20 août 2020

Bertrand Lacejambe, tome 1 - Delius, une chanson d'été




XIXe siècle. Un poète assassin sème la terreur autour du monde, ses victimes sacrifiées aux cours d’horribles rituels floraux. Sur ses traces, Bertrand Lacejambe, un botaniste excentrique et son fidèle Fenby, elficologue amateur. Aux portes de la folie et de la magie, ils vont devoir braver les dangers de Féerie pour dévoiler la terrible menace que fait peser le Diadème sur nos rêves.



Pourquoi ce livre ? Je ne connaissais pas cette autrice avant sa rencontre lors d’une conférence sur à l’Université Rennes 2. C’est à ce moment-là que je me suis dit que ça ne serait pas que ludique de lire une de ses oeuvres un jour. Les Utopiales qui suivirent cette conférence, j’ai acheté Delius… et quelques mois plus tard au gré d’un challenge, je me penche enfin dessus !

Qu’on soit clair, du début à la fin je me suis demandée si ce livre tenait de la nullité folle au génie. Ce n’est qu’en refermant le livre et en repensant à un adage maintes fois répétées pendant la conférence, “Tout est politique”, que j’ai penché vers le génie.

L’enquête de Delius est des plus étranges et oscille entre absurde et surréalisme dans le style d’écriture. Tout semble décousu, joué de coïncidences et de hasard, des thèmes qui plaisent tant aux artistes du surréalisme. C’est une sorte de merveilleux dans lequel on aurait oublié les fées, jusqu’à ce que leurs facéties sonnent l’heure des révélations. Cette ambiance étrange, surnaturelle, est tellement originale, décalée, qu’elle a failli me perdre. J’ai lu le bouquin sur une après-midi, et j’ai vraiment été gênée par ce décalage entre l’horreur des crimes et les personnages complètement barjes. Du début jusqu’aux derniers chapitres on nage dans une atmosphère étonnante et malaisant, mais je vous assure qu’il faut tenir jusqu’au bout pour avoir pleinement conscience de l’objectif de l’autrice.
Car voilà, il me reste cent pages à lire quand je me suis interrogée si j’aimais ou non cette oeuvre. Ce furent les derniers chapitres qui m’apportèrent la réponse, un cheminement que je ne peux évoquer ici sans risques de vous révéler le moindre détail important qui gâcherait le plaisir mais… mon Dieu que ce fut bon de comprendre là où il voulait en venir. C’est là que j’ai compris que ce roman tenait du génie, parce que la coïncidence dans l’enchaînement des péripéties ne pouvait pas nous préparer à cette fin et la réflexion qu’elle porte : le conflit entre l’art et la politique, la parole des artistes, qui comprennent un univers féérique, merveilleux, aux hommes politiques qui ne peuvent savoir ce que signifie rêver. “Tout est politique”. Sans cet adage répétées par Sabrina Calvo lors de la conférence, je serai totalement passée à côté de ce roman. Je fus heureuse d’avoir pu percevoir et comprendre toute la poésie, toute la portée de cette oeuvre.

Ce n’était pourtant pas gagné, même vis-à-vis des personnages qui ne m’ont pas paru sympathiques. Le duo Lacejambe et Fenby fonctionnent parfaitement parce que tous deux nous rappellent, sans équivoque, les célèbes Holmes et Watson. Seulement leur savoir-faire (et parfois le sentiment de leur incompétence) vont leur insuffler un petit quelque chose qui fait que, sans s’attacher pour autant, on prend plaisir à suivre leurs mésaventures.
Les autres personnages ne m’ont eux aussi fait ni chaud ni froid. Je pense que la forme de l’intrigue en est la cause. On alterne les différents points de vue, mais on découvre certains par le biais de journal intime par exemple. On est directement propulsé dans cette affaire sans en comprendre les tenants et aboutissants et c’est parfois compliqué d’assimiler qui est qui, et donc de s’y attacher. Malgré ce détachement envers eux, la plupart sont marquants.

Le style contribue à rendre l’atmosphère étrange. Les phrases sont de longueurs inégales, mais une chose persiste tout au long : c’est haché, entrecoupé, l’autrice multiplie les incises, les gradations, les petits détails qui coupent notre élan dans la narration. Désagréable au premier abord, j’ai finalement apprécié parce que cela contribue à donner cette impression de hasard, de lourdeur… Le style est en parfaite adéquation avec le récit !



Ce premier tome ne plaira pas. C’est détonnant d’originalité, avec un but qui n’apparaît qu’à la toute fin pour ceux qui selon moi ont les clés pour le comprendre. Le style est lourd par toutes ces virgules qui fourmillent, les personnages ne nous apparaissent pas sympathiques et le récit se remet dans les mains du hasard. On oscille entre l’absurde des dialogues et le surréalisme des péripéties. C’est étrange, mais le message final vaut le coup. Folie ou génie ? Tout dépend de comment on perçoit cette fin… Je me suis longuement demandée si je lirai la suite ou non. C’est du génie. Je la lirai.



17/20





Les autres titres de la saga :
1. Delius, une chanson d'été
2. La nuit des labyrinthes
- saga terminée -


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