémentaires. Ils ne me manqueront pas forcément, mais leur présence et leur combativité dans ce récit, les sacrifices qu’ils concèdent, m’ont marquée. J’ai également beaucoup aimé Arkantia, pour le rôle qu’elle joue et son évolution. De plus, elle introduit la féminité dans le récit et place le sexe sur une haute échelle de valeurs !

La plume est magique et m’a conquise dès les premières lignes. C’est doux, fluide et limpide, ça nous fait sentir les odeurs boisées, voir des couleurs merveilleuses et entendre des choses abominables, tout ça en même temps et dans une harmonie confondante. Le souci du détail sans alourdir la narration est impeccable et apporte un plus à cette ambiance.



Rares sont les romans qui usent des mythes druidiques comme décor, ici c’est un pari réussi et je dirai même mieux, c’est le meilleur univers druidique que j’ai pu lire jusqu’à maintenant, grâce aux rites, aux valeurs, à ces agents de la paix et du respect qui n’hésite pourtant pas à prendre les armes. Les tons sont différents mais bien confrontés, les rebondissements sont magiques et les personnages pour la plupart convaincants, avec des valeurs et des zones d’ombre qui contrastent leur personnalité. Une lecture magique par bien des aspects, portée par une plume fluide tout en finesse, riche de détails. Un coup de cœur.
J’ai très peu d’auteurs francophones que j’affectionne pour leur plume et leur capacité à m’immerger dans leur univers en quelques mots poétiques : Pierre Bottero pour la jeunesse ; pour les adultes, Jean-Philippe Jaworski, Stefan Platteau, et je pense que ça s’arrête là pour la poésie des mots. Olivier Peru vient de grossir les rangs des conteurs qui m’envoûteront toujours.



19/20





2 commentaires:

  1. Je partage en tous points ton enthousiasme. Je précise que pour les romans, son prénom de scène semble être OLIVER.

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    1. C'est vrai, c'est que sur Livraddict son prénom principal est Olivier, je n'ai pas cherché plus loin ;)

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